Procès des attentats | Abrini parle et raconte comment il s’est débiné à Zaventem: "Je fais demi-tour directement et je dis : 'je fais pas ça'"
L'interrogatoire des accusés s'est focalisé sur les explosions à Zaventem et la journée du 22 mars de Mohamed Abrini. Il devait se faire exploser à l'aéroport mais a abandonné sa charge explosive et a pris la fuite...
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- Publié le 06-04-2023 à 13h32
- Mis à jour le 06-04-2023 à 16h27
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Combien de temps la coopération durera-t-elle ? Mohamed Abrini a répondu, sans signe d’exaspération, aux questions posées ce jeudi matin par la présidente, Laurence Massart. Cette deuxième journée d’interrogatoire s’est concentrée sur les faits et particulièrement sur la journée du 22 mars et les explosions à Zaventem. “Vous avez dormi cette nuit-là ?” interroge la présidente. “Pas beaucoup”, répond Abrini. “Je me souviens que je me suis levé en retard et que j’ai raté la prière du matin.”
Pour rappel, Mohamed Abrini faisait partie du commando de l’aéroport. Ibrahim El Bakraoui et Najim Laachraoui se feront exploser à 7 h 58. Pas Abrini, qui renonce, abandonne son sac chargé de TATP et prend la fuite. C’est là que débute la cavale de “l’homme au chapeau”… Se faire exploser, cela n’a jamais été dans son intention, assure-t-il. Sur le trajet entre l’appartement de la rue Max Roos et l’aéroport, Abrini cogite dans ce taxi. “J’étais en train de réfléchir comment leur dire que je ne vais pas y aller.” Comment se retrouve-t-il à ce moment, si proche de l’événement, sans avoir eu la possibilité de faire marche arrière plus tôt ? “Le plan initial, c’était de refrapper à Paris pendant la Coupe d’Europe et pour faire annuler l’Euro. Quand Salah Abdeslam s’est fait arrêter (le 18 mars 2016), le plan A est tombé à l’eau.” Tout semble s’enchaîner, Abrini est au cœur de cette cellule djihadiste. “Je montrais que j’étais déterminé mais pas du tout.” Dans la planque, les sacs à dos sont prêts. Abrini se donne le rôle d’un gars qui n’est pas au courant des dernières décisions. “Mais pas besoin d’un diplôme en physique nucléaire pour comprendre que c’est le package des djihadistes qui vont passer à l’action.” Pour lui, tout a été tellement vite alors “qu’on pense que ça se passe calmement.”

“La première chose que je vois, c’est des femmes et des enfants. Je fais demi-tour directement et je dis : 'je fais pas ça'.”
"Des femmes et des enfants"
Lorsque le taxi les débarque à l’aéroport, le trio se rend au Délifrance. Deux bouteilles d’eau et un café sont commandés. C’est là que les bombes contenues dans les sacs sont activées en connectant les piles. “On marche et il (Laachraoui) me dit 'je vais te montrer la rangée 17' (c’est la 11 en fait). “On me montre du doigt et c’est la file des voyageurs vers les États-Unis”. Et à ce moment, Abrini décide qu’il n’ira pas plus loin. “La première chose que je vois, c’est des femmes et des enfants. Je fais demi-tour directement et je dis : 'je fais pas ça'.” L’accusé comprend que sa version peut être difficilement crédible, que son choix était peut-être plus dicté par la trouille que par la volonté de ne pas tuer des civils. Mais il s’explique sur cette notion de tuer des innocents en évoquant “les vétérans du djihad”. Pour lui, ce sont des gars supposés être rompus à la lutte armée et habitués à tuer. Selon son analyse, ces mêmes vétérans ne seraient pas forcément capables de commettre des attentats suicides. “Au djihad, c’est un homme armé contre un homme armé.” Et à l’aéroport, Abrini voit ces familles : “C’est ça qui est cruel. Ces gens sont des doubles victimes : de la politique étrangère de l’Occident et de la politique de l’État islamique.” Il revient alors sur une interpellation adressée, déjà ce mercredi, à la présidente. “Vous n’êtes pas à même de juger cette affaire, Madame la présidente”. Estimant ainsi que les commanditaires et responsables ne se retrouvent pas dans le box des accusés.
Peur? "Oui, bien sûr..."
À Zaventem, Abrini se défile, se débine. Première explosion… Abrini se met à l’abri et bouche ses oreilles. Il sait qu’une seconde explosion va suivre. “Après la première explosion, je pousse le chariot (chargé de la 3e bombe) contre une poutre.” La présidente : “vous avez peur ?” Abrini : “oui, bien sûr.” La présidente : “vous avez peur de l’explosion, d’être victime ou d’être attrapé par la police ? “Abrini revient alors sur son état d’esprit le 22 mars et surtout depuis les attentats de Paris du 13 novembre 2015. “Bien avant le 22 mars, mon intention est de repartir en Syrie. J’étais recherché, j’allais d’appartement en appartement. Après le 13 (novembre 2015), je voulais partir en Syrie. Vous savez que j’étais prévu pour le 13 ?” C’est une information qui était apparue lors du procès des attentats de Paris et qui n’apparaissait pas dans l’enquête. Abrini avait déjà renoncé et c’est Salah Abdeslam qui avait repris son rôle en dernière minute.