Protestation contre les mesures sanitaires: le politique marche sur des œufs
Les politiques peuvent-ils apporter des réponses à la contestation, telle qu’elle s’est exprimée dimanche? Pas évident, selon le politologue Pascal Delwit (ULB).
Publié le 25-01-2022 à 07h00
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Quelques échauffourées ont encore marqué les esprits, en marge de la manifestation contre les mesures sanitaires, dimanche. Mais elle constituait surtout une occasion d’exprimer des motifs de mécontentement, hétéroclites, à l’image de la composition du cortège lui-même: gestion de la crise, vaccins, pass sanitaire, encore pass vaccinal, etc. Les raisons de la colère sont nombreuses.
Pour autant, apporter en un tournemain une réponse politique à cette contestation n’est guère aisé, selon Pascal Delwit, politologue à l’ULB, qui tient à replacer le mouvement dans un contexte plus large.
"On assiste à une polarisation et une exacerbation qui ont une dimension structurelle et conjoncturelle, résume-t-il. C'est structurel dans le sens où le mouvement est plus profond et remonte sans doute à 10 ou 15 ans, dans le contexte de la crise économique et sociale de 2008 et de ses suites: la rigueur budgétaire, etc."
La protestation des gilets jaunes, qui a émergé fin 2018, s'inscrit dans ce mouvement. "Politiquement, cela s'est traduit par la progression des partis de droite radicale en Europe, une certaine progression de la gauche radicale, de l'abstentionnisme, avec le recul des partis traditionnels", observe Pascal Delwit.
La polarisation autour de la crise sanitaire vient se greffer sur cette tendance de fond. Et l’alimenter.
"La pandémie n'a donc pas créé la polarisation, contrairement à ce qu'on entend parfois", poursuit-il. Cela n'empêche pas l'approfondissement de certaines fractures à l'intérieur de la société elle-même.
Dans ce contexte, les postures politiques varient, avec des partisans de la ligne dure, comme en Autriche, ou des discours "clivants" à l'instar d'Emmanuel Marcon, dans un contexte de campagne électorale. En comparaison, "les choses semblent un peu moins dures en Belgique ou dans des pays du sud de l'Europe", même s'il convient aussi d'analyser les choix politiques à l'aune de la situation épidémique locale, rappelle Pascal Delwit.
Pas de recette miracle
Dans ce contexte, "il est en fait très difficile de prendre des mesures pour répondre à cette polarisation. Que faut-il faire? De l'ouverture, au risque de provoquer une nouvelle vague, comme on l'a déjà vu? Les autorités risqueraient de susciter le mécontentement des vaccinés – je schématise un peu. Ne pas ouvrir, par contre, renforce chez d'autres le sentiment de discriminations, de libertés bafouées, de dictature sanitaire ou que sais-je".
Avec ce climat, argumentation et pédagogie sont sans doute de maîtres mots, selon le politologue, sachant que "la stratégie depuis le début consiste à éviter la saturation du système hospitalier. Il est évident qu'en soi, toutes les autorités politiques ne souhaitent en aucun cas assister à des émeutes, mais préféreraient en finir avec cette exacerbation, relancer la dynamique économique" et desserrer l'étau, assure le politologue.