Fin d’un mystère en Wallonie : on va savoir combien il y a de ponts dans les communes… et dans quel état (carte)
9 communes wallonnes sur 10 vont faire procéder à l’état des lieux et à l’inspection des ponts sur leur territoire grâce au service public wallon (SPW). Une opération à 2 millions d’euros. Loin d’être anodine. Découvrez si votre commune y participe.
Publié le 09-03-2023 à 14h03 - Mis à jour le 13-03-2023 à 15h04
La fin d’une étonnante inconnue et, surtout, un succès inespéré. Début octobre, le service public wallon proposait aux communes (à l’exception des germanophones) de faire réaliser un cadastre et l’inspection des ponts sur leur territoire. Un travail qui ne coûtera rien aux communes : la direction de l’expertise des ouvrages du SPW prend en charge la mise sur pied du marché public et les travaux d’inspection seront financés par le ministre des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon, qui a prévu une enveloppe de 2 millions.
Pour présenter ce projet, Patrice Toussaint, qui est à la tête des experts wallons des ponts, a voulu soigner la communication : courrier du ministre aux communes, soutien de l’Union des villes et communes et webinaire (présentation du projet via une visio-conférence) suivi par une cinquantaine de communes.
Au début d’automne, alors que les mails arrivaient dans les administrations communales, Patrice Toussaint tablait sur une centaine de retours positifs. Un chiffre qui aurait déjà été une bonne chose pour celui qui se bat depuis des années pour ce cadastre. Mais trois mois plus tard, ses espoirs sont plus que dépassés : 224 communes wallonnes se sont inscrites, soit près de 9 communes sur 10. Un retour inespéré… et une masse de travail colossale que l’équipe de 3 personnes chargées du projet va devoir gérer.
Assurément, les inondations de juillet 2021 ont joué un rôle dans la prise de conscience des communes. “Elles se sont rendu compte que les ponts communaux étaient de leur responsabilité.”
La carte des communes qui vont faire inspecter leurs ponts
Cliquez sur la commune de votre choix pour connaître le nombre d’ouvrages d’art estimés.
Pourquoi ne sait-on pas combien il y a de ponts dans les communes en Wallonie ?
Si la Wallonie gère 6000 ponts et murs de soutènement, les experts wallons estiment que c’est un nombre similaire d’ouvrages qui devraient être répertoriés dans les communes. Cela peut paraître étonnant qu’un tel nombre de ponts ne soit pas clairement identifié. Il y a plusieurs raisons et Patrice Toussaint dresse quelques constats :
- peu de moyens financiers
- beaucoup d’ouvrages anciens
- peu de plans et de documents existants
- un inventaire incomplet
- pas de personnel spécialisé “ponts”
- pas d’outil informatique pour le suivi
Pas question pour lui de juger : “l’absence d’un inventaire peut plutôt se justifier par le fait qu’on ne demande aux communes qu’une gestion “en bon père de famille”, sans partage d’un outil ou d’une base de données commune”. Selon Stéphane Vanden Eede (conseiller communal pour une liste citoyenne à Ottignies-Louvain-la-Neuve) qui nous précisait à la suite d’un précédent article sur le sujet, “toutes les communes ont été dans l’obligation d’inventorier tous leurs biens immobiliers, en ce compris les égouttages et les ouvrages d’art”.
La situation n’est pas nouvelle. En 2013, une enquête auprès d’une trentaine de communes révélait que les ponts de 7 communes sur 10 n’étaient pas inspectés.” Or, de nombreux ponts communaux sont dangereux.”
Comment vont être trouvés les ponts communaux ?
La première étape de ce travail qui sera étalé sur 3 ans est l’inventaire. Mais comment réaliser un état des lieux sans connaître le nombre ni la localisation des ouvrages d’art ? Les bureaux d’études s’appuieront sur l’éventuelle liste dont disposeraient les villes et communes que les bureaux compléteront par des recherches cartographiques et des relevés sur le terrain. La liste définitive sera alors soumise aux autorités communales puis encodée dans la base de données générale dans laquelle sont déjà répertoriés les ouvrages d’art gérés par le SPW.
Comment vont se dérouler les inspections ?
Sur base de cette liste, les bureaux entreprendront une inspection visuelle de chaque pont afin d’établir une fiche de passage qui reprendra une série d’informations (photos, défauts, propositions de mesures…). Toutes les fiches seront ensuite soumises à validation à un ingénieur du SPW.
“Pour 5 à 10 % des ouvrages, cette inspection visuelle ne sera pas suffisante et devra être complétée par une expertise spécifique”, précise Patrice Toussaint. Cette expertise sera confiée alors à un bureau spécialisé.
Au final, les ponts seront classés par groupes de santé : de A (les ponts dangereux) à F (en parfait état).
Les travaux d’inventaire et d’inspection de la première moitié des ponts devraient être effectués entre cet été et l’été 2024.
L’ensemble des inspections devrait être achevé pour l’été 2026.
Quel intérêt de répertorier les ponts ?
Gérer leurs actifs et la sécurité est ce qui a principalement motivé les communes à répondre à l’appel du SPW. Et c’est loin d’être anecdotique puisqu’en 2011, par exemple, un pont s’écroulait suite au passage d’un camion à Trooz.
Toutes les informations seront encodées dans une base de données qui permettra de suivre l’entretien et la surveillance des ponts. Si leur état l’impose, la circulation pourra être limitée voire interdite sur certains ponts, en attendant d’y effectuer les travaux nécessaires.
Comment financer les futurs travaux ?
L’état des lieux devra être suivi de travaux. Plus ou moins importants. Travaux qu’il faudra financer. À l’heure actuelle, aucune piste de financement n’a été avancée. Pour certaines communes, ces travaux risquent d’avoir des conséquences importantes. Un dossier qui pourrait atterrir sur la table du prochain gouvernement wallon.