Festivals: un modèle à réinventer
Ce vendredi, le Festival International du Film de Mons sera le premier événement du genre à revivre sans contraintes sanitaires. Une nouvelle donne dont le secteur, qui a beaucoup souffert, se réjouit prudemment.
Publié le 11-03-2022 à 08h00
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Pas de masques, le CST au feu et le Codeco au milieu: ce vendredi sera, quelque part, jour de fête pour les organisateurs de festivals consacrés au cinéma. Le Festival International du Film de Mons (11/3 au 19/3) sera, en effet, le premier à profiter de la levée des dernières mesures sanitaires, décidée lors du dernier Comité de concertation et le passage du baromètre en code jaune.
Un soulagement pour un secteur qui est allé, depuis deux ans, de reports en annulations, sans certitudes pour son avenir, et dont les acteurs ont trouvé des parades plus ou moins efficaces pour passer le cap sanitaire. En ce sens, le festival montois est sans doute le moins malheureux puisqu’il fut aussi… le dernier à se tenir normalement, juste avant le premier confinement.
Le monde «online», une drôle de bouée
"C'est vrai, reconnaît Maxime Dieu, son directeur depuis 2018, que par rapport à d'autres, qui ont été empêchés de travailler pendant parfois deux ans, on n'est pas à plaindre. Alors, on préfère voir le verre à moitié plein: non, nous n'avons pas pu organiser le festival comme nous l'aurions souhaité en 2021 (NDLR: le festival avait été déplacé… en juillet), mais nous avons quand même pu l'organiser."
La pire perte est de ne pas faire de festival: sauter une année, c’est catastrophique, car ça fragilise l’édition suivante
Avec, fatalement, un impact sur le budget, en dépit des aides publiques, bienvenues mais forcément insuffisantes, puisqu'elles ne compensaient pas les pertes en billetterie dues aux jauges à respecter, ni la défection de certains partenaires: "La pire perte, estime toutefois Maxime Dieu, est de ne pas faire de festival. ''Sauter'' une année, c'est catastrophique, car ça fragilise l'édition suivante, qui devient ce qu'on appelle une ''année d'économie'', où il faut faire attention au moindre centime dépensé. "
Le Festival du Film Fantastique de Bruxelles, le réputé BIFFF, en sait quelque chose: après avoir annulé son édition précédente, il n'a, en 2021, eu lieu qu'en ligne, soit "l'antithèse de ce que doit être notre festival ", soupire Jonathan Lenaerts, son attaché de presse et homme à tout (bien) faire. Un pis-aller qui a tout de même attiré 46 000 vues " à une époque où les gens bouffaient du Netflix".
Pas si mal, assez pour garder " la tête hors de l'eau", mais néanmoins frustrant. Et inquiétant à l'aube d'un 40e anniversaire qu'il fêtera en fin d'été (29/8 au 10/9), à Brussels Expo, où il déménage, et à des dates inhabituelles pour lui… mais choisies voici quelques mois déjà afin de minimiser les risques: "C'était un coup de poker, avoue Jonathan Lenaerts. On a fait le pari que les mesures sanitaires qui nous empoisonnaient la vie seraient alors levées. Et c'est vrai que depuis le passage au code jaune, on respire un peu mieux parce qu'après ces deux éditions tronquées, c'est la viabilité du festival qui est en jeu. "
Convaincre le public de revenir
Du côté du Festival Anima aussi, on a dû opter, en 2021, pour un mode "online". Une édition qui, paradoxalement, a engendré des bénéfices bien utiles puisqu'ils devraient permettre d'éponger le déficit généré par l'édition 2022, laquelle s'est terminée dimanche dernier – sans profiter, donc, de la levée des mesures sanitaires –: "Ça paraît étrange, sourit Dominique Seutin, directrice d'Anima, mais nous n'avons presque rien dépensé en 2021 puisqu'il n'y avait pas de déplacements ou de locations à payer. Cette année, par contre, le festival a eu lieu en ligne et en présentiel. " Avec les coûts supplémentaires que cela implique: " Pas sûr qu'on puisse encore cumuler l'an prochain: ça dépendre des aides et des partenaires. Il y a là un nouveau modèle économique à trouver. "
Il y a des gens qu’on a perdus
Un public à convaincre, aussi, de revenir, alors qu'il a développé de nouvelles habitudes: "Les chiffres doivent être affinés mais sur cette dernière édition, nous avons enregistré deux tiers de la fréquentation de 2020, avoue Dominique Seutin, La plateforme en ligne compense, mais ça signifie aussi qu'il y a une série de gens qu'on a perdus, comme les grands-parents, qui ont hésité à revenir avec leurs petits-enfants. " "On sent néanmoins, se convainc Jonathan Lenaerts côté BIFFF, que la population a envie de profiter à fond de ce bol d'air."
Quant aux plus récalcitrants, ils seront heureux d'apprendre que toutes les mesures sanitaires n'ont pas déjà été rangées au placard: "La ventilation des salles, qui est le facteur essentiel, est désormais idéale dans toutes nos salles, il y aura toujours du gel hydroalcoolique à disposition et les gens qui préféreront conserver un masque auront, bien entendu, le droit de le faire", insiste Maxime Dieu pour le Festival International du Film de Mons.