Le plaidoyer des travailleurs d’Halo Steelrings à Seraing: "On a un avenir, donnez-nous 3 ans !"
Chez Halo Steelrings à Seraing, toute l’entreprise retient son souffle. La forge fournit des pièces pour la filière hydrogène, marché prioritaire pour la Région, la Belgique et l’Europe. Mais elle pourrait fermer ses portes à la mi-mai. Paradoxe.
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- Publié le 01-04-2023 à 06h00
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Nous sommes à quelques centaines de mètres de la future gigafactory à 100 millions d’euros de John Cockerill, à Seraing. Maillon fort de la filière de l’hydrogène vert et de la réindustrialisation européenne, boostée par une manne de fonds publics.
À l’autre bout du zoning, chez Halo Steelring, ex-ArcelorMittal Ringmill, l’ancienne forge de Cockerill est aussi tournée vers le durable et l’hydrogène décarboné. Mais la production s’est arrêtée mercredi. L’entreprise, en liquidation avec cession d’actifs depuis le mois d’août, pourrait fermer ses portes à la mi-mai.
Toujours des commandes
Sur le site, la frustration est à son comble. "Les clients sont là, les marchés sont porteurs. Il y a un potentiel !"
Halo Steerlings, c’est le royaume de la couronne laminée sans soudure, l’empire de la bague en acier pour les éoliennes, les "pneus" ferroviaires ou les électrolyseurs qui produisent de l’hydrogène.

" On vend d’ailleurs des pièces à John Cockerill", explique Vincent Moreno. Le délégué principal FGTB de Halo Steelrings est dans la maison depuis 28 ans. " Il y a 15 ans, avant la crise financière de 2008, on était les premiers en Europe et les 2e dans le monde dans ce créneau. À l’époque, on était près de 150 travailleurs. Aujourd’hui, on n’est plus que 70." L’entreprise, qui a plus de 100 ans, n’a toujours pas de concurrent en Belgique.
Les commandes continuent d’ailleurs à affluer, malgré la liquidation. Et malgré l’absence totale d’investissements de Callista Private Equity, le fonds allemand qui a racheté l’entreprise à ArcelorMittal en 2020.
John Cockerill est là
Samuel Godbille est mécanicien et membre de la délégation syndicale: "On savait à quoi s’attendre avec Callista. Mais en 2020, ArcelorMittal nous a vraiment largués".
L’été dernier, donc, comme Callista fait défaut, un groupe se montre intéressé par la forge. Le candidat à la reprise n’est autre que John Cockerill. À ses côtés, les fonds Invest for Jobs, Noshaq et Sogepa se tiennent prêts pour soutenir une vraie transition de la forge.
L’idée est de recentrer la production vers le marché de l’hydrogène, en produisant des couronnes d’acier pour les électrolyseurs des gigafactories du groupe. Rendez-vous est pris chez le notaire le 27 juillet.
Et puis plus là…
Coup de théâtre: le 25 juillet, John Cockerill annonce qu’il se retire de l’opération. Le groupe se demande en effet si la technologie chinoise du cintré/soudé ne serait pas plus concurrentielle que le laminage à chaud.
Vincent Moreno lève les yeux au ciel. "Entre-temps, ils ont fait des tests. Et ils se sont aperçus que les soudures chinoises lâchent dès que la pression monte à 30 bars. "
En juillet, le revirement soudain de Cockerill a choqué tout le monde. "C’est l’incompréhension totale. Ils iraient se fournir chez des concurrents étrangers alors que quelques mètres nous séparent, s’inquiète un travailleur de la maison. Peut-être attendent-ils la fin pour reprendre les actifs qui les intéressent ?"
Les contacts ont été plusieurs fois relancés avec John Cockerill. "On a bien compris qu’ils ne reviendraient pas sur leur décision", analysent Vincent et Samuel.
"On y croit vraiment"
Depuis la fin août, les liquidateurs et la direction locale cherchent un repreneur. "Notre direction se bat bien", notent fièrement les délégués d’Halo Steelrings, qui ne ménagent pas leurs efforts non plus.
Un business plan est prêt. "Il démontre qu’on pourrait même se passer d’un repreneur: on peut avancer en autonomie et sortir des produits rentables. Ce qui manque, c’est le financement."
Les délégués ne le cachent pas: ils attendent un geste de la Région wallonne, qui soutient déjà les projets "hydrogène" de John Cockerill. "Toute cette filière est là et elle va se déployer dans les 3 ans. Qu’on nous donne ces 3 ans! Pourquoi pas un portage par la Région, le temps de trouver un partenaire industriel sérieux ? C’est une piste. Nous avons un avenir. On y croit vraiment", répète Vincent Moreno, avec conviction.
À la Région, le cabinet de Willy Borsus (MR) se dit disponible et étudie le dossier depuis 2 ans. Mais le soutien wallon reste, pour l’heure, conditionné à la participation d’un opérateur industriel.
Il y a 2 jours, le 30 mars, une rencontre était encore organisée avec le responsable de la division "hydrogène" de John Cockerill. "Cette fois, nous leur avons proposé un partenariat, explique Jean-Luc Lallemand, secrétaire permanent FGTB. Le business plan intègre cette piste. La réunion a été constructive. Ils ont promis un retour rapide." Jusqu’à la mi-mai, l’entreprise assure la continuité et vend ses stocks. Après, si rien ne bouge, ce sera fini.