Fusion des zones de police : les syndicats recalent l’idée de la ministre Verlinden
Annelies Verlinden (cd&v), voudrait passer de 184 à 40 zones de police d’ici 2030. “Du bla-bla”, “Du vent”… Les syndicats ont réservé un accueil glacial aux annonces de la ministre de l’Intérieur.
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- Publié le 15-02-2023 à 21h38
- Mis à jour le 15-02-2023 à 21h59
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Ce mercredi matin, les leaders des principaux syndicats policiers ont dû avaler de travers leur café en lisant l’interview qu’Annelies Verlinden a accordée à nos confrères de la Dernière Heure. La ministre de l’Intérieur CD&V a proposé de réduire le nombre de zones de police de 184 à 40.
“Le modèle d’une police Intégrée, structurée à deux niveaux, Police fédérale et Police locale, doit être conservé, mais son fonctionnement peut être renforcé”, estime Annelies Verlinden dans un communiqué.
Pour atteindre ce nombre réduit, la ministre propose d’évoluer d’ici 2030 vers des zones de police comprenant au moins 500 policiers opérationnels, par le biais de fusions volontaires.
Un seuil qui ne fait pas l’unanimité
“Il y a un problème de réalisme dans ces propositions. La ministre Verlinden ne connaît pas le terrain”, lance Eddy Quaino, permanent CGSP. “Pour une zone de police qui comporte 100 membres de personnel, on a parfois huit ou neuf bourgmestres. Avec des zones de 500 hommes, cela signifierait qu’il n’y en aurait qu’une seule pour toute la province de Luxembourg. Vous imaginez le nombre de bourgmestre qu’il faudrait mettre autour de la même table ?”
Le concept de grandes zones ne convainc pas non plus Vincent Gilles, président du SLFP Police : “Il semble que la ministre vise une rationalisation d’échelle au niveau des zones”, constate Vincent Gilles. “Cependant, Annelies Verlinden a complètement oublié l’unité de commandement. Or, c’est l’élément essentiel du fonctionnement policier. Vous pouvez fusionner tant que vous voulez des zones, s’il n’y a pas d’unité de commandement au niveau de la police intégrée, vous resterez dans la même situation qu’actuellement. À savoir qu’en certains endroits, des petits chefs font leur soupe à leur façon. Et n’écoutent rien de ce qui vient de Bruxelles ou des autres zones voisines plus performantes.”
Pour Annelies Verlinden, ces zones de police plus grandes pourraient proposer une aide policière davantage spécialisée, avec par exemple des cyber-experts ou des enquêteurs spécialisés.
“Avec cette proposition, ne sommes-nous pas en train de poursuivre une stratégie d’appauvrissement de la police fédérale dans le but de renforcer l’échelon régional ?”, s’interroge Eddy Quaino de la CGSP. “Il pourrait y avoir du communautaire qui se cache derrière ces ambitions.”
Pour le SNPS, la Ministre Verlinden “sait très bien que c’est du bla-bla” : “Le rapport préparé par Fernand Koekelberg sous la précédente législature à la demande de Jan Jambon montrait très bien la grande différence qui existe entre la Wallonie et la Flandre d’une part. Mais aussi la spécificité de Bruxelles”, affirme Thierry Belin, secrétaire national du SNPS qui estime à l’instar de ses confrères des autres syndicats que fusionner les six zones de police de Bruxelles serait une “grave erreur” au vu des fortes différences entre les communes de la région bruxelloises.
“Ça ne me dérange pas que Madame Verlinden soit en campagne électorale, mais qu’elle le fasse au moins de manière intelligente”, conclut Vincent Gilles du SLFP.
Un contexte très tendu avec des actions
Rappelons que la CGSP a déposé ce mardi un nouveau préavis de grève pour la police intégrée. Des actions seraient d’ailleurs prévues cette semaine.
Le mouvement est aussi soutenu par le SLFP, le SNPS et la CSC. Les syndicats veulent continuer à dénoncer une situation de blocage avec le gouvernement fédéral.
Ils réclament un aménagement de fin de carrière avec la possibilité de prendre un congé préalable à la pension, une revalorisation salariale “attendue depuis 22 ans”, l’engagement de personnel supplémentaire et un refinancement global des services de police.
“Les ministres Verlinden et Van Quickenborne s’étaient engagés en signant des protocoles d’accord, mais il s’agit de mensonges historiques envers les services de police”, lance encore Eddy Quaino. Dans ces circonstances, pas étonnant que ces nouvelles propositions aient été si froidement accueillies…
Police fédérale, zones de police… Tout comprendre
Après les dysfonctionnements observés suite à l’affaire Dutroux, la gendarmerie, la police communale et la police judiciaire ont été fusionnées en 2001. La nouvelle police intégrée a été divisée en deux niveaux. D’un côté, il y a la police fédérale, et de l’autre, la police locale. Cette dernière est répartie en zones de police. On en compte 184 sur le territoire belge.
Certaines zones sont monocommunales, comme Namur, Charleroi ou Anvers, tandis que d’autres zones couvrent plusieurs villes ou communes, comme la zone Sud-Luxembourg qui couvre Aubange, Messancy, Musson et Saint-Léger. Chaque zone est placée sous la direction d’un chef de corps, lui-même placé sous l’autorité du bourgmestre pour les zones monocommunales, ou d’un collège de police pour les zones pluricommunales. Ce collège est constitué des bourgmestres des communes composant la zone. De l’autre côté, la police fédérale exerce notamment des missions de police judiciaire et de police administrative dans des domaines spécialisés. Elle est également chargée de fournir un appui aux corps de police locale.
Réforme de l’enseignement policier : “De la fumisterie”
Pour la ministre Verlinden, “une seule année de formation pour devenir inspecteur de police ne peut plus suffire pour acquérir toutes les compétences nécessaires au travail policier”.
Elle souhaite aligner la formation policière sur l’enseignement ordinaire. En faisant de la formation d’inspecteur une formation de niveau graduat, celle d’inspecteur principal une formation de niveau bachelier, et celle de commissaire une formation de niveau master. La ministre prévoit également de lancer un projet pilote pour permettre aux écoles de police et aux hautes écoles de collaborer à l’organisation d’une formation intégrée. Avec ce système, certaines matières comme le droit ou la psychologie seraient enseignées directement par la haute école partenaire.
“On est en train de parler d’une externalisation de la formation hors secteur policier, estime Vincent Gilles, président du SLFP Police. Nous craignons une prise de pouvoir par les universités et les hautes écoles sur le bagage de formation des policiers. C’est de la fumisterie.”
Même méfiance du côté de la GGSP : “Le métier est très spécifique, estime Eddy Quaino. Transférer la formation aux hautes écoles, cela signifie qu’on va transférer la charge financière supportée par le fédéral vers l’enseignement, donc les Communautés.”
Maxime Daye : “Une fusion ne doit pas signifier un transfert de charges”
Le bourgmestre (MR) de Braine-le-Comte et président de l’Union des Villes et Communes, nous livre son avis
La ministre Verlinden propose de fusionner les zones de police. Qu’en pensez-vous ?
À l’Union des Villes et Communes de Wallonie (UVCW), on est convaincu qu’à un moment donné, il va falloir revoir la lasagne institutionnelle belge. À force de créer de la supracommunalité, on a organisé un transfert des charges financières.
Dans le cas des zones de secours ou de police, ce sont les Communes qui paient in fine pour ce qu’on a appelé dans un premier temps une économie d’échelle. De plus, pour les zones de police, de nombreuses décisions sont prises par le fédéral mais financées par les Communes. Mais personnellement, je ne vois pas d’un mauvais œil toute réflexion pour réaliser des économies d’échelle.
Vous n’êtes donc pas totalement opposés à cette idée…
Au niveau de l’UVCW, nous avons une position plutôt défavorable à la fusion des zones de police. Mais nous pouvons aussi reconnaître que celles-ci sont parfois très petites. Mais ce qui est criant ces dernières années, c’est que les Communes vont financièrement droit dans le mur. Elles doivent pouvoir prendre leurs responsabilités et réfléchir à comment les services, qu’ils soient régaliens ou non, seront financés demain. Et la police tout comme les pompiers en font partie.
Personnellement, et cette fois je ne parle pas en tant que président de l’UVCW, j’estime qu’il pourrait être intéressant, par exemple, de créer des zones de sécurité civile qui regrouperaient tant la police que les pompiers. Ces zones de sécurité civile permettraient aux bourgmestres de ne pas devoir faire face à une multiplication des réunions.
Ces propositions de la ministre Verlinden, c’est un ballon d’essai dans une période de précampagne électorale ?
Cela pourrait être un ballon d’essai préélectoral, mais je ne pense pas que les électeurs soient intéressés par une fusion des zones de police.
Et nous avons vu que le projet de fusion des communes initié par Bastogne et Bertogne a même provoqué des menaces de mort.
Ce qui compte pour le citoyen, c’est que les pompiers et la police puissent faire leur travail, non seulement de prévention, mais aussi de répression et d’enquête.
Enfin, il est important que la responsabilité des bourgmestres, qui peut être engagée sur le plan pénal ou civil, soit en adéquation avec le pouvoir de décision dont ils disposent.