Congo: la Belgique assume son passé de voleur
Un inventaire de 84 000 objets provenant du Congo et stocké à l’Africa Museum a été remis au premier ministre RDC dans la perspective de restituer des objets d’art volés pendant la période coloniale.
Publié le 18-02-2022 à 06h00
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Sous Léopold II et pendant la période coloniale, des cargaisons d’objets d’art provenant du Congo sont arrivées en Belgique de manière illicite. Ces objets ont fait la richesse de collections privées mais aussi une partie de la vitrine de l’Africa Museum de Tervueren. Déjà sous l’ancien gouvernement fédéral, une dynamique avait été amorcée pour restituer ces objets acquis de manière illicite aux Congolais.
Profitant du sommet Union européenne-Union africaine, le premier ministre Alexander De Croo a reçu son homologue congolais ce jeudi matin à la première heure à Tervueren.
Au terme d’une courte visite, De Croo a remis un disque dur comprenant l’inventaire complet des quelque 84 000 objets ethnographiques et organologiques provenant de RDC qui sont exposés et stockés actuellement à Tervueren.
Cet inventaire servira de travail pour les Congolais qui pourront ainsi identifier des pièces dont ils pourraient demander la restitution. "Il ne faut pas avoir peur de regarder le passé en face, a plaidé De Croo. Il ne faut pas avoir peur de s'exprimer par rapport à un système colonial basé sur l'exploitation."
La Belgique a déjà enclenché le processus législatif pour permettre la restitution de pièces. Le 28 janvier, le Conseil des ministres a approuvé un avant-projet de loi reconnaissant le caractère aliénable des biens liés au passé colonial de l'État belge et déterminant un cadre juridique pour leur restitution. "Ce qu'on fait dans ce musée est une vue ouverte sur notre passé. Cela devrait nous aider à travailler ensemble."
«La réappropriation de notre mémoire nationale»
Côté congolais, on apprécie " le processus volontaire", exprime le premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde. " On a davantage apprécié que la loi a été prise de manière à accélérer le processus." Le chef du gouvernement congolais a aussi informé ses partenaires belges de la mise en œuvre d'un décret qui permettrait aux deux pays de travailler ensemble sur la restitution. "La restitution des biens culturels congolais rentre dans la perspective de la réappropriation de notre mémoire nationale. Elle constitue un enjeu majeur pour le développement de la République Démocratique du Congo et du continent africain longtemps privé d'une partie de son patrimoine, représentatif de ses valeurs intrinsèques."
«On a dépassionné le débat»
L'Africa Museum est partie prenante au projet et ses collaborateurs effectuent un travail titanesque pour identifier les pièces du musée et leurs origines. Côté politique, c'est le secrétaire d'État Thomas Dermine qui gère le dossier. "C'est important d'avoir un cadre holistique. Ici, on a une discussion la restitution d'objets d'art africains. On ne parle pas de pièces en particulier: on a dépassionné le débat. On est arrivé à un point où la question matérielle est secondaire par rapport à l'aspect historique. " Dans un premier temps, le processus concerne essentiellement les pièces de l'Africa Museum. Mais ce vaste projet devrait aussi inciter les musées et les universités à s'interroger sur l'origine de leurs collections africaines. Pour Thomas Dermine, le focus est avant tout placé sur le musée de Tervueren. "On a bordé un temps: c'est la période 1885-1960. On a un espace: le Congo. Et d'un point de vue institutionnel, on ne parle que des collections fédérales."