La Flandre ne veut plus nommer ses fonctionnaires : quel risque de contagion en Wallonie ?
La Flandre veut mettre fin aux nominations dans la fonction publique. En Wallonie, la feuille de route n’est pas la même. Faut-il s’accrocher à tout prix au statut ?
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Publié le 27-03-2023 à 19h00
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Le gouvernement flamand a décidé que le contrat serait la norme pour ses fonctionnaires à l’avenir. Exit, la nomination.
Aujourd’hui, 31% des 28 704 fonctionnaires flamands sont contractuels. Pour les 69% de statutaires, et donc d’agents nommés, pas de changement. Mais leur statut ne sera plus accordé qu’au compte-gouttes.
L’objectif général était inscrit dans l’accord de coalition et le ministre flamand de l’Intérieur Bart Somers (Open VLD) le concrétise, comme l’indiquaient nos confrères de Het Laatste Nieuws ce lundi.
En Wallonie, on fait plutôt le parcours inverse. En tout cas à l’étage des fonctionnaires régionaux.
Pression
Ce qui se décide au gouvernement flamand ne surprend pas Stéphane Deldicque, vice-président de la centrale CSC Services publics: " En Flandre comme au fédéral, les acteurs politiques de droite ou même d’extrême droite restent sur leurs fondamentaux: pas une semaine sans une attaque contre les services publics ", note-t-il.
"On a peu de leviers sur la contractualisation. On l’accompagne. Mais l’enjeu, c’est de faire comprendre qu’il y a une réelle utilité à conserver des agents statutaires, explique le syndicaliste. C’est plus long et plus difficile de licencier un statutaire. On fait donc plus facilement pression sur un contractuel. Des services publics composés d’agents qui peuvent résister aux pressions externes grâce à leur statut, c’est ça aussi, la démocratie, insiste Stéphane Deldicque. Il faut donc bien réfléchir à ce que ça veut dire, la contractualisation à tout va."
Dans les années ‘30, le statut dans la fonction publique est d’ailleurs conçu "comme un instrument de libération visant à affranchir le fonctionnaire du pouvoir politique comme de l’arbitraire administratif". "Et c’est un libéral, Louis Camu, qui signe la réforme", rappelle le syndicaliste.
Mouvement inverse
Pour l’heure en tout cas, la suppression des nominations n’est pas au programme en Wallonie.
En 2019, le gouvernement Di Rupo se fixait même un tout autre objectif: "privilégier le régime du statut pour les agents". Et le gouvernail restera fixé sur ce cap jusqu’à la fin de la législature. "Un changement dans le sens de la décision flamande n’est pas du tout à l’ordre du jour", confirme-t-on au cabinet de la ministre wallonne de la Fonction publique Valérie De Bue (MR).
À titre personnel, la ministre libérale estime néanmoins qu’on ne fera pas l’économie d’une réforme sans opposer le statut de contractuel à celui d’agent nommé. Selon Valérie De Bue, il faut donc une sorte de troisième voie, à négocier avec les syndicats, pour évoluer vers un format "plus efficace et plus attractif ".
Un certain 119 quater
Ça n’a pas empêché la ministre de rendre plus accessible le processus de nomination, par la grâce d’un certain article 119 quater du Code de la Fonction publique wallonne. Il permet aux agents contractuels d’être statutarisé dans leur emploi, sous des conditions moins restrictives qu’avant.
C’est effectif depuis janvier 2022. Et l’impact se lit dans les chiffres. En 2019, sur un peu plus de 10 000 agents du service public de Wallonie (SPW), 60% étaient nommés ; en 2023, les rangs des statutaires ont gonflé de près de 10% (69,9%).
Dans les organismes d’intérêt public, les OIP comme le Forem, l’Aviq, etc., où travaillent 10 000 autres employés, "la proportion de nommés est beaucoup plus faible qu’au SPW, fait remarquer Fabio Pasqualino, délégué permanent à la CGSP-Admi. Mais l’activation pleine du 119 quater a accéléré les choses: on compte près de 3 000 nouveaux statutaires depuis 2022".
Dans les Provinces wallonnes, le taux de statutaires est de 63% (sur 10 285 agents). Par contre, dans les Communes et les CPAS wallons, on ne compte plus que 16,1% de fonctionnaires nommés sur 76 000 agents. Le ministre Christophe Collignon (PS) propose d’ailleurs d’ouvrir certaines promotions aux contractuels, pour rendre la fonction publique locale plus attractive.