Procès des attentats de Bruxelles: "Il faudra acquitter Salah Abdeslam" de tentatives et assassinats terroristes
Après les commentaires du parquet fédéral et des parties civiles, la parole a été donnée aux avocats de la défense. Aucun commentaire n'a été fait par le conseil d'Osama Krayem, qui passe systématiquement les journées d'audience au cellulaire.
Publié le 02-03-2023 à 12h20 - Mis à jour le 02-03-2023 à 13h29
Me Paci s'est alors exprimée pour Salah Abdeslam, assurant aux jurés qu'il leur faudrait acquitter son client de tentatives d'assassinat et d'assassinats terroristes, après avoir démonté un à un les sept points le concernant dans l'acte d'accusation.
Me Paci a débuté son intervention en rappelant que l'arrêt du procès des attentats de Paris avait bien fait une distinction entre la participation à une organisation terroriste et la participation aux faits du 13 novembre. "Un des principes de base de notre droit pénal, c'est l'individualisation", a-t-elle déclaré. "On doit être condamné pour ce qu'on a fait." Salah Abdeslam a déjà été condamné pour les faits de Paris ainsi que pour la fusillade la rue du Dries, a-t-elle rappelé. Le 22 mars, jour des attentats, il était en prison et n'avait plus eu aucun contact avec les autres accusés ou kamikazes depuis le 15, a-t-elle ajouté.
Elle s'est ensuite attelée à démentir les sept points du chapitre consacré à son client dans l'acte d'accusation.
Concernant son intégration à la cellule de Bruxelles, Me Paci a rappelé qu'en arrivant à Bruxelles au lendemain des attentats de Paris, c'est à la rue Henri Bergé que s'est rendu Salah Abdeslam. "Il aurait dû mourir à Paris, il ne l'a pas fait. Il est recherché partout, ce qu'il rejoint alors c'est le reste de la cellule des attentats de Paris, pas de Bruxelles. (...) Cette cellule est évidemment en colère (qu'il ne soit pas mort en martyr, NDLR) et c'est dans ce contexte qu'il va devoir donner des gages", selon elle. "C'est pratique de dire qu'il aurait pu être Abrini, qu'il aurait pu être à Zaventem", a-t-elle poursuivi en réaction aux commentaires de procureurs fédéraux. "Avec des si, on met Paris en bouteille", a-t-elle ajouté. "Mais ça ne va pas dans le principe même de l'individualisation, la question c'est de savoir ce qu'a fait chacun, c'est ça l'essentiel."
Quels sont les accusés et terroristes des attentats de Bruxelles ?Elle a ensuite démenti la présence de son client dans toutes les caches. "C'est purement inexact, il n'y a aucun élément" pour dire qu'il a été présent à Max Roos ou à l'avenue des Casernes. Concernant la présence d'armes dans les caches où il a résidé, la pénaliste a rappelé qu'il avait déjà été condamné pour ces faits dans le cadre du procès de la rue du Dries et qu'en outre, il n'avait jamais utilisé ces armes.
L'utilisation des ordinateurs des caches par son client et les lettres ne sont pas plus des éléments de participation aux faits du 22 mars, a-t-elle ajouté.
"Il n'a pas participé aux achats (nécessaires à la fabrication des bombes, NDLR), n'a pas participé à la confection des bombes, aux discussions, aux recherches internet, à la location d'un appartement", il n'y a "aucun élément" pour dire qu'il a pu participer d'une quelconque manière à la structure des attentats, a-t-elle martelé.
Enfin, Me Paci estime que la fuite et l'arrestation de Salah Abdeslam après la fusillade de la rue du Dries prouvent plusieurs choses: "le cloisonnement est hyper important, clairement les informations ne circulent pas puisqu'il ne sait pas où sont les autres", "sa fuite démontre qu'il n'a pas fait ce qu'on attendait de lui" (mourir comme un martyr, NDLR).
"Ce qu'on vous demande à partir de maintenant, c'est de garder en tête, au moment de prendre votre décision, qu'il faudra acquitter Monsieur Abdeslam" pour les assassinats et tentatives d'assassinats à Bruxelles le 22 mars, a-t-elle conclu à destination des jurés.
La défense d'El Makhoukhi critique certains "raccourcis et résumés"
Les avocats de Bilal El Makhoukhi, Me Taelman et Me Cohen, ont pris la parole jeudi matin devant la cour d'assises de Bruxelles pour dénoncer certains commentaires tenus par le parquet plus tôt dans la journée. Ils ont souligné que l'islamologue Mohamed Fahmi n'avait jamais dit que El Makhoukhi avait entretenu des contacts avec le bourreau de l'État islamique surnommé "Jihadi John".
Me Taelman est revenue sur ce qu'elle estime être des "raccourcis et résumés" exposés aux jurés.
"Quand on dit qu'il est allé rejoindre le groupe Majis al shura mujahidin (groupe terroriste en Syrie NDLR), on l'assimile à un barbare. Y a-t-il la moindre notice ouverte révélant qu'il aurait pu commettre des actes barbares en Syrie? Non, il n'y a rien de tout cela. Un exposé juste et complet aurait été de dire qu'on n'avait rien sur lui", a martelé l'avocate.
Me Taelman a en outre insisté sur le peu d'ADN de l'accusé retrouvé. "On aurait dû dire clairement que la plupart du temps, quand il n'y en a pas c'est que la personne n'y était pas. Des erreurs d'ADN, je n'en ai jamais vues au cours de ma carrière."
Me Cohen a quant à lui souhaité rectifier certains propos tenus en début d'audience par le parquet à propos d'un probable lien entre El Makhoukhi et le bourreau de l'État islamique surnommé "Jihadi John". "Selon le parquet fédéral, monsieur Fahmi (islamologue de la police fédérale, NDLR) a rappelé qu'El Mahkoukhi avait côtoyé 'Jihadi John'. Nous avons consulté toutes les occurrences où monsieur Fahmi a évoqué le parcours de 'Jihadi John' et a aucun moment il n'a dit cela."
Sa consœur est également revenue sur la méthode de travail de l'islamologue, soulignant qu'il n'a utilisé que les procès verbaux de la police "comme base factuelle". "J'entends bien qu'il dit ne pas être policier mais son bureau est dans le même couloir que ceux qu'il appelle 'collègues'. Sur quelle base a-t-il sélectionné tel ou tel PV? Il n'a pas rencontré El Makhoukhi, il n'a pas confronté ses éléments à d'autres éléments factuels."
Me Cohen, qui avait déjà rappelé le contexte du conflit en Afghanistan déclenché par l'Union soviétique dans les années 80 et qui est considéré comme le premier terrain du djihadisme contemporain, a de nouveau insisté sur l'importance de la "perspective historique".
"Les choses sont complexes, la radicalisation dont il a déjà été question ne se résume pas à un discours, une idée ou l'application de la charia dans sa forme plus radicale. Ce qui est appelé ici 'radicalisation' est une réponse par la violence à une forme de violence des Etats", a souligné l'avocat, rappelant au passage les exactions du régime syrien et la participation de la Belgique aux bombardements menés par une coalition de pays occidentaux.