Covid: comment justifier une obligation vaccinale?
Quel serait le bénéfice d’une obligation vaccinale? D’un point de vue social, et psychologique, celle-ci semble difficile à justifier.
Publié le 03-02-2022 à 06h00
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"La vaccination obligatoire est une mesure lourde de sens. Elle ne sera justifiée qu'à partir du moment où vous aurez assez de garanties que cette vaccination obligatoire apporte l'effet attendu, et qu'on ne se retrouve pas dans 6 mois à devoir reprendre les mesures contraignantes que nous avons connues. Sinon cela risque d'avoir un impact sociétal extrêmement difficile", met en garde Patrick Charlier, co-directeur de Unia.
Hier, les auditions en commission Santé de la Chambre quittaient les sphères médicales pour brosser un cadre plus social et juridique d’une obligation vaccinale. Avec des interventions nuancées, d’où ne se détachait qu’une adhésion très circonspecte à une telle contrainte.
Question de confiance
Tom Goffin (UGent) dressait un tableau complet des enjeux. autour de trois questions fondamentales: pourquoi, pour qui et comment? Les réponses sont complexes, et alimenteront encore bien des débats. Mais, dit-il, "Il existe beaucoup de possibilités de communiquer et d'informer plutôt que d'imposer la vaccination. La question de la confiance est fondamentale, raison pour laquelle il ne faut pas prendre des mesures trop brutales, qui pourraient miner cette confiance."
Sur base d’un "baromètre de la motivation", Vincent Yzerbyt, professeur de psychologie de l’UCLouvain, évalue la perception de la population. Il souligne combien les groupes, s’ils s’opposent, sont très hétérogènes, tant chez les personnes vaccinées que chez ceux qui ne le sont pas. Avec cette particularité qu’avec une ou deux doses de vaccin, le sentiment est assez similaire à celui des non-vaccinés.
Sociologue, Carla Nageels (ULB) soulignera à son tour combien ceux qui s’opposent à la vaccination relèvent souvent des classes populaires ou défavorisées, déconnectées des soins de première ligne que la priorité serait de restaurer. Mais que d’autres appartiennent plutôt à un public féminin, éduqué, aisé, qui s’investit au contraire dans sa santé. Il convient de les distinguer. Les premiers souffrent davantage des mesures discriminatoires qui sont prises.
"Le fait de les considérer comme un bloc est préjudiciable", ajoute Vincent Yzerbyt, préconisant de remettre à l'honneur une approche ciblée, centrée sur les généralistes, exclus du débat jusqu'ici. "Il faut changer son fusil d'épaule. Et revoir la manière dont nous présentons les soins de santé."
Hors d'une situation sanitaire aggravée, de la survenue d'un variant plus dangereux qu'Omicron ou de l'arrivée de vaccins plus pertinents pour de nouveaux variants, "il serait difficile de justifier une obligation vaccinale", dit-il. Pour lui, d'un point de vue psychologique, le "momentum est passé" pour imposer le vaccin. "Mais les autres options sont bien plus dommageables pour la cohésion sociale."