Les travailleurs belges vont-ils démissionner?
Depuis le début de la pandémie, les États-Unis connaissent une vague de démissions sans précédent. Qu’en est-il en Belgique?
Publié le 22-01-2022 à 07h00
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Depuis le début de la pandémie, des millions d’Américains ont décidé de quitter leur job. Cette vague de démissions, aussi inouïe qu’inattendue, porte un nom: le "Big Quit". Un phénomène qui va à l’encontre de toute logique en période de crise.
"Par le passé, les périodes de crise ont toujours entraîné une diminution des démissions. Le salarié ne réfléchit pas deux fois, mais dix fois, avant de passer à un autre emploi", explique Steven Van Raemdonck, regional manager Belux & Nordics du Top employers institute, qui évalue les pratiques de ressources humaines des entreprises.
"Mais durant la crise, les gens ont eu le temps de réfléchir à leur situation professionnelle." Le développement massif du télétravail a également eu un impact non négligeable sur l'état d'esprit des Américains.
"On a compris que la vie ne se résumait pas au travail. Pas mal de personnes exigent désormais un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée. Elles veulent aussi plus de flexibilité dans leurs horaires de boulot. Plus de variété dans leurs emplois. Si tout cela n’est pas rencontré, cela conduit inévitablement à l’aspiration à une “ vie meilleure ”".
Les chiffres sont éloquents: l’an dernier, jusqu’à 4 millions d’Américains ont démissionné chaque mois, et 65% des employés ont déclaré vouloir changer de travail, précise notre interlocuteur.
Une simple intention
La Belgique va-t-elle suivre le mouvement initié aux États-Unis? À ce stade, notre pays n'enregistre pas de vague de démissions. "Depuis le début de la crise en 2020, nous constatons, au contraire, une baisse des démissions chez les personnes qui disposent d'un contrat à durée indéterminée", relève Frank Vander Sijpe, directeur RH Trends & Insights chez Securex. En 2019, les personnes qui quittaient leur entreprise de manière volontaire représentaient 6,2% des salariés en Belgique. En 2020, ce taux a chuté à 5,05%, pour finalement descendre à 3,3% au premier semestre 2021.
Certains salariés souhaitent également changer de boulot, sans forcément franchir le cap. Les chiffres sont tout de suite plus impressionnants: en avril 2021, 31% des travailleurs belges avaient l’intention de changer d’employeur, 10% à court terme et 21 % à long terme. En réalité, ce taux n’est pas si spectaculaire que cela.
"Même en dehors de la crise du Covid, l'intention de quitter son entreprise se situe en effet toujours autour de 30-35%, précise Frank Vander Sijpe. Et cette intention ne se répercute pas, concrètement, dans les chiffres des démissions. Les gens ont envie de le faire, mais ne se lancent pas."
Trop de confort
Mais alors, pourquoi les Belges conservent-ils un job qui ne leur convient plus ?
"Le droit du travail et la sécurité de l'emploi en Belgique sont très différents des États-Unis, avance Valérie T'Serstevens, legal HR managing consultant chez SD Worx. Le marché est plus volatil et moins protecteur du travailleur outre-Atlantique. On est licencié aussi vite qu'on est engagé, donc les gens s'accrochent sans doute moins à leur emploi."
Frank Vander Sijpe abonde dans ce sens: "En Belgique, 90% des salariés disposent d'un contrat à durée indéterminée. Et nous sommes " récompensés " en restant chez le même employeur: on reçoit des augmentations salariales, des journées de congé supplémentaires, etc."
Par ailleurs, les mesures de chômage temporaire mises en place durant la crise ont aussi joué un rôle dans ce statu quo. "De plus, beaucoup d'employeurs ont tout fait pour garder leur personnel [...] Forcément, ce sont des éléments qui n'encouragent pas la prise de risque."