Médiation familiale: vers des séances gratuites?
Augmenter le recours à la médiation pour les conflits familiaux en rendant gratuites un certain nombre de séances: c’est une proposition cdH, qui sera discutée à la Chambre.
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Publié le 28-01-2022 à 06h00
Bien qu’elle soit mise en avant pour ses avantages, la médiation est encore trop peu utilisée dans le cadre des conflits familiaux.
On considère que moins de 10% des litiges se règlent par médiation. Les Belges se tournent encore souvent vers le tribunal et les avocats pour régler, en cas de divorce par exemple, la question des pensions alimentaires, de l’hébergement des enfants, etc.
La médiation familiale est un mode alternatif de résolution des conflits dans lequel un médiateur impartial essaie de dégager, avec les parties, une solution qui convient à chaque membre de la famille.
Afin de favoriser son utilisation, la députée fédérale cdH Vanessa Matz a déposé une proposition de loi à la Chambre. Elle prévoit la possibilité de 5 séances gratuites (d'1 h 30) de médiation familiale, par un médiateur agréé, "pour les personnes ayant des enfants communs et souhaitant régler les questions relatives à l'autorité parentale, l'hébergement des enfants, les obligations alimentaires ou les résidences séparées".
Le texte prévoit aussi 3 séances gratuites pour la révision des conventions et la prise en charge des frais de rédaction de la convention avec les accords trouvés en médiation.
Inspiré du Québec
Une proposition inspirée par ce qui se fait déjà au Québec. Et qui semble porter ses fruits: impact positif sur les enfants, deux fois moins de frais, des délais diminués, etc.
"Ça me semblait s'inscrire parfaitement dans un contexte où l'on essaie de réduire l'arriéré judiciaire notamment", justifie Vanessa Matz, dont la proposition sera discutée mercredi prochain en commission Justice. "Si les médiations familiales sont déjà prises en charge par le SPF Justice dans le cadre des pro deo, ici, cela s'adresse à tous", souligne la députée.
En 2017, la Cour des comptes avait évalué le coût d'une telle mesure à 13 millions€, sans pouvoir établir le gain pour l'État. "Mais il est évident, assure Vanessa Matz. D'abord d'un point de vue sociétal. La médiation permet aux parties de construire une solution ensemble, il y a moins de risque de déboucher sur des tensions, des violences, moins de remises en cause de la décision impliquant de nouvelles procédures, etc. Moins d'impact sur les enfants. Mais aussi un désengorgement de la justice."
«Dans l’intérêt de l’enfant»
Pour Véronique Schellekens, médiatrice familiale agréée depuis 5 ans, "rendre des séances gratuites aurait des effets géniaux. Il y a trop peu de recours à la médiation familiale. Peut-être par manque d'information mais aussi parce qu'on n'a pas été éduqués à régler nos problèmes nous-mêmes. Et puis, certains ont besoin d'aller au tribunal, parfois dans un esprit de vengeance."
Parmi les autres raisons: la réticence à sortir du judiciaire (or, l'accord en médiation a force de jugement) ou encore la peur relative au coût. Or, "si l'on veut préserver le bien-être des enfants, et des parents, faire l'économie de la médiation est impossible."
Et de citer les avantages: elle permet en effet de désengorger les tribunaux "où c'est la cata, assure la médiatrice. À Bruxelles, vous déposez une requête en divorce, vous aurez une audience 10 mois plus tard. Ce qui ajoute de la tension. En médiation, on reçoit après deux semaines…"
La médiation permet aussi de "pacifier les relations": "c'est du win-win. Quand vous passez par un juge, c'est lui qui décide de ce qui se passera dans votre vie. Bien sûr, ça crie parfois en médiation mais c'est aussi ça: accueillir les émotions."
Véronique Schellekens se dit en outre très attentive aux enfants: "Si la séparation des parents est difficile pour eux, le conflit persistant l'est encore plus. Avec la médiation, on essaie de réintégrer de la communication entre les parents."
Si la médiatrice demande 120€ de l'heure, le coût est divisé entre les deux parties, et non assujetti à la TVA, contrairement aux consultations d'avocat. Et le nombre de séances nécessaires? "Cela dépend de la tension mais parfois en 3 séances, c'est clôturé." Quant au taux de réussite, les médiations volontaires (initiées par les parties) ont plus de chance d'aboutir que les médiations ordonnées par un juge, dit la médiatrice.