Bébés sourds: pour des crèches inclusives
L’association Apedaf veut sensibiliser les crèches et les milieux d’accueil à l’inclusion des bébés sourds et malentendants. Aujourd’hui, très peu de structures sont inclusives.
Publié le 21-05-2022 à 06h00
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La surdité est un handicap invisible, que l’on a tendance à oublier. Et pourtant, il est bien réel et diagnostiqué de plus en plus tôt. Sur 100000naissances par an en Belgique, 200 à 300 nouveau-nés présentent une diminution d’audition à deux jours de vie, lors du dépistage néonatal. À 6 mois, lors d’un nouveau test, 120nouveau-nés ont une déficience supérieure à 40 décibels (surdité moyenne) et 67 une surdité sévère bilatérale.
Pour les parents, passé souvent le choc de la nouvelle, la décision de mettre leur enfant en crèche est parfois difficile.
"Beaucoup ont peur que leur enfant ne soit pas pris en charge correctement , explique Zeliha Akman, responsable du service social de l’Apedaf (Associations des parents d’enfants déficients auditifs francophones) qui existe depuis presque 44 ans. D’un autre côté, les milieux d’accueil de la petite enfance disent ne pas être suffisamment compétents… Il arrive d’ailleurs que certaines structures refusent les enfants sourds."
L’inclusion au plus tôt
L’association a décidé de sensibiliser les professionnels à l’inclusion des bébés sourds et malentendants en collectivité. "Car l’inclusion commence dès le plus jeune âge et est d’autant plus importante pour les bébés déficients auditifs qui intégreront l’école maternelle en enseignement ordinaire plus tard , explique l’Apedaf qui note d’ailleurs que les nouveaux décrets enseignement tendent vers plus d’inclusion. Or souvent aujourd’hui, quand ils arrivent en maternelles, ces enfants ne sont pas passés par la case crèche.On sait pourtant combien c’est bénéfique pour la socialisation."
Selon l’association, l’accueil des bébés sourds et malentendants demande des "aménagements raisonnables" .
L’Apedaf a ainsi créé une mallette d’outils et de ressources à destination des professionnels. Gratuite et disponible pour tous les milieux d’accueil de Bruxelles et Wallonie, elle veut servir de guide et de relais vers les associations spécialisées.
Pour accueillir au mieux ces enfants, il faudrait au moins qu’une puéricultrice soit formée à la langue des signes, estime Zeliha Akman. "La communication gestuelle est innée et même pour les enfants entendants, elle facilite la communication et stimule les apprentissages."
Au rayon conseils: toujours se mettre en face de l’enfant malentendant, utiliser des jeux inclusifs avec des vibrations, de la lumière, du toucher, éviter ce qui résonne, privilégier les petits groupes, avoir une pièce éclairée pour permettre la lecture labiale... "L’enfant sera alors attiré par le mouvement des lèvres et fera petit à petit l’association entre l’information reçue et le mouvement" , dit la responsable du service social de l’Apedaf.
Pour Zeliha Akman, il faut enfin donner des moyens financiers aux crèches pour garantir cette inclusion.
Des structures marginales
Sur le terrain, les crèches inclusives sont très peu nombreuses, tout comme les puéricultrices spécialisées.
La crèche Piconette, qui fait partie de la Sonefa (ASBL qui gère les milieux d’accueil de Namur), est une crèche inclusive. Sur 21 places, elle accueille actuellement un bébé déficient de parents sourds. Et dans la section des "grands", deux enfants sourds (parents sourds et parents entendants) ainsi que deux enfants entendants de parents sourds.
"Ça fait dix ans que le projet surdité existe à la crèche, explique la référente du projet, Julie Dombret, qui a une formation complète en langue des signes (5 ans). Mais c’est marginal et on n’en parle pas assez."
Langue des signes
Pour Julie Dombret, l’accueil d’enfants sourds ne s’improvise pas. "Chez nous, les six puéricultrices ont un certain bagage en langue des signes et sont toujours formées une heure par semaine pour pouvoir offrir un bain de langue des signes optimal à l’enfant. Avant trois ans, c’est un moment clé pour la communication! Une logopède vient également à la crèche."
Selon Julie Dombret, il est important que tous les acteurs de la petite enfance soient conscientisés. "Mais il faut surtout que les deux communautés se côtoient au sein du milieu d’accueil. Si on intègre un enfant sourd dans une crèche ordinaire – où il n’y a pas d’autres enfants sourds/signants, ou pas de personnel sourd/signant – il risque de se sentir isolé. Au niveau identité, psychologique, cela peut faire des dégâts."
Julie Dombret fait le vœu que des structures inclusives se développent davantage.
Pour plus d’informations sur la mallette: www.apedaf.be