”Un haut fonctionnaire de police s’est parjuré à la barre”, au procès des attentats de Bruxelles (vidéo)
Ce jeudi 5 janvier 2023, au procès des attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, Me Jonathan De Taye, l’avocat de l’un des accusés, a fustigé l’attitude du commissaire général de la police fédérale et du ministre de la Justice.
Publié le 05-01-2023 à 14h07 - Mis à jour le 05-01-2023 à 14h24
”On a eu une lecture des traductions” des analyses de risques fournies par la police aux avocats de la défense, “mais on a surtout un haut fonctionnaire de police (Ndlr : le commissaire général de la police fédérale) qui est venu se parjurer à la barre puisqu’on n’a pas les décisions pour mardi”, a indiqué jeudi Me Jonathan De Taye, conseil d’Ali El Haddad Asufi. “La blague belge continue sans discontinuer dans le sens où la procédure est en français depuis 2016 et on nous produit des documents en néerlandais aujourd’hui. C’est n’importe quoi, c’est de l’amateurisme absolu.”
Les interprètes se sont succédé jeudi matin pour traduire du néerlandais vers la langue de la procédure, le français, les analyses de risques fournies par la police aux avocats de la défense. Une analyse a été réalisée pour chaque accusé détenu, mais pour au moins cinq d’entre eux – les deux derniers devant être lus dans l’après-midi -, la police conclut son rapport par la nécessité d’effectuer des fouilles à nu, les autres mesures existantes ne permettant pas de repérer correctement les éventuels objets cachés dans des cavités corporelles.
Si les fouilles à nu des accusés détenus sont nécessaires selon la police fédérale, “ces rapports constituent un tissu de contre-vérités”, a nuancé Me De Taye. “Prendre l’agression de mon client comme justificatif de la fouille ? J’en suis à cinq rappels au parquet de première instance qui ne bouge pas alors que le dossier est simple. C’est dramatique.”
Le 8 décembre dernier, Ali El Haddad Asufi avait déclaré avoir été étranglé puis jeté au sol par les policiers lors de son transfert de la prison au Justitia. Un médecin légiste avait été requis à la cour d'assises pour constater ses blessures et en faire un rapport oral. Le justificatif de la police fait, lui, état de ce que El Haddad Asufi a simulé une asphyxie et s'est jeté de lui-même au sol. Me De Taye a rappelé qu'il avait déposé plainte au parquet de Bruxelles pour ce fait.
”Un film hollywoodien”, ce procès des attentats de Bruxelles : des avocats commis d’office pour représenter des accusés détenusJeudi, en matinée, Me Jonathan De Taye n'avait plus de mandat pour représenter Ali El Haddad Asufi, mais il a été commis d’office à la défense de ce dernier. “J’étais face à un cas de cas de conscience”, a réagi l’avocat en début d’après-midi. “En étant présent, en votre qualité d’avocat, vous mettez votre cachet d’État de droit sur la procédure alors que tout ne va pas bien. Des accusés ne comparaissent pas parce qu’il y a un dispositif policier contraire à la cour européenne des droits de l’homme et qui ne respecte pas une décision de justice toute récente. Donc, si je suis là, j’ai l’impression d’être complice du ministre de la Justice et si je ne suis pas là, le procès est totalement paralysé. Parce que les avocats qui sont là depuis des années dans un procès titanesque sont irremplaçables.”
La problématique des conditions de transfert n’est pas résolue pour autant et aura un impact sur le bon déroulement du procès. Depuis le début des débats, les accusés détenus dénoncent être soumis, durant leur transfert de la prison au palais de justice, à des fouilles à nu durant lesquelles ils doivent faire des génuflexions pour exposer leurs parties intimes à la vérification des policiers. Le 29 décembre dernier, le juge des référés a estimé que ces fouilles, si elles sont systématiques et non motivées par une menace spécifique (risque de cacher une arme, risque d’évasion, etc.), sont dégradantes et donc interdites.
”Le risque d’évasion d’Abdeslam très clair” : le rapport de police justifiant la fouille anale est sans équivoque (vidéo)Jeudi, les avocats ont affirmé que la police fédérale n’a pourtant pas produit la notification des fouilles à nu effectuées sur leurs clients mardi, le 3 janvier. Or, la police est désormais contrainte de motiver chaque décision de fouille à nu et de la notifier à l’accusé détenu concerné. Pour les 4 et 5 janvier, les notifications de ces fouilles ont bien été envoyées aux avocats, jeudi à l’aube, mais celles-ci sont en néerlandais. Or, le procès se déroule en langue française. Ces pièces sont donc actuellement traduites par un interprète à l’audience.
”On est contraint de rester au procès pour les parties civiles et la Justice, on ne peut pas partir”, a encore indiqué Me Jonathan De Taye. “Si on écoute sa conscience et qu’on part, le procès est paralysé. On ne va pas pointer les avocats de la défense alors que le seul responsable c’est le ministre de la Justice, même si je dois vous avouer que j’ai envie de partir en permanence.”