Circuit court: "On doit lutter contre le greenwashing des grandes enseignes"
Et si, face à l’inflation, le circuit court représentait le dernier rempart? Et si le secteur ripostait en termes de com’, face aux grandes enseignes?
Publié le 19-02-2022 à 07h00
La coopérative de magasins d’alimentation locale et/ou bio Les Petits Producteurs (lire ci-dessous) vient de remporter le Prix Financité 2021.
En octobre, ils avaient déjà reçu le prix de l'économie sociale. Sur un site d'information qui relayait l'info, le hasard et les algorithmes ont voulu que l'article cohabite avec une publicité pour une grande chaîne de supermarchés, avec ce slogan est "avec vous pour une vie moins chère".
Le modèle économique du circuit court, qui prône un juste prix pour les agriculteurs et pour les consommateurs, a fort à faire sur un marché maîtrisé à 90% par la grande distribution. Mais face à l’inflation galopante et à la fragilité des marchés internationaux, les grandes enseignes ne cochent pas d’office toutes les bonnes cases.
Entretien avec Benoît Dave, codirecteur de la coopérative Paysans Artisans.
Benoît Dave, jusqu’où va la maîtrise des coûts dans le circuit court, face à la hausse des prix qu’on connaît?
Pour le coût du transport, on est beaucoup moins impactés que la grande distribution qui travaille en approvisionnement international. Par ailleurs, pour les factures d’énergie, ça va douiller pour ceux qui travaillent avec des serres chauffées. Nous, on ne propose que du frais et des produits de saison. On sera par contre impacté comme les autres par l’augmentation des salaires.
Les pénuries qui touchent les matières premières ou d’autres biens vous concernent aussi?
Non. On ne s’approvisionne pas sur le marché mondial.
Êtes-vous en mesure de lutter face à la stratégie de prix écrasés pratiquée dans la grande distribution?
On y est confronté. Ce qui pose problème, c’est cette communication de plus en plus agressive qui consiste à marteler ce message: «Le circuit court, c’est nous». Ils n’en font presque pas. Mais ils ont les moyens de semer le trouble, d’embrumer les esprits, alors qu’ils ne répondent pas aux attentes du public en ce qui concerne la traçabilité, la provenance des produits. C’est du greenwashing et du localwashing. Ça va finir par leur retomber sur la tête.
Vos prix peuvent être compétitifs face à un supermarché?
Pour les produits bio, oui, on est compétitif. La grande distribution a monté des filières industrielles sur lesquelles elle prend de grandes marges. Nos marges à nous sont petites, mais on rémunère mieux les producteurs.
Et sur le reste?
Sur les produits transformés, les plats cuisinés, ça coûte plus cher dans le modèle artisanal. Nous, on ne met pas d’additifs, on se bat sur la qualité, la traçabilité et la proximité. Le public commence à comprendre que l’industrie le mène en bateau.
Ils ne font pas du tout la même chose que nous. Et souvent, ça se limite à une vision nationaliste de la proximité: un drapeau belge.
Votre secteur est-il assez armé pour se développer davantage?
C’est un enjeu. Il faut monter en puissance et en professionnalisation. On a créé le Collectif 5C qui fédère une quarantaine de coopératives en Wallonie, à Bruxelles et même en Flandre. On se regroupe, on échange nos bonnes pratiques. Il y a une demande des producteurs de s’agrandir, de se professionnaliser…
C’est l’enjeu principal, la professionnalisation?
Pas seulement. Nous revendiquons notre petite taille, notre travail de proximité. On n’a pas d’ambition gigantesque. L’enjeu, c’est la mutualisation, le maillage, la communication pour lutter contre le greenwashing.
Vous insistez beaucoup sur le point.
Oui. Ils ne font pas du tout la même chose que nous. Et souvent, ça se limite à une vision nationaliste de la proximité: un drapeau belge. Notre vision n’a rien à voir avec ça: elle porte sur une plus grande diversité de production, sur plus d’autonomie des acteurs… Ici, les unités de production, elles appartiennent à ceux qui bossent dedans et aux consommateurs. Et ils ne viennent pas chercher des dividendes… En plus, nous, on peut recréer des métiers. L’industrie n’en propose plus. On ne demande plus de bouchers dans la grande distribution.
La communication ne se fait pas à armes égales…
On y travaille. C’est plus difficile d’expliquer comment les choses se font réellement que de balancer une communication basée sur l’émotionnel.
Rien n’est gagné d’avance. Mais rien n’est perdu non plus.