Alimentation: les producteurs locaux veulent une place dans l'assiette des cuisines collectives
200 000 repas sont préparés chaque jour en cuisine collective. Les producteurs locaux veulent faire partie de l’assiette. Et c’est jouable…
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- Publié le 23-02-2022 à 19h25
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Il doit servir plus de 400 repas chauds par jour. Michel Blondeau doit faire avec un budget de 4,5€ pour composer les repas chauds de la régie provinciale de Charleroi qui dessert six cuisines (internat et écoles).
Avec un budget étriqué, est-ce possible d'intégrer des produits locaux dans l'assiette? Le responsable logistique le reconnaît: " Oui, mais il faut faire un gros effort…"
Ce mercredi, Michel Blondeau participait à une rencontre entre producteurs locaux et responsables de cuisines collectives au cours d’un speed meeting organisé à Ciney. Au quotidien, ce sont environ 200 000 repas chauds qui sont préparés quotidiennement dans les cuisines des hôpitaux, des écoles, des maisons de repos, des crèches de Wallonie. Il y a donc un potentiel à conquérir pour les producteurs locaux.
Mais la tâche est rude, constate François Rouchet qui représente le Coq des prés, une coopérative rassemblant une quarantaine de producteurs de poulets bio. " Certains veulent du local mais avec les mêmes conditions que l'industriel."
Travailler avec des cuisines collectives, c'est aussi répondre aux conditions fastidieuses d'un marché public. Dans ces marchés organisés par des cahiers de charge bien précis, les producteurs locaux doivent répondre à des points d'ordre logistique, du calibrage des aliments, des plannings bien précis… Mais François Rouchet reste optimiste: " Les barrières sont en train de tomber les unes après les autres."
Pas évident d’intégrer le bio
Si on en revient au responsable de la régie provinciale de Charleroi, il souhaiterait disposer d'une enveloppe plus large pour promouvoir les produits locaux dans ses assiettes. Où cela coince, c'est avec le bio. "Pour un filet de poulet à 2€ dans le conventionnel, c'est deux à trois fois plus cher en bio." Michel Blondeau n'en reste pas moins enthousiaste: "Cela fait deux ans qu'on travaille avec des producteurs locaux pour le beurre, les œufs, le yaourt. La perspective suivante, c'est le lait…" Et ça tombe bien car la marque Fairebel était présente au speed meeting organisé par Manger demain, Biowallonie, l'APAQ-W et le Collège des producteurs.
Avec une offre locale qui s'étoffe, les producteurs peuvent aussi faire bouger les lignes dans les cuisines collectives. C'est ce que constate Moïra Luisetto chez Graines de curieux. Elle peut compter sur une trentaine de producteurs pour produire des céréales, du quinoa, des légumineuses, des lentilles… " Pour les producteurs, les prix sont rémunérateurs sur les lentilles. Jusqu'à trois fois le prix de céréales bio", constate-t-elle. Si les producteurs y trouvent leur compte – notamment parce que cela permet aussi une meilleure rotation des cultures – il faut aussi séduire les professionnels. Les lentilles sont-elles en mesure de remplacer le riz ou les pâtes dans les assiettes? "Dès le début de notre activité, en 2014, le quinoa a bien fonctionné. Maintenant, c'est plus la lentille. Pour les collectivités, ça fonctionne bien dans les sauces bolo. On commence aussi à intégrer le petit épeautre en grain cuisiné comme du riz. "
«Le lien entre cuisine et terroir»
L'entreprise JJDelvaux fait partie des acteurs incontournables de la cuisine collective. La petite boucherie namuroise à la ferme, des années 80, commercialise aujourd'hui environ 1 600 tonnes de marchandises chaque année. "On est actif sur toutes les races bovines, le porc, la volaille, la charcuterie, détaille Philippe Otte, administrateur-délégué. Notre expérience dans les collectivités s'est construite sur plusieurs décennies. Être acteur en collectivité demande un savoir-faire. Pour un éleveur/producteur, y accéder n'est pas facile car il n'a pas toujours une bonne vision sur les quantités, sur l'équilibre à trouver. Nous sommes ainsi le lien entre les cuisines de collectivité et le terroir."
Chez Manger demain, on est convaincu du potentiel d'une alimentation locale en cuisine collective. " Il y a un potentiel énorme, se réjouit Marie Legrain. On se rend compte qu'il y a moins de 10% de local dans les assiettes."