Hausse record du diesel: réduire les accises, les augmenter ou favoriser les carburants verts?
Alors que le prix du diesel continue d’atteindre des sommets en Belgique, la question des accises divise. Faut-il les réduire sur les carburants fossiles, les augmenter pour accélérer la transition énergétique ou carrément les supprimer sur les carburants verts?
Publié le 07-02-2022 à 19h26
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Face à la flambée des prix des carburants, chaque passage à la pompe est désormais une source d’angoisse pour de nombreux automobilistes belges.
Si le scénario d'un litre de diesel à deux euros semblait peu probable voici quelques mois, on s'en rapproche de plus en plus avec un prix maximum qui atteindra le chiffre fou d'1,85 euros le litre ce mardi. C'est déjà la deuxième fois en une dizaine de jours que le record historique en la matière est battu dans notre pays.
Cette augmentation des prix du carburant à laquelle nous assistons depuis de longs mois s’explique principalement par la reprise économique post-Covid. Le prix du baril de pétrol brut est passé d’une soixantaine de dollars à 92 dollars le baril en un an, ce qui impacte grandement le prix à la pompe.
Selon le porte-parole de la fédération pétrolière belge (Energia), plusieurs facteurs expliquent cette hausse. "L'offre pétrolière ne suit pas la demande et les tensions entre l'Ukraine et la Russie - qui fournit 30% du pétrole à la Belgique - inquiètent les marchés. Par ailleurs, de nombreuses entreprises se tournent vers le pétrole face au boom de la facture de gaz", analyse Jean-Benoît Schrans.
Vers un litre de diesel à 2€? «Difficile de prédire ce qu’il va se passer»
La crainte de nombreux consommateurs belges, c’est de voir le prix du carburant dépasser le seuil symbolique de deux euros le litre, comme cela a déjà été le cas dans plusieurs stations-service de France et d’Italie ces derniers mois. Alors, va-t-on suivre la voie de nos voisins européens ou cette hausse effrénée va-t-elle finir par s’estomper?
"À court terme, il est très difficile de prédire ce qu’il va se passer car cela dépend de marchés incertains. Les prix peuvent augmenter ou baisser en fonction de la météo, de l’offre et de la demande, ainsi que des tensions géopolitiques", explique Francesco Contino, professeur en énergétique à l’UCLouvain.
Même son de cloche du côté d'Energia, la fédération pétrolière belge. "Je n'oserais pas faire de pronostic sur un litre de diesel à deux euros car il y a énormément d'éléments qui entrent en jeu. Si on a une issue favorable aux tensions géopolitiques russo-ukrainiennes, cela pourrait apaiser le marché, mais on est tributaire de cela", précise Jean-Benoît Schrans.
Je n’ai pas de boule de cristal mais en augmentant la production mondiale, on pourrait retrouver un équilibre à moyen terme.
Le signal positif pourrait également venir des pays de l’Opep+, qui se sont accordés la semaine dernière sur une hausse (modeste) de la production de pétrole à partir du mois de mars: 400.000 barils supplémentaires par jour, sur un total de 100 millions. Suffisant? "Je n’ai pas de boule de cristal mais grâce à cette augmentation de la production mondiale, on pourrait retrouver un équilibre à moyen terme, même si cela ne se fera pas du jour au lendemain", ajoute le porte-parole de la fédération pétrolière de Belgique.
Et pourtant, le prix du pétrole brut ne représente qu’un peu moins de 40% du prix affiché à la pompe. Le reste est composé d’accises, de cotisations, de la TVA et des coûts de distribution. Dès lors, la solution semble toute trouvée pour de nombreux consommateurs: réduire les accises sur l’essence et le diesel pour en revenir à un prix "décent" et soulager la population.
Une mauvaise idée pour Francesco Contino, qui milite pour une solution bien moins populaire, mais nécessaire selon lui. "Baisser les accises donnerait un mauvais signal aux consommateurs car cela ne refléterait pas la réalité du marché. Au contraire, je pense qu’il faut procéder à une augmentation contrôlée du prix à la pompe pour permettre aux gens de s’adapter et de réfléchir à leur mobilité. Si on ne le fait pas, on n’aura pas le contrôle sur ce qui se passe dans le futur et on subira les fluctuations du marché. Mais évidemment, il faudra aider les personnes aux revenus modestes."
Supprimer les accises sur les carburants verts, la solution miracle?
Au lieu de procéder à une diminution des accises sur les carburants fossiles, Energia plaide, de son côté, pour une valorisation de carburants verts comme le HVO (huile végétale hydrotraitée). "Il s’agit d’un carburant durable qui peut réduire de 90% les émissions de CO2 d’un véhicule, mais dont le taux d’accises est le même que celui des carburants conventionnels. Nous demandons de supprimer les accises pour ce type de produit afin de fournir une alternative durable et plus abordable aux automobilistes. Pour cela, il faut une volonté politique mais notre demande n’a pas eu beaucoup d'écho…", déplore Jean-Benoît Schrans.
Il faut favoriser les combustibles pauvres en CO2 comme le HVO, mais il y a deux bémols...
Cette suppression des accises permettrait d'éviter une nouvelle mésaventure comme celle vécue par un automobiliste hutois en janvier dernier. Ce dernier s'était trompé de pompe et avait effectué un plein à près de 245 euros en prenant ce carburant plus écolo, mais dont le coût de production est bien plus élevé que celui du diesel classique.
"C’est certain qu’il faut favoriser les combustibles pauvres en CO2 et qui permettront d’obtenir la neutralité carbone à l’horizon 2050 comme le HVO. Cependant, il y a deux bémols. On ne peut pas simplement remplacer l’ancien par le nouveau et il y a une balance budgétaire à assurer: où trouver l’argent pour entretenir les routes, placer des bornes électriques... si on enlève toutes les accises?", s’interroge Francesco Contino.