Appels aux dons post-séisme : à qui se fier ?
On connaît les grosses ONG actives dans l'humanitaire. Faut-il pour autant se méfier d’une petite ASBL fondée par trois Allemands ?
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Publié le 24-02-2023 à 04h00 - Mis à jour le 24-02-2023 à 07h02
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La catastrophe qui s’est abattue sur la Turquie et la Syrie le 6 février dernier a suscité une série d’appels aux dons. Chez nous, un peu en retard par rapport à ses homologues néerlandais et britanniques, le Consortium 12-12 lance sa campagne le dimanche 12 février (lire ci-dessous "Le Consortium 12-12 a aussi des comptes à rendre"), avec un large écho dans les médias le mardi 14.
Deux jours plus tard, le bulletin de virement d’une association inconnue de la plupart des Belges, SOS World, se retrouve encarté dans presque tous les quotidiens, L’Avenir compris. Le lendemain, c’est au tour de Child-Help (lire ci-dessous "À propos de Child-Help") de se lancer. L’ASBL ne fait pas non plus partie du paysage caritatif bien identifié en Belgique francophone.
Qui sont ces collecteurs de fonds qui interviennent au nom d’une cause humanitaire, avec une force de frappe impressionnante malgré leur petite taille ? Comment savoir s’ils sont dignes de confiance, quand ils font appel à la générosité des donateurs ?
Risque de confusion
L’appel aux dons de SOS World est signé par le fondateur de l’organisation, l’archevêque allemand Thomas Schirrmacher, professeur et secrétaire général de l’Alliance évangélique mondiale (World Evangelical Alliance). Il crée cette ASBL en Belgique en 2014, avec deux membres de sa famille, Klaus et David Shirrmacher. Ils sont tous les trois domiciliés en Allemagne.
Le siège de SOS World en Belgique est d’abord fixé à la même adresse que l’agence commerciale Direct Social Communications (DSC, rue Victor Rauters à Anderlecht), qui se spécialise dans la réalisation de campagnes de collectes de fonds.
Et cet élément avait fait tiquer la plateforme d’information Fundraisers en 2017 : "L’agence Direct Social Communications semble ainsi renforcer son offre de service en matière de lancement clé-sur-porte sur le marché belge, d’associations totalement contrôlées depuis l’étranger par des administrateurs qui n’ont quasi aucun lien avec notre pays", écrivait alors Fundraisers. Qui pointait un risque: celui de voir se superposer jusqu’à la confusion "intérêts commerciaux et finalité humanitaire".
SOS World en a pris bonne note: son siège a migré vers la rue Belliard en mai 2018. L’Agence commerciale DSC nous indique par ailleurs que si l’adresse peut encore apparaître sur les enveloppes des campagnes de collecte de fonds, "c’est parce que nous gérons les retours postaux pour SOS World ".
Équipes sur place ?
"Les premières équipes de SOS World sont déjà arrivées sur les lieux de cette catastrophe", lit-on dans l’appel aux dons qui figure sur le bulletin de virement diffusé le 16 février dernier.
Quelles équipes ? Quand on lui pose la question, l’association apporte certaines nuances: "Il n’y a pas d’équipes à proprement parler, mais beaucoup de volontaires et de collaboration". Notamment des organisations religieuses relevant de l’Alliance évangélique. "Ou d’autres organisations reconnues, comme Caritas", précise SOS World.
Jusqu’à nouvel ordre, rien à redire, même si persiste le sentiment d’avoir affaire à une simple boîte aux lettres.
Reste la question centrale: la transparence. Quelles informations sont disponibles pour les 24 000 Belges déclarés comme donateurs actifs par SOS World, sur les actions et l’engagement des fonds ?
Un site pas actualisé
Le site internet est fort peu causant. Pas de rapport annuel, trois lignes par pays, 40 pays mentionnés dans l’appel aux dons pour les victimes du séisme, seulement 12 recensés sur le site… Si le site est à ce point carencé, "c’est parce qu’il doit être refait entièrement. Il n’y a plus de maintenance sur cette version", réagit SOS World.
Qui nous envoie son rapport annuel 2021. Les projets y sont présentés en anglais par le professeur Shirrmacher. Ils concernent la RDC, l’Ouganda, l’Égypte, la Somalie, le Sud-Soudan, les Philippines, le Burundi, la Zambie. Le nombre de bénéficiaires par projets y est mentionné, ainsi que le montants des aides.
Pas d’agrément
En 2022, nous explique-t-on par courriel, l’Ukraine et le Pakistan, notamment, ont aussi bénéficié d’une partie des dons collectés. Soutien à des orphelinats en Zambie, projet de scolarisation au Pakistan, aide alimentaire ou sanitaire urgente en Ukraine, aide et formation de femmes victimes de violences sexuelles au Congo, etc. Voilà pour les retours de terrain.
Mais pas de données accessibles sur les comptes annuels de l’association, pour se faire une idée de la proportion entre les frais administratifs et la part des fonds consacrés aux projets humanitaires.
Par ailleurs, le SPF Finances n’a pas accordé son agrément à l’association. Pour rappel, cet agrément permet d’envoyer une attestation fiscale aux donateurs à partir d’un de 40 € de don. "La demande est en cours ", explique SOS World.