Décryptage: le gouvernement fédéral étudie désormais la prolongation d’autres réacteurs nucléaires
L’exploitation de Doel 1, de Doel 2 et de Tihange 1 sera-t-elle étendue jusqu’en 2027 ? Le gouvernement va étudier la question. Décryptage.
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Publié le 03-02-2023 à 21h22 - Mis à jour le 04-02-2023 à 07h08
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Initialement, la Belgique devait débrancher ses derniers réacteurs nucléaires à l’horizon 2025. Une date qui figurait encore noir sur blanc dans les petits papiers du gouvernement avant que Vladimir Poutine ne se lance dans une effroyable guerre en Ukraine.
Suite à la flambée des cours du gaz et à ce changement géopolitique de premier ordre, le gouvernement De Croo a décidé, en mars 2022, de prolonger Doel 4 et Tihange 3 de dix ans à partir de l’hiver 2026.
+ DOSSIER | Sortie du nucléaire en Belgique: autopsie d’un fiascoMais depuis ce vendredi, la Vivaldi envisage officiellement de prolonger l’exploitation de Doel 1, de Doel 2 et de Tihange 1 jusqu’en 2027. Des réacteurs qui, théoriquement, auraient dû être mis à l’arrêt en 2025.
Un risque de pénurie à l’hiver 2025
Le gouvernement avait demandé à Elia, le gestionnaire du réseau haute tension, de réaliser un rapport intermédiaire sur la sécurité d’approvisionnement pour les prochains hivers.
Un monitoring demandé dans le contexte particulier de la guerre en Ukraine et suite à la mise à l’arrêt d’une partie du parc nucléaire français pour cause de maintenance.
Or, dans ces estimations, il est clairement apparu que durant l’hiver 2025-2026, la Belgique pourrait souffrir d’un déficit de 900 MW à 1,2 GW en cas de pic de consommation.
Un risque qui pourrait persister durant l’hiver 2026-2027, si les travaux visant à relancer pour dix ans l’exploitation de Tihange 3 et de Doel 4 n’étaient pas terminés.
Prolonger l’exploitation d’autres réacteurs
Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), et la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), ont donc reçu la mission de prendre contact avec Engie, l’exploitant des centrales nucléaires, afin qu’il prépare un dossier en matière de sécurité qui serait ensuite présenté à l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (l’AFCN).
Le gouvernement voudrait qu’on adapte la consommation de combustible nucléaire, de manière à faire fonctionner ces trois réacteurs plus longtemps.
En coulisses, certains évoquent aussi la possibilité d’utiliser du combustible supplémentaire. Une information qui ne nous a toutefois pas été confirmée.
“Certains affirment qu’on s’est trompé il y a un an lorsqu’on a pris la décision de ne prolonger que Tihange 3 et Doel 4”, nous explique-t-on dans l’entourage du gouvernement. “Mais le contexte a changé”.
Du côté d’Elia, il y a notamment une crainte que les problèmes d’indisponibilité du parc nucléaire français ne se prolongent durant les prochains hivers.
Dans l’entourage du gouvernement, on estime également que cette nouvelle décision qui concerne les réacteurs de Doel 1, Doel 2 et de Tihange 1 formalisent des choix pris au mois de décembre.
L’analyse demandée doit être réalisée d’ici la fin mars afin que le gouvernement puisse se prononcer définitivement sur la sécurité d’approvisionnement du pays durant les prochains hivers.
Notre édito: "Nucléaire, la valse à mille temps"Du côté d’Engie-Electrabel, on ne commente pas cette décision
Engie attend encore la demande officielle du gouvernement avant de communiquer sur cette prolongation

Du côté d’Engie-Electrabel, l’exploitant des centrales de Tihange et de Doel, avec qui l’État doit encore finaliser l’accord de prolongation de Tihange 3 et de Doel 4, on ne fait pas de commentaire sur cette nouvelle décision qui n’a fait l’objet d’aucune notification officielle.
Mais en décembre, lorsqu’une extension courte de l’exploitation de ces trois réacteurs avait déjà été envisagée, Engie avait indiqué que le cadre légal actuel ne faisait pas de distinction entre une prolongation normale et une prolongation à court terme à laquelle le gouvernement fait désormais référence.
En d’autres termes et selon la loi, les préparatifs qui sont déployés pour la prolongation des deux réacteurs les plus récents (Doel 4 et Tihange 3) devraient être répétés pour les plus anciens.
Sans oublier la question économique : est-ce réalisable de procéder à cette prolongation au vu des investissements qui seront requis ? En outre, le matériel nucléaire actuel ne serait pas conçu pour fonctionner uniquement quelques mois par an, comme le souhaiteraient les autorités.
L’Agence de contrôle nucléaire (AFCN) ne souhaite pas encore s’exprimer sur les pistes envisageables. “Nous avons appris la décision. Le gouvernement doit maintenant poser la question à Engie et ce dernier doit constituer et déposer un dossier de sécurité”, commente-t-on au régulateur.
Le MR se montre satisfait, mais l’opposition “flingue” la Vivaldi
Certains partis de la majorité se montrent très satisfaits de cette décision. En particulier le MR, qui souhaite ouvertement prolonger non pas deux, mais bien cinq réacteurs.
“C’est un pas supplémentaire dans le bon sens puisque l’on permet à Engie de déposer un dossier en vue de la prolongation de 2 ou 3 réacteurs supplémentaires pour 2 ans minimum”, a réagi le vice-premier ministre David Clarinval. “Ce qui nous permet de garantir notre sécurité d’approvisionnement et d’envisager l’avenir plus sereinement”.
Le cd&v a également salué cette décision. “Comme il le faut. La sécurité d’approvisionnement est essentielle. Le futur est au renouvelable et au nucléaire”, a affirmé le président Sammy Mahdi.
Du côté de Groen, le parti de la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten, on se montre plus prudents et on attend des propositions “sûres et réalistes” : “Nous examinons les différentes pistes pour ces hivers avec un regard ouvert”, expliquent les Verts flamands dans un communiqué. “Il faudra aussi examiner s’il est possible de satisfaire à toutes les conditions, comme une étude d’incidences environnementales et une consultation des pays voisins.”
Face à l’annonce d’une prolongation éventuelle de trois autres réacteurs nucléaires, l’opposition ne mâche pas ses mots.
“Un tel virage montre l’amateurisme avec lequel cet enjeu stratégique de notre approvisionnement énergétique a été géré jusqu’à présent par la Vivaldi et sa branche verte”, a rappelé le député Maxime Prévot, président des Engagés sur le réseau social Twitter. “Le nucléaire est aussi un allié du combat climatique et de la maîtrise des prix.”
Du côté de DéFI, François De Smet résume sa position par le mot “Enfin” : “Nous le demandions depuis des mois. Espérons qu’il ne soit pas trop tard”, a lancé le président du parti sur le réseau social Twiter.