Nucléaire : le gouvernement va demander à Engie d’étudier le scénario d’une prolongation de Doel 4 et Tihange 3 sans de longs arrêts pour les travaux

Le gouvernement s’est penché sur le délicat problème que posent les hivers 2025-2026 et 2026-2027 en matière de sécurité d’approvisionnement. Deux scénarios sont sur la table. Une extension à court terme des trois réacteurs les plus anciens, soit Doel 1, Doel 2 et Tihange 1. L’autre option, c’est l’utilisation durant ces deux hivers des réacteurs les plus récents, Doel 4 et Tihange 3, alors qu’on imaginait, durant cette période, de longs mois de fermeture pour réaliser les travaux permettant la prolongation pour 10 ans. Décryptage.

Alexander De Croo, Premier ministe, et Tinne Van der Straeten, ministre de l'Energie.
Alexander De Croo, Premier ministe, et Tinne Van der Straeten, ministre de l'Energie. ©Belga Photo News

Par quel coup de baguette magique permettra-t-on aux Belges de passer les hivers 2025-2026 et 2026-2027sans pénurie d’électricité ? C’est sur cette délicate question que s’est penché le gouvernement, réuni en comité ministériel restreint (le kern) ce lundi matin.

Qui pourra trouver 900 à 1200 MW ?

Petit rappel des derniers épisodes de ce “Dallas de l’atome” : en décembre, Elia, le gestionnaire du réseau haute tension, a déterminé qu’il faudrait renforcer les capacités de production à hauteur de 900 à 1200 MW pour l’hiver 2025-2026 et qu’il faudrait aussi prévoir un tampon supplémentaire de 1600 MW pour l’hiver 2026-2027.

Objectif : éviter une pénurie durant les pics de consommation d’électricité. Si ces hivers s’annoncent compliqués, c’est parce qu’en 2025, Doel 4 et Tihange 3 sont censés être en maintenance pour effectuer les travaux permettant une prolongation de dix ans de leur exploitation à partir de 2026. Et les trois autres réacteurs restants du parc nucléaire belge sont censés être définitivement désactivés durant l’été.

Pour répondre à ce problème, deux scénarios tiennent la corde. D’une part une extension de quelques mois de l’activité des trois réacteurs les plus anciens, soit Doel 1, Doel 2 et Tihange 1. Pour appliquer ce scénario, l’utilisation du combustible nucléaire restant serait optimisée durant les prochaines années pour pouvoir faire fonctionner ces réacteurs durant les hivers potentiellement problématiques. Pour ce scénario, le gouvernement avait déjà demandé à Engie d’introduire un dossier en matière de sécurité à l’Agence fédérale de contrôle nucléaire

L’autre scénario consiste à ne pas interrompre durant de longs mois l’exploitation de Doel 4 et Tihange 3 pour réaliser les travaux nécessaires à leur prolongement de dix ans. Ces travaux seraient étalés dans le temps et réalisés durant les périodes de maintenance estivales.

La deuxième option sera approfondie

Dans un rapport détaillé au Kern, l’AFCN a estimé qu’il serait préférable d’examiner la deuxième option en matière de sûreté nucléaire.

Cependant, le directeur général de l’AFCN, Frank Hardeman, aurait indiqué que les deux scénarios restaient possibles. Ce lundi, le Kern a demandé à la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten, d’écrire à Engie pour que l’exploitant introduise formellement auprès de l’AFCN un dossier de sûreté pour le second scénario. Il fera également l’objet d’une étude par Elia en matière de sûreté d’approvisionnement.

Si les Verts préfèrent la seconde option, les libéraux estiment qu’il faut prolonger les cinq réacteurs restants. Quel scénario sera choisi pour éviter un black-out ? La suite au prochain épisode…


Dominique Woitrin : “Impossible de prolonger Doel 1 et 2”

Ex-directeur de la CREG, la commission de régulation de l’électricité et du gaz, Dominique Woitrin a travaillé comme ingénieur sur la conception de Doel et Tihange. Il nous livre un avis très critique.

Que pensez-vous de la possibilité de prolonger Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 pour faire face aux éventuels problèmes de sécurité d’approvisionnement ?

À mon sens, c’est une idiotie complète. Tout d’abord, pour des raisons techniques, car il faudrait entreprendre d’énormes travaux qui prendraient des années pour répondre aux normes de sécurité. De plus, il serait difficile de trouver du combustible pour ces deux réacteurs, qui nécessitent de l’uranium 235 conditionné de manière très spécifique. Il est d’ailleurs possible que cela ne puisse plus être fabriqué en Occident. Enfin, il y a une dernière raison plus importante : Engie-Electrabel a du personnel pour faire tourner ces réacteurs jusqu’en 2025. Mais pas au-delà. Certains employés vont partir à la pension, d’autres sont déjà affectés ailleurs… À mon sens, il est donc impossible de prolonger ces trois réacteurs. 

L’autre piste consisterait à continuer l’exploitation de Doel 4 et Tihange 3 durant les travaux…

Cette solution est, à mon avis, beaucoup plus intelligente. Dans un rapport précédent, l’AFCN avait classé les travaux en deux catégories : ceux qui sont indispensables pour la sûreté, et ceux qui améliorent le confort. J’imagine donc qu’il serait possible de commencer certains travaux pendant les arrêts programmés à l’été 2024 et 2025, tout en profitant des trois autres réacteurs encore en service. G.BARK.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...