Crise de l'accueil: le gouvernement s'accorde sur une série de mesures en matière d'asile
Le gouvernement réuni en comité restreint a bouclé jeudi peu avant 1h ses discussions sur la crise de l'accueil des demandeurs d'asile et des réformes en lien avec ce thème, a-t-on appris à plusieurs sources. Une conférence de presse aura lieu à 10h.
Publié le 09-03-2023 à 07h22 - Mis à jour le 09-03-2023 à 12h36
Le gouvernement réuni en comité restreint a bouclé jeudi peu avant 1h ses discussions sur la crise de l'accueil des demandeurs d'asile et des réformes en lien avec ce thème, a-t-on appris à plusieurs sources. Une conférence de presse aura lieu à 10h.
"Accord migration bouclé! Un pas important vers une politique de migration contrôlée et juste", a lancé la secrétaire d'Etat à l'Asile, Nicole de Moor, sur Twitter. "Avec ce premier paquet de mesures, nous prenons le chemin de la réforme. Les places d'accueil n'iront qu'à ceux qui sont dans une procédure d'asile, la coopération en matière de retour sera inscrite dans la loi, les abus seront combattus et les personnes vulnérables sont protégées", a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Un mandat est donné à Mme de Moor de créer 2.000 places supplémentaires structurelles en plus des 8.000 déjà activées ces derniers mois. Quelque 2.000 places seront par ailleurs libérées. Ces nouvelles places doivent éviter des situations comme celles vécues dernièrement rue des Palais et devant le Petit Château à Bruxelles.
Différentes mesures sont citées, comme l'augmentation des subsides et l'amélioration des Initiatives Locales d'Accueil (ILA), la sortie de 1.500 personnes en "long séjour" du réseau d'accueil, la création d'un village d'unités de logement (soit des "conteneurs" pouvant abriter environ 700 personnes) avec l'aide de crédits européens et la prolongation de la convention avec la Région bruxelloise, a indiqué une source gouvernementale.
Le dispositif sera soumis à une évaluation régulière, avec "l'objectif que tous les demandeurs puissent voir leur droit à l'accueil respecté avant l'hiver 23-24", précisait cette même source.
Des mesures visent aussi la procédure d'asile. Une décision négative signifiera dorénavant directement la fin de l'accueil dans un délai de 30 jours et limitera l'impact que peut avoir actuellement l'accumulation de recours en justice sur la saturation des centres. Actuellement, quelque 1.000 personnes sont concernées. Un meilleur suivi des retours sera exécuté via l'introduction d'un "devoir de coopération" avec les coachs prévus à cet effet. Le non-respect de cette obligation pourra être sanctionné par la mise en œuvre plus rapide d'une procédure de retour forcé. Pour accélérer les expulsions forcées, le "pool" d'escorteurs sera élargi de façon à ce que cette opération puisse être exercée par du personnel de l'Office des étrangers en plus de la police et du personnel de Frontex. La directive de Dublin sera appliquée de façon plus stricte pour favoriser le retour d'un demandeur vers l'Etat membre par lequel il est arrivé dans l'UE.
Plusieurs mesures seront prises en matière de regroupement familial, dont, par exemple, une procédure en vue d'évaluer la prise en charge effective des enfants. Le regroupement familial avec des enfants belges sera possible pour le parent qui s'occupe effectivement de l'enfant au quotidien. Il ne suffira donc plus d'être le parent de l'enfant, et ce afin de lutter contre le phénomène des "bébés papier".
A côté des mesures accueil, quatre textes ont été adoptés en première lecture. Ils prévoient un nouveau droit de séjour pour les apatrides (de 5 ans dans un premier temps et éventuellement illimité ensuite) et des droits au regroupement familial similaires à ceux des réfugiés, un nouveau droit de séjour pour les parents d'enfants reconnus réfugiés (par exemple des filles risquant des mutilations génitales), l'amélioration de la protection des femmes migrantes victimes de violence conjugale (protection contre la perte de séjour), l'inscription dans la loi du caractère public des rapports de l'organe de contrôle des expulsions forcées et enfin, pour bétonner un acquis de l'accord de gouvernement, l'inscription dans la loi de l'interdiction de l'enfermement d'enfants dans des centres fermés.
Aucune régularisation de demandeur d'asile n'est prévue dans l'accord. Cette question avait suscité de vives tensions au sein de la Vivaldi durant l'été 2021.
La crise de l'accueil a valu à l'Etat belge plusieurs milliers de condamnations en justice assorties d'astreintes. Dans la majorité, Ecolo s'est réjoui des nouvelles mesures. "Après le relogement des occupants du village de tentes en face du Petit Château, nous disposons enfin de perspectives claires en matière de rétablissement de l'Etat de droit. Nous veillerons à ce qu'elles soient effectivement concrétisées", a souligné le vice-Premier ministre Georges Gilkinet. "Et nous nous réjouissons des autres avancées obtenues en matière de protection des candidats à l'asile, notamment les femmes victimes de violence conjugale ou de mutilation génitale, les apatrides et les enfants. On n'enferme pas un enfant. Ce sera désormais inscrit dans la loi".
Un centre d'accueil temporaire sera installé à Kampenhout en Brabant flamand
Un centre d'accueil temporaire pour les demandeurs d'asile sera aménagé sur le site de la police fédérale à Kampenhout, ont annoncé jeudi la secrétaire d'Etat à l'Asile, Nicole de Moor, et le bourgmestre de la commune du Brabant flamand, Kris Leaerts.
"Nous avons toujours un manque de places d'accueil et nous continuons à travailler sur des places supplémentaires. Nous allons ouvrir un centre temporaire à Kampenhout. Nous le faisons en concertation avec le bourgmestre Leaerts et je le remercie pour sa collaboration constructive", a déclaré Mme de Moor (CD&V) dans un communiqué.
Le bourgmestre CD&V a insisté sur le caractère "solidaire" de sa commune et sur l'information des riverains. Le centre sera temporaire et, une fois qu'il sera fermé, le réaménagement de la zone en réserve naturelle se poursuivra.
L'Agence européenne de l'asile fournira 600 conteneurs pouvant accueillir 700 personnes.
Un certain nombre de questions techniques, par exemple l'approvisionnement en eau potable, et juridiques comme celles des règlements d'urbanisme devront encore être réglées avant que l'installation de ces unités de logement puisse commencer. L'agence régionale flamande ''Agentschap voor Natuur en Bos" et "Natuurpunt" seront consultés en raison de la valeur naturelle du site.
Une solution de rechange sera recherchée pour l'école que la police fédérale voulait installer à cet endroit.
L'accord fédéral est un pas dans la bonne direction, pour le ministre-président Vervoort
L'accord trouvé cette nuit par le comité restreint du gouvernement fédéral pour tenter de régler la crise de l'accueil des demandeurs d'asile en Belgique constitue "un pas dans la bonne direction", a affirmé jeudi le ministre-président de la Région bruxelloise, Rudi Vervoort.
"Cela fait des années que nous dénonçons cette situation où la Région a été amenée à se substituer au Fédéral pour l'accueil des sans-papiers, mais même des demandeurs d'asile, et tout cela en plus des sans-abris", a rappelé M. Vervoort, sur le plateau matinal de LN24.
"Nous attendions une solution structurelle depuis des années, et je pense que maintenant on va dans la bonne direction", selon le socialiste. "Ce ne sera sans doute pas parfait, mais il y a eu des centaines, des milliers de condamnations de l'État, ce n'est pas acceptable dans un État comme le nôtre".
Le socialiste rappelle qu'il n'y a qu'un seul point d'arrivée des demandeurs d'asile pour la Belgique (le Petit-Château à Bruxelles) et que le gouvernement bruxellois plaide pour qu'il y en ait trois, un dans chaque région. "Parce que quand il n'y a pas de solution (dans un dossier individuel), ces gens restent sur le territoire bruxellois".
"On ferme le robinet", selon Van Quickenborne, "on le laisse ouvert", d'après Francken
Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a mis en avant, jeudi sur Bel-RTL, les mesures de fermeté de l'accord fédéral trouvé cette nuit sur la crise de l'accueil des demandeurs d'asile. "On a décidé de fermer le robinet", affirme-t-il, tandis que le député N-VA Theo Francken (opposition) juge que ce "robinet reste ouvert".
Pour le vice-Premier ministre Open Vld, l'accord reflète un "bon équilibre" du gouvernement Vivaldi : "on est plus humain et plus ferme en même temps".
Il souligne la création dans les mois à venir de quelque 700 places dans des conteneurs qui seront fournis par l'Union européenne et probablement placés en Brabant flamand, ainsi que la demande aux Communes de créer d'autres places.
"En même temps, on va prendre plus de mesures pour évacuer les places existantes pour d'autres personnes qui en ont besoin, comme les femmes et les enfants, car aujourd'hui, des gens multiplient de procédures et restent dans le réseau dix à quinze ans. Désormais, une fois qu'on aura reçu une décision négative, on n'aura plus droit à l'hébergement ni au CPAS, donc ça veut dire qu'à ce moment-là, on va expulser ces gens-là".
"On mise surtout sur le retour volontaire, en créant des capacités pour convaincre les gens de retourner, et s'ils ne veulent pas coopérer, on va renforcer nos équipes, pour qu'à côté de la police, avec l'Office des étrangers, avec Frontex, on ait plus de capacités pour expulser".
Les libéraux francophones mettent eux aussi l'accent sur les mesures de fermeté. "Aide matérielle stoppée dès le refus d'asile, expulsion des illégaux, regroupement familial limité et régularisations collectives rejetées : fermeté contre les abus et plus de places d'accueil", a résumé sur Twitter le président du MR, Georges-Louis Bouchez.
Mais pour l'ancien secrétaire d'État à l'Asile et la Migration Theo Francken, élu N-VA du Brabant flamand, "le robinet reste grand ouvert et la Belgique reste le pays du lait et du miel". Il aurait voulu un moratoire sur le regroupement familial avec protection subsidiaire, un durcissement du regroupement familial pour les réfugiés reconnus, de grandes campagnes de déradicalisation et une externalisation de la procédure d'asile.
Accueillir des réfugiés? 143 communes flamandes répondent "non, c'est assez"
Une grande partie des communes flamandes disent ne pas être prêtes à créer des places d'accueil supplémentaires pour les demandeurs d'asile, selon un tour d'horizon des 300 communes du nord du pays réalisé par le journal De Standaard. Le soutien aux réfugiés ukrainiens est également en baisse.
Parmi les 300 communes sondées, 189 ont répondu et parmi celles-ci, 143 disent de ne pas vouloir ou ne pas pouvoir faire d'efforts supplémentaires pour accueillir des demandeurs d'asile et réfugiés supplémentaires.
Les bourgmestres avancent diverses raisons pour justifier leur refus: deux tiers affirment ne pas avoir assez de bâtiments adéquats. Nombre d'entre eux évoquent également un soutien en baisse, également par rapport à l'accueil des réfugiés ukrainiens.
Une autre raison invoquée est le manque de personnel au niveau des services sociaux et des CPAS. En outre, pour 20 communes, le fédéral aurait dû davantage prendre ses responsabilités.
En revanche, un quart des communes se disent prêtes à accueillir davantage de demandeurs d'asile ou de réfugiés, soit parce qu'elles ont encore des places libres soit parce qu'elles sont disposées à créer des places supplémentaires.