270 mineurs étrangers non accompagnés sans tuteur: "La situation est très inquiétante"
Alors que les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) sont toujours plus nombreux sur notre territoire, les tuteurs censés les accompagner dans leurs démarches (procédure d’asile, soins, etc.) manquent, alertent les acteurs de terrain.
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Publié le 26-01-2022 à 06h00
Les entrées de mineurs étrangers non accompagnés (MENA) en Belgique ont augmenté de 75% en 2021, avec des points culminants en novembre et décembre: où 410 et 428 mineurs étrangers, arrivés sur le territoire sans leurs parents, se sont présentés au centre d’accueil. Des chiffres records à mettre en lien notamment avec la crise en Afghanistan.
Si la pression sur le réseau d’accueil est énorme, elle l’est aussi sur le service des Tutelles, censé désigner un tuteur à chaque MENA pour l’accompagner dans les démarches liées à son séjour en Belgique: de la procédure d’asile à l’accès à l’école en passant par la gestion de ses biens.
"Actuellement, le service des Tutelles ne dispose pas d'assez de tuteurs pour en désigner un rapidement à chaque MENA", reconnaissait fin 2021 le ministre de la Justice.
Ces mineurs doivent attendre deux à trois mois pour se voir attribuer un tuteur. Durant ce temps, leurs différentes procédures sont en stand-by. "C'est inacceptable", dit le terrain.
Actuellement, si l’on compte 541 tuteurs et 3 170 MENA sous tutelle, 270 jeunes sont en attente d’un tuteur.
Manque structurel
Les raisons? L’arrivée massive de MENA mais aussi un manque structurel de tuteurs que l’administration peine à combler, même à coups de campagnes de recrutement.
"La situation est très inquiétante", affirme Laurence Bruyneel, coordinatrice de la cellule tutelle de Caritas, composée de 9 tuteurs salariés. En Belgique, 4% des tuteurs sont salariés. Les autres sont volontaires ou indépendants. "Chaque MENA doit avoir un tuteur, point. Cela permet de répondre à leurs besoins, lancer une trajectoire d'intégration et éviter de renforcer leur vulnérabilité." Susceptibles d'être victimes d'exploitation, de traite, les MENA sont en effet un public très vulnérable.
Jean Danis, tuteur volontaire, ancien directeur d'école, est président de l'association des tuteurs francophones (ATF-Mena): "Il y a un déficit de tuteurs depuis des années, que la crise actuelle n'arrange pas. Le malaise est réel. Il y a beaucoup de démissions."
Des dossiers de plus en plus complexes à gérer, un manque de stabilité et une rétribution financière "pas à la hauteur". Voilà ce qui décourage notamment les candidats.
Travail exigeant
"Être tuteur est très exigeant. Cela demande des compétences, de la disponibilité,… et c'est mal payé", dit Frédérique Krings, tutrice volontaire. Retraitée, elle y consacre 2 jours par semaine. "Bien loin de la journée par mois annoncée. Mais c'est gratifiant humainement."
Chaque tuteur perçoit 720€ par tutelle par an. "Même pour les salariés, c'est difficile. On reçoit aussi une indemnité par tutelle. Le reste, c'est l'organisation qui débourse sur fonds propres, décrit Caritas. C'est pourquoi engager de nouveaux tuteurs salariés est compliqué."
Jean Danis plaide pour une refonte du statut et une professionnalisation. Pour Frédérique Krings, il faudrait autoriser les tuteurs volontaires à avoir un peu plus de dossiers: "on est limité à 5 dossiers par an. Au-delà, on doit payer des impôts, se mettre en indépendant. Permettre 7 dossiers par volontaire, cela aiderait!"
Pour Laurence Bruyneel: "Recruter des tuteurs en fonction de la demande n'est pas gérable. Il faut pouvoir faire face aux vagues, de façon pérenne." Cela passe par l'engagement de tuteurs salariés, dit-elle: "Ils ne représentent que 4% du total. Or, ils ont l'avantage d'exercer à temps plein. Cela assurerait une base. Même si volontaires et indépendants ont bien sûr leur raison d'être. Celui qui fait ça à côté de son boulot va être plus disponible le soir ou le week-end…" La coordinatrice plaide enfin pour la mise en place de tuteurs temporaires, sans attendre l'identification du mineur comme tel, via un test d'âge qui prend du temps.