«Taxer les riches en Belgique rapporterait 20 milliards»: Oxfam plaide pour un impôt sur la fortune
Ce lundi, le Forum économique mondial ouvre sa session 2023 à Davos. De son côté, Oxfam Belgique ouvre son dossier sur cette minuscule frange de la population qui concentre toujours plus de richesses. Où l’on reparle de l’impôt sur la fortune (ISF).
Publié le 16-01-2023 à 01h01 - Mis à jour le 16-01-2023 à 06h35
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Au moment où les participants au Forum économique mondial de Davos prennent possession de leur chambre d’hôtel, Oxfam publie son rapport sur l’évolution de la richesse et de la pauvreté dans le monde. Avec en exergue le chiffre le plus parlant de tous: 1% des plus fortunés disposent de 63% des nouvelles richesses créées entre 2019 et 2021. Soit 26 000 milliards de dollars sur les 42 000 milliards de dollars de richesses accumulées en deux ans. La tendance "les riches plus riches, les pauvres plus pauvres" s’incruste.

En Belgique, " les 1% des plus riches ont accaparé près d’un quart de toutes les richesses du pays ", lit-on dans le rapport d’Oxfam Belgique. L’organisation appelle le gouvernement belge à " instaurer un impôt unique de solidarité sur la fortune ", entre autres.
Julien Desiderio (chargé de plaidoyer en justice fiscale pour Oxfam Belgique), vous annoncez dans votre rapport qu’on assiste à la plus grande augmentation des inégalités depuis la Seconde Guerre mondiale. Vous pensez que ça va les émouvoir, à Davos ?
On veut conscientiser le grand public. Mais quelque part, c’est aussi aux acteurs économiques et aux décideurs politiques présents à Davos qu’on s’adresse. C’est la première fois que la richesse et la pauvreté augmentent simultanément. Et il y a des leviers pour atténuer les inégalités.
Ces leviers sont fiscaux, selon vous.
Oui. Quand la richesse augmente à ce point dans le top de la distribution, c’est que le mécanisme de redistribution est grippé. Les richesses issues du capital et des revenus qui en découlent sont structurellement moins taxées que les revenus du travail. Le 1% des plus riches paie donc moins d’impôts que la majorité de la population. Or quand l’État est appelé à la rescousse pour limiter la casse au fil des crises, il le fait avec les impôts et les cotisations de la majorité de la population. Celle-ci finance bien plus la solidarité que les super riches. Ce n’est pas équitable. Que chacun paie sa juste part d’impôts.
Mais cette richesse crée aussi une part de croissance et génère des emplois. C’est une bonne idée de sanctionner ceux qui… réussissent ?
D’abord, payer des impôts, ce n’est jamais une sanction. On forme une société. Il y a un contrat entre les individus. Ensuite, des décennies de réduction d’impôts sur les plus riches et les entreprises n’ont pas spécialement permis de créer beaucoup plus d’emplois. La théorie du ruissellement est de plus en plus remise en question. Même des milliardaires comme Bill Gates et Warren Buffet appellent à taxer davantage les plus riches. Le FMI considère que l’aggravation des inégalités nuit à l’économie.
La Belgique a déjà instauré une taxation sur les comptes titres. Il y a les droits de succession, etc. Ça ne suffit pas ? Il faut un impôt sur la fortune (ISF) ?
Il y a le précompte immobilier, les droits de succession, oui. Mais c’est plutôt assumé par la classe moyenne. Ces impôts ne touchent pas spécifiquement les 1% des Belges les plus riches. La taxe sur les comptes titres ne les touche pas non plus directement. Un ISF en Belgique permettrait de collecter 20 milliards de recettes fiscales. Et 20 milliards, c’est le poids du lockdown de 2020. On pourrait couvrir le poids financier du confinement lié au Covid avec ça. C’est mieux que de mettre les finances publiques à la diète. On a besoin d’investissements publics pour isoler les bâtiments, pour participer à la transition climatique…
On ne tape pas trop haut avec une estimation à 20 milliards ?
Non. C’est un calcul prudent, qui tient compte d’un haut taux d’évasion fiscale. L’économiste Paul De Grauwe (London School of Economics, KUL), ex-élu Open VLD, a fait la même proposition. Politiquement, le consensus est de plus en plus large. On ne fera pas l’économie d’un débat sur l’ISF.
Si l’ISF fait partie des solutions, la France s’en est quand même débarrassée. Notamment parce qu’elle poussait les riches à l’exil.
C’est vrai, ça suscite une forme de fuite des plus riches. Mais pas forcément de leur activité. Et les Belges fortunés n’ont pas attendu un ISF pour s’en aller. Ils ont déjà quitté la Belgique alors que le capital n’y est que peu taxé.
Encore faut-il que le revenu de ces impôts soit consacré à réduire les inégalités…
Tout passe par la redistribution. Réduire les inégalités, c’est rendre l’enseignement, les transports publics, les soins de santé, la facture d’énergie accessibles et payables.
Et aussi refinancer une justice qui n’a pas les moyens de traiter correctement tous les dossiers de criminalité financière.