Greffier du Parlement wallon: quand le Bureau se tâtait sur un "éventuel abcès à crever"
En 2016 déjà, le Bureau du Parlement wallon semblait tomber des nues face aux reproches adressés par des agents du greffe. Extraits d’un PV de réunion. Et aussi d’une note d’autoévaluation du greffier, rédigée quelques mois plus tard (lire ci-dessous)
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Publié le 18-03-2023 à 04h00
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Nous avons pu prendre connaissance du PV d’une réunion du Bureau du Parlement wallon. Il date du 15 décembre 2016.
Le Bureau vient alors de recevoir une demande formelle d’intervention psychosociale qui concerne le greffe du Parlement. Elle émane du service externe de prévention et de protection au travail avec lequel l’assemblée travaille à l’époque (Cohezio, ex-SPMT Arista). Alerté par plusieurs fonctionnaires du greffe, Arista dit avoir constaté des risques psychosociaux importants dans ce service placé sous l’autorité du greffier, au nom du Bureau.
Ce qui ressort du compte-rendu de ce Bureau du 15 décembre 2016, c’est une certaine méfiance à l’égard de cette plainte collective anonyme. Et une interrogation sur le risque de suicide. Certains s’en s’inquiètent. Mais pas vraiment pour le personnel.
"Pas de faits précis"
À l’époque, c’est le cdH André Antoine qui siège au perchoir du Parlement wallon. C’est donc lui aussi qui préside le Bureau.
Sont présents à ses côtés ce jour-là les députés MR Jean-Luc Crucke et Jean-Paul Wahl, ainsi que les députés PS Sophie Pécriaux, Alain Onkelinx et Christophe Collignon. Le greffier Frédéric Janssens assiste à la réunion. L’avocat du Parlement les rejoint quand l’ordre du jour aborde ce point sur le personnel.
À la lecture du PV de la réunion, on comprend que quelque chose chiffonne les députés: la plainte dont ils prennent connaissance via le SPMT Arista est collective, donc les plaignants ne sont pas cités. En effet, seule une démarche collective permet aux agents du greffe de ne pas avoir à livrer leur identité.
Mais c’est aussi ce qui amène le président à douter: cette procédure ne pourrait-elle pas être "instrumentalisée par un plaignant individuel " ? Une employée a précisément introduit un recours devant le Conseil d’État. Étonnante "coïncidence des procédures ", dit le président Antoine, qui souligne aussi "l’absence de faits précis". Il lui semble par ailleurs que le conseiller externe n’a pas pris assez "de recul par rapport au plaignant ".
L’avocat précisera aussi que "dans de tels dossiers, il convient d’opérer une distinction entre faits de harcèlement et management, ce qui est parfois mal compris par certains travailleurs".
France Télécom
Un député relève tout de même que le document semble "être l’expression d’un malaise qu’il ne faut pas minimiser". Et qui sait, dans l’intérêt de l’institution, mieux vaudrait "crever un éventuel abcès pour donner au personnel un sentiment de quiétude".
Un autre député en vient par ailleurs à soulever un point évoqué dans le document: le risque de suicide. L’élu wallon s’interroge, non pas sur l’ampleur du mal-être de plusieurs membres du personnel, mais sur la responsabilité du Bureau et de ses membres, dans l’hypothèse où un agent passerait à l’acte. L’avocat du Parlement se réfère alors à la situation – glaçante – vécue en France au sein de la société Orange (ex-France Télécom, 19 suicides de salariés et 12 tentatives entre 2008 et 2010): "Il faudrait pouvoir établir un lien de causalité entre la situation globale et des actes individuels " pour engager la responsabilité des dirigeants, dit-il.
L’abcès, 5 ans après
Ce jour de décembre 2016, donc, le Bureau décidera d’instruire la demande d’Arista. Dans les faits, le marché liant le Parlement au SPMT Arista arrive à échéance. Le document sera donc transmis à Mensura, qui lui succède en janvier 2017.
En 2016, ça fait déjà 3 ans que des agents du greffe tentent d’attirer l’attention sur leurs souffrances et la gestion des ressources humaines dans leur service. Tout en évitant par tous les moyens d’être identifiés, parce qu’ils ont peur.
D’autres enquêtes sur le bien-être au travail suivront, y compris en interne. Quelques mesures seront prises. Il faudra pourtant attendre 2022 et 13 plaintes pour harcèlement moral auprès de l’auditorat du travail, "pour crever l’abcès".