La députée Marie-Christine Marghem (MR) l'affirme: "La sortie du nucléaire est impossible et dangereuse"
De 2014 à 2020, Marie-Christine Marghem a occupé le poste de ministre fédérale de l’Énergie. Députée MR, elle milite aujourd’hui pour l’abrogation de la loi de sortie du nucléaire et le prolongement de cinq des sept réacteurs que compte le parc nucléaire belge. Et elle l’affirme: la Belgique ne peut se passer du nucléaire dans son mix énergétique.
Publié le 16-01-2023 à 04h00 - Mis à jour le 16-01-2023 à 13h59
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Marie-Chrisitne Marghem, lorsque vous devenez ministre de l’Énergie en 2014, vous affirmez dans les médias que fermer les centrales est « irréaliste » et « utopique ». Des propos qui ont suscité la polémique et la colère de vos partenaires de majorité…
En devenant ministre de l’Énergie, j’ai analysé tous les rapports commandés par mes prédécesseurs. Avec mes collaborateurs, on a fait le tour de la situation. Et tous les rapports existants, sur lesquels j’ai appuyé ma politique, ont à chaque fois conclu à la nécessité du nucléaire dans le mix énergétique belge. Il faut ajouter que nous étions dans un moment particulier avec des tensions sur le réseau et des risques de délestage. La prolongation de Doel 1 et Doel 2 était une option à envisager et nous devions prendre une décision avant la fin décembre 2014.
Vous étiez donc dans un gouvernement qui soutenait la sortie du nucléaire en 2025 et vous estimiez que cette sortie était impossible à réaliser…
Oui, à mon sens, cette sortie était impossible sur le long terme et dangereuse sur les court et moyen termes. Je me retrouvais du coup dans une situation très particulière.
Et pourtant, vous êtes par la suite revenue sur vos propos, car à des moments clés de la législature, vous avez confirmé cette sortie pour 2025. Ce que vos adversaires rappellent souvent…
Mais ils oublient complètement l’accord du gouvernement. Certains partis en étaient des gardiens farouches et très déterminés. Surtout l’Open Vld et le CD&V… J’ai donc dû chanter la liturgie de l’accord de gouvernement.
Avec la guerre en Ukraine, l’opinion de ces partis sur la prolongation du nucléaire a fondamentalement changé…
À mon sens, ce n’est pas la Russie, ni la maintenance du parc nucléaire français qui a tout changé. À l’automne 2021, il n’y avait, selon les rapports d’Elia, aucun problème à venir. En fait, nous allions déjà droit à la catastrophe. La Confédération nationale des cadres (NCK-CNC) avait analysé la situation et les premières enchères du CRM. Et ils estimaient qu’il manquerait 4 gigawatts, que l’on misait trop sur les importations. Mais plus il y a d’importations, plus il y a de l’argent qui entre dans les caisses d’Elia via les interconnexions. Tous les ministres de l’Énergie doivent faire attention à ce détail.
En 2015, vous prolongerez l’exploitation de Doel 1 et Doel 2 de dix ans…
La première raison, c’est la sécurité d’approvisionnement. Mais plus largement, j’estimais personnellement qu’on ne pouvait pas se passer du nucléaire. Engie n’était pas très favorable à cette prolongation. Mais ils ont rapidement vu que j’étais déterminée.
En même temps, vous supprimez le caractère forfaitaire de la contribution de répartition (« Taxe nucléaire »). Pourquoi ?
Cette contribution de répartition était initialement liée à des prix de l’énergie qui étaient bas. Melchior Wathelet avait estimé qu’il pouvait se permettre d’augmenter celle-ci de manière arbitraire (NDLR: de 250 à 600 millions) car les prix allaient être élevés et que les bénéfices des exploitants allaient augmenter. Cela allait engendrer des recours et des risques pour l’État. Nous avons transformé cette taxe pour la fonder sur un mécanisme lié à l’évolution des coûts, au volume de production et au prix de l’électricité. Cela nous a pris quand même pas mal de temps, parce que ça demande une ingénierie au niveau des calculs et un pesage des intérêts de chacune des parties.
Comment analysez-vous le fiasco de la loi de sortie du nucléaire ?
À l’époque de sa loi, Olivier Deleuze estimait qu’il fallait, pour sortir du nucléaire, disposer de suffisamment de sources alternatives et que nous devions garder un système permettant de couvrir les pics et d’assurer une indépendance énergétique. Louis Michel a raison quand il dit qu’on était davantage dans une attitude consensuelle et fondée sur un certain pragmatisme. Aujourd’hui, les partisans d’une sortie du nucléaire sont dans des attitudes dogmatiques pures et dures.
Ne peut-on pas vous retourner ce qualificatif en affirmant que vous êtes une pro-nucléaire dogmatique ?
Cela ne tient pas la route. Moi, ce que je veux, c’est que mon pays dispose de suffisamment d’énergie. Je n’ai fait le jeu de personne et j’ai mis tous les lobbys à distance. Mais en faisant le tour des moyens de production et en étudiant chaque rapport, j’ai acquis cette conviction que le nucléaire était indispensable.
Négociations: "Le côté belgo-belge d’Electrabel avait du bon"
À plusieurs reprises, Marie-Christine Marghem a dû négocier avec Engie. Certains lui ont même reproché d’avoir fait des cadeaux à l’électricien, d’autres d’avoir travaillé avec un ancien collaborateur du groupe. Des critiques que balaie Marie-Christine Marghem, laquelle estime qu’il s’agit «d’attaques politiques».
«C’est difficile de négocier avec Engie, concède l’ex-ministre de l’Énergie. Mais on n’est pas obligé d’accepter le job. Une fois qu’on l’accepte, on doit l’assumer. À l’époque, il y avait encore un côté belgo-belge dans Engie, dirigée par Philippe Van Troeye, qui était bon pour notre pays. Si l’entreprise était liée à une multinationale dont le siège était à Paris, Engie assumait sa responsabilité sociétale. Au départ, ils ne voulaient pas prolonger Doel 1 et Doel2. Quand je leur ai démontré la nécessité pour garantir la sécurité d’approvisionnement, ils ont accepté de discuter.»