Risques de séismes en Belgique: "L'activité humaine peut générer des tremblements de terre"
À la suite des graves séismes qui ont eu lieu en Turquie, en Syrie et plus loin aux Philippines et au Vanuatu, la question de la généralisation de ces activités sismiques à travers le monde se pose. Mais est-ce une réalité ? Doit-on craindre de telles catastrophes en Belgique ? Quelle est la véritable menace habilitée à provoquer des tremblements de terre et menacer nos vies ? Nous faisons la part des choses avec Michel Van Camp, physicien, ex-chef du service de séismologie-gravimétrie de l’Observatoire Royal de Belgique, désormais directeur général du Musée des Sciences naturelles.
Publié le 15-03-2023 à 20h29 - Mis à jour le 16-03-2023 à 09h07
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Les tremblements de terre ne sont pas étrangers à la Belgique. La région qui y est la plus exposée se trouve dans l’Est de la Wallonie, à cheval sur la province germanophone. Mais causera-t-elle des catastrophes similaires à celles qui se sont produites en Turquie et en Syrie à plusieurs reprises ? La réalité belge est différente et l’origine de nos séismes est plus liée à l’activité humaine qu’à l’activité sismique naturelle.
”Une faille sismique existe dans la Vallée de la Meuse et du Rhin. C’est une faiblesse dans la croûte terrestre qui a généré des tremblements de terre de 6 à 6.5 par le passé. Dans la ville de Bree, dans le Limbourg, les stigmates des tremblements de terre sont visibles dans le paysage”, nous explique le physicien Michel Van Camp. “Une activité naturelle existe. On sait qu’il y a des probabilités que l’on ait des tremblements de terre destructeurs dans nos régions. Une magnitude 6 en Belgique peut se produire tous les 300 à 500 ans. Le dernier de cette ampleur c’était à Verviers en 1692.”
Une petite centaine de séismes naturels mesurés en Belgique en 2022L’activité humaine provoque des séismes
Les “aléas naturels”, ou la probabilité que la nature soit à l'origine d'un séisme, sont moindres comparés aux aléas humains, selon l’expert physicien : “L’activité humaine, elle, peut générer des tremblements de terre”, argue-t-il en faisant notamment allusion à différents secteurs d’industrie enclins à exploiter le sol, comme les mines à charbon par le passé, le forage de carrières ou la géothermie aujourd’hui.
VIDÉO | Les multiples facettes de la Malogne, le plus grand réseau souterrain de BelgiqueLa géothermie et ses pratiques sont utilisées principalement pour le chauffage ou l’électricité : ''Le réseau de chauffage urbain de Saint-Ghislain alimente un quartier avec la géothermie depuis les années 1985”, mentionne Michel Van Camp, au sujet de l’exploitation de l’un des deux puits d’eau géothermale à 73 °C, qui jaillit de 2.500 mètres de profondeur. “Après, les risques de tremblement de terre sont nuls, car l’eau arrive seule en surface, on ne creuse pas. À Mol, en Flandre, l’eau chaude extraite est utilisée pour chauffer la piscine et les infrastructures. Le problème de la géothermie dans ce cas, c’est qu’il faut injecter sous pression”, précise notre interlocuteur.
Projet de géothermie à Mons: «On n’invente pas l’eau chaude»”À cause de ses techniques, il y a eu un séisme à Strasbourg”, rappelle Michel Van Camp, au sujet d’une occurrence du 10 septembre 2022, d’une magnitude 3.59, le deuxième en un an. Le projet de centrale de géothermie de Vendenheim a même été interrompu par la préfecture d’Alsace, selon les “principes de précaution et de protection des populations”, mentionne Libération.
”Comme de l’eau sous pression est injectée dans le sol, cela perturbe des équilibres déjà fragiles. Il faut savoir que la croûte terrestre est toujours dans un état proche de la rupture, elle est aussi fragile qu’une coquille d’œufs, dans un rapport d’échelle différent. Elle ne demande pas grand-chose pour casser. La preuve, il suffit d’injecter un peu d’eau”, décrit le physicien, pour abonder sur d’autres risques liés à l’usage de l’eau souterraine, “Elle n’est pas toujours très propre. On en parle peu parce qu’on a une image idyllique des eaux protégées par des couches géologiques qui nous donnent de l’Évian, etc. En géothermie, il faut aller la chercher très profond, vers 4 kilomètres. Ce sont des eaux restées dans le sol très longtemps, qui sont parfois terriblement salées, chargées en métaux lourds ou simplement radioactives”, insiste-t-il.
Le réchauffement climatique, catalyseur de séisme ?
”Ce n’est pas la conséquence la plus inquiétante”, relativise le physicien Michel Van Camp au sujet des séismes, des effets secondaires, selon lui. “On peut légitimement se poser la question de savoir si la glace qui fond au Groenland ou en Antarctique pourrait provoquer une certaine activité sismique”, évoque-t-il en précisant qu’une masse d’eau provoque “des charges (qui) peuvent déformer la croûte terrestre et comme ça se traduit par un tremblement de terre, deux morceaux de croûtes terrestres bougent brutalement l’un contre l’autre, parce qu’on y a accumulé des tensions.” Mais le déclin de la biodiversité entre autres, l’inquiète plus.
En tant que masse d’eau, les inondations inédites en Belgique peuvent-elles induire des séismes ? “Très honnêtement, la question reste ouverte. Mais elle n’est pas prouvée. En sciences ; il faut suffisamment d’évènements pour faire des statistiques. Mais nous sommes toujours dans les effets secondaires. On ne peut pas l’exclure, mais en même temps une inondation est très brève”, éclaire Michel Van Camp, ajoutant que l’eau doit s’infiltrer en masse dans le sol pour le déséquilibrer. L’activité humaine resterait donc la principale menace dans la génération de séismes d’ampleur en Belgique pour notre interlocuteur.