Procès des attentats à Bruxelles: La défense dévoile ses cartes lors des commentaires et observations
L'audience au procès des attentats commis à Bruxelles le 22 mars 2016 a repris jeudi matin après deux jours d'interruption à la suite du décès inopiné de Me Sébastien Courtoy, l'avocat principal de Smail Farisi. Le parquet, les avocats des parties civiles, puis ceux de la défense ont fait part à la cour de leurs commentaires et observations au sujet de l'exposé des enquêteurs et des juges d'instruction.
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Publié le 02-03-2023 à 19h33
En début d'audience, il a été annoncé que Me Michel Degrève deviendrait l'avocat principal ("Dominus litis") de Smail Farisi. Me Cassandra Steegmans plaidera avec lui.
Les procureurs fédéraux Paule Somers et Bernard Michel ont ensuite été les premiers à prendre la parole. Tout comme Sofien Ayari et Osama Krayem ont été condamnés dans le cadre des attentats du 13 novembre 2015 alors qu'ils étaient à Schiphol (aéroport) au moment des faits, la procureure Paule Somers estime qu'Abdeslam et Ayari ne doivent pas échapper à leurs responsabilités juste parce qu'ils étaient déjà en détention au moment des attentats.
Les procureurs fédéraux ont, en outre, demandé aux jurés de se concentrer sur les faits commis pendant la période infractionnelle, qui débute le 1er décembre 2015. Au cours de cette période, le premier appartement de la cellule, celui de la rue du Dries, a été loué, a rappelé Paule Somers. Pour la procureure, il ne fait aucun doute qu'il n'y a qu'une seule et unique cellule et "'une scène unique d'attentat, un projet criminel global".
Après les commentaires du parquet fédéral, les avocats des parties civiles ont interpellé les jurés du procès des attentats du 22 mars 2022, insistant sur l'horreur des attaques commises dans le métro bruxellois et à Zaventem. Me Guillaume Lys, avocat du collectif V-Europe, a salué le travail des enquêteurs, soulignant avoir le sentiment "qu'aucune question n'a été éludée".
Contrôle des liquides dans les bagages aux aéroports : moins de stress pour les passagersIl a également rappelé que les éléments évoqués par les enquêteurs n'étaient pas neufs pour les avocats de la défense, qui avaient accès au dossier depuis le début. L'avocat s'est par ailleurs montré critique envers les stratégies déployées par la défense, relayant l'espoir qu'elles ne se "réduisent pas à deux tentations": le "mutisme" et la "minimalisation".
Me Alié, qui représente le collectif Life4Brussels, a quant à elle invité les jurés à faire preuve de méfiance face au "caractère évolutif des déclarations des accusés lors de leurs auditions", qualifiant même Abrini de "poulpe au chapeau" (en référence au surnom d'"homme au chapeau" attribué dans les premières heures suivant les attentats). "Il va dans tous les sens mais dès qu'on le confond, il se referme."
La parole a ensuite été donnée aux avocats de la défense. Me Paci, avocate de Salah Abdeslam, a ouvert le bal en rappelant que l'arrêt du procès des attentats de Paris avait bien fait une distinction entre la participation à une organisation terroriste et la participation aux faits du 13 novembre 2015. L'occasion de rappeler que le jour des attentats du 22 mars, l'accusé était en prison.
Elle s'est ensuite attelée à démentir les sept points du chapitre consacré à son client dans l'acte d'accusation. Elle a notamment démenti la présence de son client dans toutes les caches. Il n'y a "aucun élément" pour dire qu'il a pu participer d'une quelconque manière à la structure des attentats, a-t-elle martelé. Elle estime en outre que la fuite d'Abdeslam après la fusillade rue du Dries prouve "qu'il n'a pas fait ce qu'on attendait de lui". Elle a terminé son intervention en demandant l'acquittement de son client pour les assassinats et les tentatives d'assassinat.
Les avocats de Bilal El Makhoukhi, Me Taelman et Me Cohen, ont quant à eux dénoncé des propos tenus plus tôt par le parquet dans lesquels le ministère public soulignait que l'accusé avait entretenu des contacts avec le bourreau de l'État islamique surnommé "Jihadi John". "Nous avons consulté toutes les occurrences où monsieur Fahmi (islamologue de la police fédérale, NDLR ) a évoqué le parcours de 'Jihadi John' et à aucun moment il n'a dit cela", a souligné Me Cohen. Ils ont également dénoncé des "raccourcis" et insisté sur le peu d'ADN de l'accusé retrouvé.
Me Degrève, avocat de Smail Farisi, leur a emboîté le pas, soulignant "l'absence d'allégeance, de tout matériel religieux, de kounia, de drapeau de l'EI à l'appartement des Casernes" ainsi que la bisexualité et l'alcoolisme de son client, en "contradiction totale" avec les principes de l'EI. "Il n'est jamais présent dans les moments clés, il n'est pas là et on ne veut pas qu'il soit là."
Me Séverin, qui défend Sofien Ayari, a dénoncé la volonté du parquet fédéral de mettre tous les accusés détenus sur le même pied. Elle a rappelé que son client n'avait été inculpé que de participation aux activités d'un groupe terroriste par les juges d'instruction, faute d'éléments dans le dossier. C'est la chambre des mises qui l'a renvoyé devant les assises également pour assassinats et tentatives d'assassinat dans un contexte terroriste. Selon l'avocate, le seul élément qui relie Sofien Ayari à la préparation des attentats "c'est de l'ADN retrouvé sur un sac Nike, mais il s'agit d'un ADN mixte".
La défense de Hervé Bayingana Muhirwa s'est attachée à démontrer que l'accusé n'avait pas fréquenté la planque de la rue Max Roos et qu'il ne présentait pas un profil de radicalisé. L'avocat s'est aussi penché sur la question du "coton-tige", sur lequel figurent les ADN de Bayingana Muhirwa et d'Abrini. "Ce que prouve ce coton-tige, c'est qu'effectivement Hervé et Abrini ont vécu ensemble, mais à Tivoli et pas à Max Roos." L'avocat a rappelé que l'appartement de l'accusé, rue de Tivoli à Laeken, n'est pas considéré comme une planque dans le dossier mais bien comme un "hébergement d'urgence".
Ali El Haddad Asufi ne "présente aucun signe de radicalisation", a ensuite affirmé jeudi après-midi son avocat, Me De Taye. "Ça se rapproche plus à l'association de malfaiteur, au grand banditisme." Pour lui, l'hypothèse du parquet selon laquelle il aurait recherché des armes pour la cellule "est totalement fumeuse".
La défense de Mohamed Abrini, surnommé "l'homme au chapeau", Me Pinilla, s'est employée à souligner que son client n'avait joué qu'un rôle périphérique au sein de la cellule terroriste, le décrivant même comme "un fardeau" pour les autres membres. Elle a rappelé que Mohamed Abrini avait quitté la planque de la rue Max Roos le 15 mars pour n'y revenir que le 21, veille des attaques, évoquant le "choc" de l'accusé en apprenant que des attentats étaient programmés pour le lendemain.
Enfin, Me Xavier Carrette, défense d'Ibrahim Farisi, a brièvement pris la parole jeudi après-midi pour conclure les commentaires et observations. Il a rappelé aux jurés que c'est l'Ibrahim Farisi de 2016 qu'ils devraient juger, et pas celui d'aujourd'hui, un homme "à la dérive", parfois "assoupi, parfois turbulent". Il a également insisté sur le fait qu'il n'existait pas de "clan Farisi".
L'audience a été levée vers 16H, elle reprendra lundi matin avec des interventions de médecins avant d'accueillir dans l'après-midi les premiers témoignages de victimes.