Chantiers du Parlement wallon: "Une fois qu’on a dit “c’est trop cher”, qu’est-ce qu’on fait ?" lance le président André Frédéric
Le président du Parlement wallon André Frédéric assume la continuité, le passé, les décisions qu’il n’a pas prises. "Mais je veux tourner la page." Entretien.
- Publié le 13-04-2023 à 06h00
- Mis à jour le 13-04-2023 à 06h53
Le 22 décembre 2022, André Frédéric monte au perchoir du Parlement wallon. "Je n’ai pas sollicité la fonction", glisse l’ancien chef de groupe PS.
On connaît le contexte: le greffier suspendu, des chantiers immobiliers aux budgets explosés, une certaine mission à Dubaï et la démission générale de l’organe de gestion de l’assemblée, le Bureau, et de son président Jean-Claude Marcourt.
En trois mois, André Frédéric s’est montré discret. Mais quand on lui pose des questions, il fait son possible pour y répondre.
Et il nous explique, en vidéo, pourquoi il ne veut plus parler d’une "Maison des parlementaires".
André Frédéric, quand vous êtes entré en fonction, vous avez défini vos lignes de mission: recréer la confiance, instaurer la transparence dans les décisions du Bureau, resserrer des boulons en termes de dépenses, justifier chaque euro public. Où en êtes-vous ?
Avant d’accéder à la présidence, on avait déjà mis en place la commission de la Comptabilité, pour analyser les budgets et les comptes du Parlement en public.
Elle s’est tenue juste deux fois.
Oui. La dernière fois, c’était sur le système comptable et budgétairedu Parlement. Dès le moment où une seule personne dispose de tout le pouvoir, sans contrôle, ça ne va pas.
D’autres mesures ont été prises pour mieux contrôler les dépenses ?
Un rapport trimestriel sur l’état des engagements budgétaires, la mise en place d’un révisorat d’entreprise pour un état des lieux des procédures, l’engagement d’un directeur financier (NDLR: dont le profil sera défini au Bureau de ce jeudi) et le contrôle de la Cour des Comptes.
La Cour est en mesure de faire son travail ? Des masses de documents ont été emportés lors de la perquisition du 9 mars.
Oui. Elle renonce juste au contrôle des dépenses liées à la jonction piétonne et à l’extension du Parlement: une instruction judiciaire est déjà en cours à ce sujet.
Et vous, vous avez accès à tous les documents concernant ces deux chantiers ? Vous disposez d’une ventilation des dépenses poste par poste ?
Je découvre des choses chaque jour. Quand on m’interroge, par exemple,sur le prix des sièges dans le nouveau bâtiment (nos éditions du 12 avril), ça me prend un peu de temps. Mais avec l’aide des services, je trouve. Je vois la greffière plusieurs fois par jour. On a la chance d’avoir affaire à des fonctionnaires rigoureux, dévoués à l’institution. Ils tiennent le cap malgré les tempêtes. Ils trouvent des réponses dans des délais très courts. La machine est bien huilée et la situation sous contrôle. Mais la greffière est ad intérim. Moi, je suis là depuis le 22 décembre. Je n’ai pas la mémoire du passé. C’est aussi un avantage. Je n’ai pas d’a priori.
C’est plus facile quand on veut faire table rase du passé ?
Au contraire: je dois tenir compte de ce passé. J’assure la continuité. Et j’assume les décisions, y compris celles que je n’ai pas prises.
Et que vous auriez prises ?
Je ne sais pas. Je n’y étais pas. Je peux dire que j’aurais analysé les marchés autrement. J’aurais fait moins confiance au greffier qui soumettait les marchés. J’aurais certainement été plus attentif aux coûts. Mais je ne fais pas de reproches à l’ancien Bureau.
Et au Bureau qui a précédé celui-là (2014-2019) ?
Je ne l’ai pas connu.
Ils ont accordé les pleins pouvoirs, ou presque, au greffier.
Le greffier disposait en effet d’une large délégation de pouvoir, accordée sous la présidence d’André Antoine (Les Engagés). Je pense que ce jour-là, ils ont fait une erreur. Et je pèse mes mots.
Vous en pensez quoi, de ces dépenses ? Des prix du mobilier, de l’équipement, du nouveau bâtiment ?
Même quand les réponses ne me satisfont pas moi-même, parce que je n’aurais pas fait comme ça, ou pas choisi ça, le problème ne se pose pas. Ce n’est pas mon opinion qui compte. Je peux crier avec tout le monde "C’est trop cher". Mais quand on a dit ça, qu’est-ce qu’on fait ? On met les meubles sur le seuil ? On les vend aux enchères ?
Le déménagement est prévu à la mi-juillet.
Oui. Et les meubles sont là, installés et payés. C’est fait. Il faut le redire: ces engagements financiers sont exceptionnels dans l’histoire d’un Parlement. J’essaie d’ouvrir des fenêtres. J’assume le passé. Mais je regarde vers l’avenir. Je veux tourner la page. Je veux qu’on considère le Parlement comme une institution qui agit concrètement, dans l’intérêt des citoyens, avec des décisions prises au jour le jour. Il y a ces travaux, dont le prix est contestable. Mais on pourra comparer avec d’autres assemblées.
Vous allez vous installer dans ce nouveau bâtiment ?
Non. Sauf pour les séances plénières, je resterai ici, square Masson, avec le personnel du greffe. Une de mes missions, c’est d’essayer de ramener de la sérénité dans les services. Je suis là tous les jours et le personnel le sait. On peut me parler.