Des sprays buccaux permettent-ils de fausser les tests cannabis de la police ? Le verdict de l’expert
Sur internet, des sprays sont vendus à destination des consommateurs de cannabis et d’autres drogues. Ils permettraient aux conducteurs qui roulent sous influence de rester négatif aux tests salivaires. Le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, estime que la procédure permet de neutraliser cet effet. Et Alfred Bernard, professeur de toxicologie à l’UCLouvain, nous donne son avis sur ces produits
Publié le 05-12-2022 à 20h30
:focal(545x371.5:555x361.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/MXJGVM3ZWJBWNL62O24XNYDBFM.jpg)
En Belgique, la conduite sous influence de drogue fait l’objet d’une tolérance zéro. À l’approche des fêtes, les contrôles s’intensifient d’ailleurs sur le bord des routes.
Et quand un policier remarque que le conducteur présente plusieurs signes extérieurs de consommation récente de drogue, il peut le soumettre à un test salivaire.
Un test qui, selon certains internautes, peut être contourné grâce à l’utilisation d’un spray buccal.
Sur internet, on trouve d’ailleurs des sprays contenant une solution alcoolique qui éliminerait, selon les allégations des vendeurs, toute trace des substances illicites dans la salive.
Des flacons vendus pour une vingtaine d’euros, disponibles tant sur les sites dédiés à la consommation et à la culture de cannabis que chez les géants du commerce en ligne.
Des sprays efficaces ? Le verdict de l’expert
Faut-il croire pour autant ces allégations ? Pour Alfred Bernard, professeur émérite de toxicologie à l’UCLouvain, ces sprays ne servent… à rien. "Éliminer une substance comme le THC de la salive ne peut s’effectuer avec une solution alcoolique", estime Alfred Bernard. "Ces produits ont pour effet de" laver "la bouche et la salive. Mais l’effet n’est que transitoire. Comme il y a une production permanente de salive, il disparaît rapidement. Et si vous utilisez un célèbre bain de bouche vendu en supermarché, vous obtiendrez exactement le même résultat…"
Le ministre rappelle la procédure
Au cabinet du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), on n’ignore pas l’existence de ces sprays. À la Chambre mercredi dernier, il a livré son analyse après avoir été interrogé par le député Wouter Raskin (N-VA).
"La police et l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie ont connaissance de ce problème, a expliqué Vincent Van Quickenborne. Au cours des 5 minutes qui précèdent le test salivaire, la personne contrôlée ne peut ni manger ou boire, ni fumer, ni mettre des objets en bouche. L’effet éventuel de tels sprays peut ainsi être neutralisé. Il ne semble donc pas d’emblée nécessaire de procéder à un test sanguin. Par ailleurs, selon la réglementation en vigueur, une prise de sang d’office n’est pas systématiquement possible."
Vincent Van Quickenborne cite aussi une étude qui démontre que des concentrations supérieures aux limites de dépistage peuvent être retrouvées même après l’utilisation d’un spray.
Selon ces analyses, ce produit permettrait donc de réduire la concentration, mais pas d’éliminer totalement la contamination orale.
Et selon le ministre pour d’autres drogues que le cannabis, telles que la cocaïne, les amphétamines et les opiacés, le spray aura un impact encore plus faible.
Rappelons que la conduite sous influence de drogue peut multiplier par 30 le risque d’accident grave et que les contrevenants s’exposent à une déchéance du droit de conduire et une amende allant de 1 600 € à 16 000 €.