Prix de l’énergie : un projet de hausse des accises qui passe mal
Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v), a bouclé son projet de hausse des accises sur l’Énergie. Une modification fiscale qui vise à compenser la baisse de la TVA. Mais tant au sein du gouvernement que dans l’opposition, le projet pose question.
Publié le 25-01-2023 à 21h10 - Mis à jour le 25-01-2023 à 21h35
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En politique, certains dossiers sentent la poudre à canon. La compensation budgétaire de la baisse de la TVA sur le gaz et l’électricité fait partie de cette catégorie.
Cette compensation, absente des premières épures budgétaires déposées à la Chambre, avait déjà conduit l’ex-Secrétaire d’État au Budget, Eva De Bleeker, à la démission. Cette semaine, c’est la finalisation par Vincent Van Peteghem de l'avant-projet de réforme des accises qui provoque des crispations au sein de la Vivaldi.
1. Baisse de la TVA et hausse des accises
Le gouvernement l’avait annoncé et la famille socialiste s’en était félicitée : la TVA sur le gaz et l’électricité sera maintenue de manière permanente à 6 % après le 1er avril. Mais Alexander De Croo l’avait également bien précisé durant les débats budgétaires à la Chambre : cette mesure sera budgétairement compensée par une réforme des accises.
2. Nouvelles accises : mode d’emploi
Elle était attendue pour le contrôle budgétaire du mois de mars. Mais le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem est déjà prêt.
Il faut savoir que la consommation annuelle moyenne d’un ménage est de 3 500 KWh au niveau de l’électricité, et de 17 000 KWh au niveau du gaz.
Or, le projet de réforme prévoit une distinction entre la consommation de base et la consommation supplémentaire des ménages.
La consommation de base est estimée à 3 000 kWh pour l’électricité et 12 000 kWh pour le gaz. Cette tranche ne sera pas concernée par les nouvelles accises.
Par contre, ce qui sera consommé au-delà de ces plafonds, soit la consommation supplémentaire, sera soumis à de nouveaux droits d’accises. 33,88 € par MWh pour l’électricité et de 7,69 € par MWh pour le gaz.
Avantage du système par rapport à un retour à une TVA à 21 %: il permet un prélèvement stable et prévisible sur la facture.
De plus, selon le cabinet Van Peteghem, la distinction entre la consommation de base et la consommation supplémentaire permet de protéger les personnes de manière ciblée. Enfin, la réforme prévoit un mécanisme de protection supplémentaire contre les fluctuations de prix.
Concrètement, les droits d’accises diminueront si les prix dépassent une certaine limite.
3. Ce que ce système va vraiment vous coûter
Selon le calcul du ministre, la facture gaz électricité d’un ménage moyen aurait augmenté de 512,58 € cette année si la TVA était remontée à 21 % à partir du 1er avril, comme c’était initialement prévu.
Si cette réforme des accises entre en vigueur la facture gaz électricité s’alourdira de 19,64 € par mois.
Mais le cabinet du ministre l’assure : la mise en place de ce nouveau système à partir d’avril permettrait à un ménage de gagner 335,80 € par rapport à un retour au système d’avant-crise, soit la TVA à 21 %.
4. Que gagnera l’État avec cette réforme?
Alexander De Croo avait assuré que la TVA à taux réduit sur l’énergie, qui devrait coûter à l’État 1,3 milliard d’euros, serait une opération budgétairement neutre.
Or, la réforme des accises n’entraînerait que 543,9 millions d’euros de recettes supplémentaires.
Au final, la pérennisation d’une TVA à 6 % entraînerait donc un déficit budgétaire de 761 millions d’euros.
5. L’opposition flingue le projet du ministre
Sans surprise, l’opposition a tiré à boulets rouges sur ce projet .
Pour Raoul Hedebouw, président du PTB, «ce que le gouvernement donne d’une main est repris de l’autre».
Voilà, la Vivaldi a lancé le train des accises. Pour une famille moyenne, la facture augmentera d'environ 180€/an.
— Hedebouw Raoul (@RaoulHedebouw) January 25, 2023
Pendant ce temps, Engie continue –encore aujourd’hui– d’empocher des surprofits. Pourquoi ne pas augmenter les taxes là-dessus ? #justaskinghttps://t.co/G12bwnMF17
Dans les rangs de la N-VA, le député Sander Loones estime que le Premier ministre «avait tort lorsqu’il a affirmé que cette opération serait budgétairement neutre. La secrétaire d’État De Bleeker était beaucoup plus proche de la vérité».
Raoul Hedebouw : " Cette hausse des accises est antisociale "6. La Vivaldi semble à nouveau divisée
Si le projet ne réjouit pas l’opposition, il peine aussi à convaincre les partenaires de majorité.
Le vice-premier ministre PS, Pierre-Yves Dermagne, a même semblé surpris par la sortie de son collègue: «Il avait été convenu que la date d’entrée en vigueur d’une réforme devait faire l’objet d’une discussion politique. Elle n’a pas eu lieu», affirme Pierre-Yves Dermagne qui reconnaît toutefois que le projet est conforme à l’accord du conclave d’octobre 2021. «Plus généralement, ce projet de réforme pose question quant à la prolongation ou de l’arrêt des mesures de crises, déployées… Qu’est-ce que l’on prolonge? Qu’est-ce que l’on arrête? Vincent Van Peteghem n’en dit rien. Cette discussion politique n’a donc pas encore eu lieu et nous ne sommes certainement pas d’accord pour dire que l’on arrête brutalement l’ensemble.»
Sur Twitter, le président du Mouvement Réformateur, Georges-Louis Bouchez, annonce qu’il préférerait «un retour à la normale des prix avant d’agir» : «Le MR n’est jamais demandeur d’augmenter la fiscalité. Il faut surtout compenser la baisse de la TVA sur l’énergie par une augmentation du taux d’emploi et en supprimant les pièges à l’emploi».
Le @MR_officiel n’est jamais demandeur d’augmenter la fiscalité. Il faut surtout compenser la baisse de la TVA sur l’énergie par une augmentation du taux d’emploi et en supprimant les pièges à l’emploi. Attendre aussi le retour à la normale des prix avant d’agir. #PresidenceMR
— Georges-L BOUCHEZ (@GLBouchez) January 25, 2023
Du côté du vice-premier ministre MR David Clarinval, on estime qu’il faut être «très prudent avec le levier fiscal dans un tel environnement» et «qu’augmenter les taxes sans réformer le travail n’est pas une bonne mécanique».
Enfin, du côté d’Écolo, on semble aussi dubitatifs. «Nous allons analyser cette proposition», nous explique-t-on dans l’entourage du vice-premier ministre Georges Gilkinet, où l’on «qu’il faut aussi avancer vers la pérennisation et l’élargissement du tarif social de l’énergie.»
La Vivaldi parviendra-t-elle à accorder ses violons dans ce délicat dossier? Réponse lors du prochain contrôle budgétaire pour lequel le menu, composé aussi de la réforme des pensions mais aussi d’une possible réforme fiscale, s’annonce déjà bien copieux.
Déficit budgétaire : la Belgique, cancre de la zone euro
Cette proposition du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v) arrive au lendemain d’une bien mauvaise nouvelle communiquée par Eurostat.
La Belgique a enregistré, au troisième trimestre 2022, un déficit budgétaire de 5,1 % de son produit intérieur brut (PIB). C’était le plus important déficit enregistré à cette période par les pays de la zone euro. La moyenne de la zone était de 3,3 % du PIB.
Globalement, les déficits budgétaires dans l’eurozone étaient plus importants au 3e qu’au 2e trimestre, notamment parce que les pays ont financé des mesures pour atténuer l’impact de la hausse des prix sur les ménages.
Certains pays ont cependant réussi à sortir leur épingle du jeu et à dégager un excédent budgétaire, notamment les Pays-Bas (+0,4 %), l’Irlande (+3,1 %) et le Portugal (+1,3 %).