ANALYSE - La sortie manquée du nucléaire en Belgique apparait comme le résultat d’un fiasco global
Lorsque Luc Barbé, chef de cabinet d’Olivier Deleuze (Ecolo), suggère à son secrétaire d’État d’inscrire au début de l’année 2001 le projet de sortie du nucléaire au prochain conseil des ministres, la réaction du principal intéressé est, pour le moins, pessimiste...
Publié le 17-01-2023 à 04h00
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«Nous n’obtiendrons jamais cela, jamais. Tu es fou, Luc», relate Barbé dans un essai publié quatre ans plus tard (Kernenergie in de Wetstraat, Dissectie van de deals).
Pourtant, deux ans plus tard, et malgré la réticence affichée par certains membres de la majorité fédérale, le scénario de sortie progressive est consigné dans un texte de loi : d’ici 2025, la Belgique sera débarrassée du nucléaire comme source de production d’électricité. Tout un challenge…
Le caillou nucléaire dans la chaussure fédérale
Quelques semaines plus tard et l’effervescence de l’accord historique conclu ainsi passée, de nombreuses voix s'élèvent pour remettre en cause le plan.
D’un autre côté, 2025, lorsque l’on est en 2003, ce n’est pas pour tout de suite : pourquoi prendre une décision dans un sens ou dans l’autre, finalement? Autant laisser ça aux suivants…
Sauf que les suivants, justement, encouragés par, d’une part, les nombreux rapports produits de tous côtés et, d’autre part, le renvoi des écologistes dans l’opposition, ne pendront jamais le risque d’assumer ce fameux choix.
Pas plus que d’assumer celui qui aurait consisté à remettre en cause cette volonté même de sortir du nucléaire. «Officiellement, on disait qu’on confirmait la sortie, mais qu’on commandait une analyse sur la sécurité d’approvisionnement. C’était une façon de prolonger sans devoir le dire», souffle ainsi l’un des 9 ministres fédéraux ayant hérité du portefeuille de l’Énergie depuis 1999…
Un non-dit qui a pris les citoyens en otages
Engie, l’exploitant principal et historique de nos centrales, n’en demandait pas tant. Tandis que le politique n’a jamais daigné assumer l’héritage arc-en-ciel de cette sortie du nucléaire, le privé, lui, développait son assise dans le secteur et se rendait réellement incontournable malgré une législation qui ne lui semblait pas favorable.
Au final, la sortie du nucléaire en Belgique apparait ainsi comme le résultat d’un fiasco global : un échec politique autant qu’une spoliation économique. Avec, dans tous les cas de figure, une constance : c’est le citoyen-consommateur qui a trinqué.
Et qui va continuer de trinquer : car après lui avoir envoyé le même message «anti-nucléaire» durant 19 ans, le gouvernement rampe aujourd’hui devant le bon vouloir d’Engie en réclamant le scénario inverse. L’énergéticien, n’a bien évidemment pas laissé passer une telle opportunité. Il va se plier aux prières étatiques, mais ce revirement coûtera cher à l’État. Et donc aux citoyens.