Deux races de chiens ou de chats maximum par élevage: en Wallonie, le secteur prépare sa mobilisation
Pas plus de deux races par élevage de chiens ou de chats en Wallonie à partir du 1er mars 2023: pour certains éleveurs, c’est une perte sèche sur le plan financier qui aura aussi des conséquences… sur le bien-être animal.
Publié le 26-01-2023 à 04h00 - Mis à jour le 26-01-2023 à 06h44
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En 2019, les députés wallons Philippe Dodrimont (MR) et Isabelle Moinnet (cdH) bouclent un rapport parlementaire sur l’élevage canin en Wallonie. Ils laissent entre les mains du ministre du Bien-être animal de l’époque, le cdH Carlo Di Antonio, une vingtaine de recommandations pour améliorer la situation des animaux dans les élevages.
"Certaines sont traduites dans le droit wallon", se réjouit Philippe Dodrimont. Et d’autres seront concrétisées bientôt via un arrêté du gouvernement wallon relatif aux conditions d’agrément des établissements pour animaux, adopté le 22 novembre dernier (lire ci-dessous). Le texte est porté par l’actuelle ministre du Bien-Être animal Céline Tellier (Écolo).
Le député MR se réjouit de voir des avancées, "même si tout ça prend beaucoup de temps ". Mais il y a un point qui fâche dans l’arrêté: "Les éleveurs de chiens ou de chats pourront élever au maximum deux races différentes ".
Dans le rouge
Selon le député wallon, cette limitation aura des conséquences économiques pour les éleveurs. "Moins de races, c’est aussi moins de moyens. C’est de l’argent qui n’ira plus au bien-être animal au sein de l’élevage. La mesure risque d’être contre-productive", estime Philippe Dodrimont.
Et c’est en effet un point sensible pour une partie du secteur.
Léonard Monami est éleveur de chiens à Soumagne. Il est aussi président d’Andibel, la Fédération professionnelle belge des commerçants d’oiseaux, animaux de compagnie et accessoires. "J’ai 40 chiens. Je vais devoir éliminer 20 adultes excédentaires. Je fais comment ? Je peux les faire stériliser. Mais alors, je ne vis plus de l’élevage", lance-t-il.
Il a fait le calcul: par rapport à 2022, son chiffre d’affaires lié à la vente de chiots sera divisé par deux en 2023. Il devrait se retrouver dans le rouge, avec un négatif de 10 000 €, environ.
En tout, ça fera 10 000 chiens en moins en Wallonie par an. L’offre ne suffira plus
"Je vais rogner sur quelles charges ? Pas sur le loyer. Ni sur le personnel (NDLR: la nouvelle législation prévoit davantage d’heures de soins et de socialisation par jour, par animal et par portée). Je devrai donc me rabattre sur la qualité de la nourriture, les produits désinfectants, les soins vétérinaires, etc."
Les plus rentables
Selon ses calculs, la règle des deux races maximum reviendra à retirer du marché environ 6 000 chiots par an. Sans compter la future interdiction d’importation de chiots en provenance de Pologne, de Hongrie, de Lituanie…
"Comptez 2 000 à 3 000 chiots importés en moins. En tout, ça fera 10 000 chiens en moins en Wallonie par an. L’offre ne suffira plus et les gens iront chercher leurs animaux ailleurs. D’autant que chez nous, les prix vont augmenter. On se limitera aux races les plus rentables, les autres vont disparaître du marché wallon ", conclut-il.
En Flandre, la mesure a été annulée par le Conseil d’État
La Flandre avait pris une décision similaire, limitant les élevages à 7 races. "La mesure a été annulée par le Conseil d’État ", prévient Léonard Monami.
De son côté, Philippe Dodrimont se souvient de ses visites des élevages en compagnie de sa collègue Isabelle Moinnet: "J’avais un a priori mais on a pu le constater sur le terrain: le bien-être animal ne dépend pas du nombre de races. "
Il s’inquiète de la manière dont on va régler le sort des chiens en passe de devenir excédentaires, dans les élevages dont l’agrément expire dans les tout prochains mois.
« Des irrégularités »
De son côté, Léonard Monami prépare en tout cas une mobilisation du secteur sur cette règle des deux races. Mais aussi sur d’autres éléments de l’arrêté du gouvernement wallon de novembre dernier (ci-dessous).
Il a ainsi déposé plainte devant le Conseil national du travail contre la ministre Céline Tellier pour infraction à la loi du 5 décembre 1968. "L’obligation de formation pour les éleveurs professionnels ne tient pas compte de cette loi, qui précise qu’une convention collective fait office de loi", dit-il.
Il fait référence à la convention collective de travail liée à la commission paritaire 144 dont relèvent certains travailleurs actifs dans l’élevage. "Et cette convention stipule que l’expérience professionnelle peut suffire", poursuit Léonard Monami.
Il va donc organiser dans les semaines à venir une manifestation devant le cabinet de la ministre wallonne du Bien-Être animal. "On ne s’oppose par à l’arrêté mais à ses irrégularités ", tient-il à souligner.
En Wallonie, on compte 63 élevages professionnels de chiens, 5 élevages professionnels de chats et 250 commerces animaliers.