Taxation des mobilhomes: le décret Crucke a bien été corrigé

Les débats ont été laborieux. Mais c’est fait. En commission Budget du Parlement ce 20 mars 2023, les députés wallons ont voté une réduction de la fiscalité pour les mobilhomes. Ce sera bien -60% sur la taxe de circulation et -65% pour la taxe de mise en circulation.

 Le texte a été approuvé en commission à la majorité des voix. L’opposition Les Engagés s’abstient.
Le texte a été approuvé en commission à la majorité des voix. L’opposition Les Engagés s’abstient. ©Punto Studio Foto – Fotolia

Le décret "pour un impôt plus juste", dit " décret Crucke ", voté au terme d’un psychodrame au sein du MR en décembre 2021, a eu une conséquence fâcheuse: on n’avait pas pensé qu’il impacterait aussi les camping-cars et mobilhomes. Ou autocaravanes pour le dire en français.

L’un des objectifs du décret de l’ex-ministre du Budget Jean-Luc Crucke, toujours dans les rangs du MR à l’époque, était de sortir les véhicules utilitaires de la niche fiscale avantageuse dont ils bénéficiaient jusque là.

Il se fait que les camping-cars se sont retrouvés assimilés aux véhicules utilitaires. "Un effet collatéral de ce décret pour un impôt plus juste, qui l’a rendu injuste", résume le député MR, Nicolas Tzanetatos. Avec ses collègues PS et Écolo de la majorité, il propose donc de corriger le tir via un décret.

Le texte a été adopté ce lundi en commission Budget. En toute logique, il devrait être confirmé en plénière ce mercredi. Dans ce cas, la taxe de circulation (TC) se trouvera donc fixée à un maximum de 40% du tarif actuellement d’application et la taxe de mise en circulation (TMC) à un maximum de 35% du tarif actuel pour ces véhicules. Soit un coût médian de 194 € au lieu de 486 € pour la TC et de 565 € au lieu de 1 614 € pour la TMC.

Dans les clous ou pas ?

Depuis l’entrée en vigueur de ce décret en janvier 2022, les candidats acheteurs se sont montrés particulièrement frileux, au point de faire chuter les ventes de 70 %, selon la Belgian Caravan-Camping and Motorhome Association (BCCMA).

Le ministre wallon du Budget, Adrien Dolimont, qui a succédé à Jean-Luc Crucke après sa démission, l’affirme aujourd’hui: les autocaravanes sont des véhicules à usage modéré et à vocation presque exclusivement de loisirs. Pour sortir le secteur de l’ornière, il a sollicité l’initiative parlementaire. D’où la proposition de décret de la majorité.

"Il faut pouvoir reconnaître quand on s’est planté. Et ajuster le tir", résume Nicolas Tzanetatos.

Dans les rangs de l’opposition Les Engagés, rejoints depuis quelques semaines par l’auteur du décret Jean-Luc Crucke, une proposition avait aussi été rédigée. Mais dans le sens d’une abrogation de cette fiscalité, comme en Flandre et à Bruxelles. D’autant, insistent François Desquesnes et André Antoine, que c’est une compétence "hors champ" pour la Région, "comme l’a déjà affirmé le Conseil d’État".

Objection de l’Écolo Rodrigue Demeuse: la Région est bien compétente dans ce domaine. "La loi spéciale a été modifiée en 2005, comme le demandait le Conseil d’État dans son avis de l’époque", dit-il. Le député l’admet néanmoins: cette proposition de décret "n’est pas la 8e merveille du monde". "Mais on redonne une bouffée d’air au secteur. Il s’agit simplement de corriger les excès du décret Crucke. Il était mal pensé."

La socialiste Joëlle Kapompole est d’accord avec lui. "On donne une ligne claire et on rassure le secteur et les futurs propriétaires de mobilhomes", dit-elle.

Poids lourds

Chez Les Engagés, André Antoine et François Desquesnes n’en ont pas terminé. Qu’est-ce qu’on fait avec les mobilhomes de plus de 3,5 tonnes ? "Ils sont assimilés à des poids lourds", réagit illico François Bellot (MR). Et à ce titre, rien ne change pour eux, ajoute le ministre Adrien Dolimont: "Ils entrent dans la catégorie des autocars et sont soumis à une fiscalité forfaitaire (42,90 €)".

André Antoine repart à la charge: "Comment justifier cette assimilation à des poids lourds alors qu’ils ne sont pas appelés à déplacer des biens et qu’ils ne sont pas équipés comme devraient l’être des véhicules de transports ?" Il y a de la discrimination dans l’air, glisse le député de l’opposition. Et beaucoup d’incohérence, répète-t-il, comme l’avait déjà fait François Desquesnes.

Réponse de Nicolas Tzanetatos: "Cette proposition est un texte correctif. La distinction (NDLR entre les moins de 3,5 tonnes et les plus de 3,5 tonnes) existait avant et n’a jamais, sauf erreur – je vais vérifier – été l’objet de recours alors que le différentiel était quatre fois plus important ".

Et les intérêts ?

"Et pour une ASBL qui fait une collecte de vivres ou de matériel avec un mobilhome ? Quelle législation s’applique ?" gratte encore André Antoine.

Le MR Nicolas Tzanetatos soupire et lui renvoie, un poil exaspéré: "Pour les ASBL, je ne sais pas. Vous avez été ministre. Vous étiez parlementaire alors que je n’étais même pas né… Ne dites pas que quand un texte est soumis au Parlement on envisage toutes les applications possibles. Vous allez me chercher les exceptions, etc. J’ai l’honnêteté de vous dire que je ne sais pas. Je vais me renseigner pour mercredi. Sur ça et sur le reste."

Et les remboursements de ceux qui ont payé la taxe au taux "Crucke" depuis janvier 2022, "c’est avec les intérêts ?" interroge encore André Antoine. "C’est non", claque le ministre, lui-même passablement irrité. Si, en 2022, les propriétaires d’une autocaravane ont payé 450 € à l’ancien taux, par exemple, au lieu de 300 € au futur taux corrigé, ils seront remboursés du différentiel, soit 150 €.

En attendant, la proposition de décret de la majorité PS, MR et Écolo est votée. Les Engagés s’abstiennent. Et l’ont rappelé autant de fois qu’il le fallait: eux, en décembre 2021, ils avaient voté contre le décret Crucke.

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