Maisons de repos: "L’omerta n’a que trop duré"
Amnesty et la Ligue des droits humains réclament des visites inopinées et des contrôles indépendants dans les maisons de repos. Entre autres mesures.
Publié le 23-02-2022 à 06h00
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Les dernières révélations sur la maltraitance dans les maisons de repos a braqué les projecteurs sur le secteur privé: en l'occurrence Orpea, une grosse boîte française qui gère aussi des résidences en Belgique. "On pointe du doigt les opérateurs privés. Mais les situations dénoncées ne sont pas limitées à une chaîne. C'est très généralisé, aujourd'hui ", avance Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d'Amnesty international.
Avec la Ligue des droits humains, Amnesty veut que les droits des résidents soient protégés et qu'un mécanisme d'inspection soit mis en place dans les homes, "comme dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté".
Dans les Régions, à Bruxelles et en Wallonie, "la dynamique est positive. Mais les mesures ne sont ni suffisantes, ni assez rapides", jugent-ils.
Débarquer sans prévenir
Les rapports se sont accumulés ces derniers mois, sur la gestion de la crise sanitaire dans les homes: Médecins sans Frontières, Amnesty, Unia… Tous concluaient que des résidents avaient été privés de leurs droits fondamentaux pendant la première vague de la pandémie.
Plus récemment, et hors Covid, les contrôles se sont enchaînés dans les résidences gérées par Orpea, la Région wallonne rappelant au passage que toute plainte donne lieu à une visite surprise des inspecteurs de l’Aviq. Dont les rangs ont été renforcés.
Ça ne suffit pas? "Non. L'Aviq doit poursuivre sa mission d'accompagnement en ce qui concerne le respect des normes d'agrément. Mais c'est un organisme totalement indépendant qui doit effectuer les visites à l'improviste, même en l'absence de plainte, soutient Philippe Hensmans. D'ailleurs, il n'y en a pas tant que ça, des plaintes. Les familles et les résidents ne savent pas trop qui appeler. C'est aussi pour ça que, en plus d'un mécanisme qui faciliterait le processus d'alerte, il faut un vrai système de contrôle inopiné."
Ce système d'inspection permettrait aussi à la Belgique de ratifier le protocole des Nations unies "contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ", y compris en maisons de repos, surtout pour la partie "traitements inhumains et dégradants". Philippe Hensmans rappelle ainsi que 40% des résidents sont mis sous contention la nuit. Et les récits sordides se multiplient. Souvent sous couvert d'anonymat. "Beaucoup de gens ont été témoins de situations de maltraitance. Mais on n'en parle pas. Il faut rompre l'omerta. Ça n'a que trop duré."
Faire mieux qu’avant
Pour la Ligue des droits humains et Amnesty, il est évidemment primordial de doter les résidences d'un personnel compétent et d'un cadre suffisant pour instaurer de bonnes conditions de travail. "Mais il faut aussi veiller à bien définir les besoins. Quand on vous sert des repas qui manquent de protéines, ça n'a rien à voir avec une insuffisance de personnel. Ce sont juste des économies de bout de chandelle."
La Ligue et Amnesty insistent aussi sur la prise en compte des résidents (ou de leurs représentants légaux) comme de vrais partenaires de décision. "Vous êtes une personne qui a géré son quotidien toute sa vie. Et du jour au lendemain, vous n'avez plus rien à dire… ", résume Philippe Hensmans.
"En termes de respect des droits humains dans les maisons de repos, il ne s'agit pas de revenir à la situation d'avant le Covid, mais de faire mieux. C'est urgent ", prévient-il.