Accord sur l’asile: ils demandent à voir…
Dans la nuit de mercredi à jeudi, le gouvernement s’est accordé sur une série de mesures en matière d’asile. Les associations restent sceptiques.
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Publié le 09-03-2023 à 22h56 - Mis à jour le 10-03-2023 à 15h44
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Après des heures de négociations, les différentes composantes de la Vivaldi sont parvenues à un accord visant régler le problème de la crise de l’accueil… et améliorer plus largement la politique d’asile et de migration de la Belgique.
"Sept partis sont parvenus à un consensus. Et c’est ce qu’on peut attendre d’un gouvernement", s’est félicité le Premier ministre, Alexander De Croo, à la Chambre.
Ce que contient vraiment cet accord
Rappelons que la situation est actuellement chaotique. Des centaines de candidats à l’asile, qui ont légalement droit à un accueil encadré, dorment en rue. Une situation qui a valu à la Belgique plusieurs milliers de condamnations judiciaires assorties de lourdes astreintes.
Pour tenter de résoudre ce problème, le gouvernement De Croo annonce ce jeudi qu’il va créer structurellement 2 000 places supplémentaires, qui viendront s’ajouter aux 8 000 places créées ces derniers mois.
700 places seront créées à l’aide d’unités de logements mobiles fournies par l’Agence européenne de l’asile. Ces conteneurs seront installés sur un terrain situé à Kampenhout, dans le Brabant flamand.
Pour libérer des places, le gouvernement a également décidé qu’un avis négatif rendu suite à une demande de protection signifiera désormais la fin de l’accueil en centre dans les 30 jours. Le gouvernement souhaite aussi libérer 1 500 places en faisant sortir des centres les demandeurs d’asile dont la procédure dure depuis plus de trois ans. Les subsides visant les initiatives locales d’accueil seront également renforcés et devraient permettre de créer 1 000 places d’ici douze mois.
Au niveau "répressif", le gouvernement annonce la mise en place d’un meilleur suivi des retours via l’introduction d’un "devoir de coopération" auquel devront se soumettre les demandeurs refoulés. Il s’agira d’un parcours par étapes. Le non-respect de cette obligation pourra être sanctionné par la mise en œuvre plus rapide d’une procédure de retour forcé.
Pour accélérer les expulsions forcées, le "pool" d’escorteurs sera élargi de façon à ce que cette opération puisse être exercée par du personnel de l’Office des étrangers en plus de la police et du personnel de Frontex.
Plusieurs mesures seront prises, enfin, en matière de regroupement familial. Le regroupement avec des enfants belges ne sera possible que pour le parent qui s’occupe effectivement de celui-ci au quotidien.
Un nouveau droit de séjour pour les apatrides et des droits au regroupement familial similaires à ceux des réfugiés sont aussi prévus, ainsi qu’un nouveau droit de séjour pour les parents d’enfants reconnus réfugiés. La protection des femmes migrantes victimes de violence conjugale sera améliorée. Enfin, et c’était une demande des écologistes et des socialistes, l’interdiction d’enfermement des enfants sera bétonnée dans la loi (lire ci-dessous).
Sur le terrain, on craint un énième coup de com’
Le CIRÉ (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers), qui défend les droits des personnes exilées, n’est pas forcément convaincu par la solution avancée par l’équipe d’Alexander De Croo. "Il est agréable de remarquer que le gouvernement semble avoir pris la mesure de la gravité, explique Sotieta Ngo, directrice générale du CIRÉ. Mais des effets d’annonce, ça fait 18 mois qu’on en entend. On regrette qu’il n’y ait pas de solution immédiate pour les personnes qui en ont besoin aujourd’hui. Selon nos informations, dans le meilleur des cas, les premières places libérées ou créées ne seront pas disponibles avant la fin juin. Ce n’est pas à la hauteur de l’ampleur de cette crise."
Du côté de l’association flamande Vluchtelingenwerk Vlaanderen, on ne se montre pas davantage convaincus par les annonces. L’association rappelle ainsi qu’il y a encore 2 400 personnes sur liste d’attente. Et que celles-ci "ne pourront pas patienter jusqu’à l’été…"
Une loi pour interdire l’enfermement des mineurs
Le gouvernement l’a annoncé : il a décidé d’inscrire dans la loi l’interdiction de l’enfermement des mineurs. Un principe déjà appliqué mais qui sera désormais «bétonné» d’un point de vue législatif, à la demande des socialistes et des écologistes. «Des enfants doivent pouvoir être des enfants», a justifié le Premier ministre Alexander De Croo face à Theo Francken, député N-VA et ex-secrétaire d’État à l’Asile qui estime que cette décision pourrait provoquer «un appel d’air». Du côté associatif, on se félicite de ce choix, mais on rappelle qu’il ne s’agit pas vraiment d’une nouvelle décision.
«Ce n’est qu’une ancienne promesse qui est désormais tenue, explique Sotieta Ngo du CIRÉ, une ASBL qui défend les droits des personnes exilées. Ce principe figurait déjà dans l’accord de gouvernement négocié en 2020. Pour aider prétendument la résolution de la crise de l’accueil et pour avaliser une grande réforme restrictive tous azimuts, nous obtenons enfin l’inscription dans la loi de cette interdiction… C’est un peu cher payé.»