Nitrates et pesticides: une eau wallonne sous pression
Les masses d’eau souterraines wallonnes sont toujours sous la pression des intrants agricoles. Avec les contrats de captage qui associent les agriculteurs, la SPGE entend la faire baisser.
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- Publié le 08-06-2022 à 07h29
- Mis à jour le 08-06-2022 à 08h32
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Le diagnostic n’est pas neuf, mais l’état du malade ne s’améliore guère: une part importante des masses d’eau souterraines wallonnes (13 sur 34) n’est pas en bon état chimique. En cause? Des macropolluants liés à l’industrie mais, beaucoup plus largement, une pression importante des nitrates et pesticides qui percolent jusqu’aux nappes phréatiques. Or, en Wallonie, 80% de l’eau potable est puisée dans ces nappes.
Acteur principal au chevet du malade, la Société publique de gestion de l’eau (SPGE) a présenté officiellement ce mardi ses "contrats de captage". Ils sont en cours depuis 2020, mais leur présentation a été reportée à cause de la pandémie. L’objectif de ces contrats de captage est de développer " une démarche participative qui vise à préserver voire améliorer la qualité d’un captage en fédérant les acteurs autour d’un plan d’actions concerté tenant compte des spécificités du territoire concerné ", indique la SPGE. Une prescription sur mesure en quelque sorte.
Ainsi, par exemple, sur le territoire de Gouvy en province de Luxembourg, c’est l’épandage de fumier qui fait l’objet d’une attention particulière. Une mesure précise de la quantité de matière organique ainsi que celle de sa teneur en azote à chaque épandage (ce qui est une obligation aux Pays-Bas par exemple) permet d’éviter un excès d’intrants sur les cultures et les prairies. Excès qui se retrouve alors dans les eaux de captage. Or, à Gouvy, celui-ci s’effectue essentiellement dans des drains installés à faible profondeur et où les mesures de concentration de nitrate ont été classées " très à risque " par la SPGE.
" La plupart du temps, c’est de bonne foi que les agriculteurs épandent trop de fumier ", indique un conseiller de l’ASBL PROTECT’eau, à qui la SPGE délègue l’accompagnement des agriculteurs partenaires des contrats de captage. Sans moyen de pesée, c’est sur base du volume qu’ils estiment la masse. Or, celle-ci, comme la teneur en azote, est très variable selon les matières. " On se retrouve donc parfois avec des épandages de 40 tonnes alors que l’agriculteur pensait n’en mettre que 20… "
Autre exemple à Erquelinnes où une pression d’origine agricole et domestique a été identifiée sur le captage de Bringuette, stratégique pour l’approvisionnement en eau des riverains. Là, 17 agriculteurs se sont engagés dans des techniques d’agriculture de conservation. Des essais de désherbeur thermique ont également eu lieu pour réduire la quantité de produits chimiques.
Le PGDA (Programme de gestion durable de l’azote en agriculture), tout comme le plan wallon de réduction des pesticides, ayant montré ses limites, c’est donc avec ce type de plans de captage, plus ciblés, que la SPGE espère améliorer les eaux souterraines wallonnes. " L’impact du secteur agricole constitue le plus souvent la plus grosse pression sur nos captages , indique Éric Van Sevenant, le président du comité de direction de la SPGE. Les agriculteurs seront donc les acteurs de la reconquête de la qualité de l’eau. " Car s’il ne faut pas nier les (importants) efforts déjà réalisés par les agriculteurs, conscients que l’eau est aussi leur première ressource, la plupart sont prêts à en faire plus encore. Preuve en est la signature déjà effective de 47 contrats sur 88 zones définies et déjà 525 agriculteurs engagés.
Il y a urgence. La directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne exigeait que les masses d’eau de surface et souterraines conservent ou atteignent un bon état ou un bon potentiel pour fin 2015, avec report possible à 2021 puis 2027. Or, alors que le 3eest en cours d’élaboration, les deux premiers Plans de gestion des districts hydrographiques (PGDH) de la Wallonie n’ont pas atteint les objectifs fixés. Cinq ans pour y parvenir alors que, dans certaines régions, les intrants mettent 30 années pour percoler jusqu’aux masses d’eau souterraines, le défi n’est pas mince…
