Grève du 10 mars 2023 | Pénurie de personnel: le secteur public est-il toujours attrayant ?
Grève générale ce vendredi 10 mars 2023. Les syndicats dénoncent le manque de personnel dans les services publics. Un secteur qui attire encore des candidats ?
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Publié le 10-03-2023 à 04h00
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Ce vendredi, le pays tournera au ralenti. Transports, administrations, crèches… beaucoup de services publics resteront fermés. La CGSP appelle à la grève générale, CSC et SLFP laissent le choix à leurs affiliés. Le point d’orgue d’une semaine d’actions visant à dénoncer le "désinvestissement" dans les services publics et le manque de personnel. Le tout, à l’aube d’un contrôle budgétaire et à un an des élections.
"On désagrège la fonction publique", réagit François Fernandez-Corrales, président SLFP. "En 15 ans, l’administration fédérale est passée de 72 000 à 60 000 emplois. Il y a eu la régionalisation et la disparition de services, mais aussi des départs à la retraite et un désinvestissement." Patrick Lebrun, secrétaire général de la CGSP wallonne, cite les 12 000 emplois perdus en 12 ans au SPF Finances. "Il y a eu la digitalisation, certes, mais aussi un gros désinvestissement dans les fonctions de contrôle et d’inspection, service pourtant essentiel pour les caisses de l’État !"
Police, Justice, Enseignement,… les syndicats dressent le même constat. "On a sous-investi dans le personnel policier pendant dix ans, regrette Stéphane Deldicque, vice-président de la Fédération des syndicats chrétiens des services publics. On recrute aujourd’hui 1 600 agents mais on n’arrive pas à résorber le déficit. Cela ne veut pas dire non plus 1 600 nommés. Et ne parlons pas des profils spécifiques (fraude,…) où ils gagnent plus dans le privé !"
Budget
Si plusieurs secteurs publics souffrent de pénurie de personnel, les syndicats pointent les économies linéaires. "Le politique voit les services publics comme un coût", estime Patrick Lebrun (CGSP). "Il y a eu 3 milliards d’économies à la SNCB et 5 000 emplois supprimés sous le gouvernement Michel. Pour nous mener à quoi ? De s difficultés au quotidien: 4 000 trains sont en moyenne supprimés chaque mois. Et 20% sont dus au manque de personnel", dit le syndicaliste qui table sur l’accord social en cours de négociation.
Attractivité
En outre, cette fonction publique, vers laquelle on se pressait il y a 40 ans, "est devenue moins attractive, assure le SLFP. Les petits avantages (notamment liés à la pension) qu’il y avait encore, disparaissent…"
Ainsi, "la contractualisation devient la règle, plus l’exception. Ce qui était considéré comme une valeur de stabilité de l’emploi public s’étiole", constate Stéphane Deldicque (CSC) qui avance 80% de contractuels (face aux statutaires) dans les administrations locales, 50-60% au niveau régional et 30-40% au fédéral.
Et les salaires dans le public ? " La réforme Copernic en 2002 a contribué à les augmenter,reconnaît le président SLFP. Mais depuis 20 ans, les barèmes n’ont pas été revalorisés…"
Et la concurrence est féroce avec le privé sur certains profils: ressources humaines, informaticiens, etc. "Chaque entité publique a tenté de s’adapter au marché, affirme Stéphane Deldicque (CSC). Mais un profil ICT dans une administration ou dans une grosse boîte américaine n’aura pas la même évolution salariale. Et les budgets étant ce qu’ils sont, des secteurs publics ont bien du mal à rivaliser et à garder les gens."
Résultat: "certains candidats préfèrent aller vers le privé où ils ont, en plus, une voiture de fonction, etc.", explique François Fernandez-Corrales (SLFP).
Les mécaniciens spécialisés "sont quasi impossibles à trouver" au TEC, tout comme les architectes pour la Régie des bâtiments, les "barèmes privés sont inatteignables pour le personnel infirmier",…
En 2022, l’administration fédérale a attiré 123 690 candidats – un record -, pour 9 933 offres d’emploi (+35% par rapport à 2021). "Mais le turn-over est important, insiste le président SLFP. Il y a aussi eu le Covid et beaucoup de travailleurs horeca se sont tournés vers le public…" Pour Stéphane Deldicque (CSC), "la porte d’entrée reste séduisante, ne fût-ce que par la diversité de fonctions. Mais une fois à l’intérieur, quelles sont les perspectives d’évolution ? Les conditions de travail ?" Patrick Lebrun (CGSP) abonde: "20% des profs quittent la fonction dans les premières années…"
Et de conclure: "certains estiment que l’on pourrait se passer des services publics. Mais on a vu combien ils étaient essentiels pendant la crise. Et quel serait le coût des transports ? Des études ? Le service public garantit la cohésion sociale, l’accessibilité."