"Pouvoirs spéciaux" en cas de crise?
Le gouvernement wallon a glissé dans son décret relatif aux inondations les moyens de pouvoir, à l’avenir, réagir dans l’urgence. Pouvoirs spéciaux?
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Publié le 17-01-2022 à 20h19
Le gouvernement wallon s’est-il octroyé des pouvoirs spéciaux en profitant des inondations? C’est l’accusation portée hier par le PTB à l’occasion de la présentation par le ministre Henry d’un décret "relatif aux marchés du gaz et de l’électricité". Un texte visant à donner, six mois après la catastrophe, une base légale aux mesures prises dans l’urgence, et pour la plupart déjà mises en place, comme ne pas permettre de coupure dans la fourniture d’énergie. Dans ces mesures, des aides directes aux citoyens et aux CPAS, en particulier une prime de 550€ destinée à alléger la facture énergétique des sinistrés. Mais le décret vise aussi à laisser au gouvernement la latitude de pouvoir, à l’avenir, prendre de telles décisions dans l’urgence d’une crise.
"Nous nous battons pour que la Région aide concrètement les sinistrés. Dans ce sens, même si elle est beaucoup trop insuffisante, nous voulons soutenir l'aide de 550 euros proposée par le gouvernement mais nous voyons que pour pouvoir soutenir cette aide, le gouvernement veut qu'on lui donne les pleins pouvoirs. Ce n'est pas possible. Dans le cadre de la crise covid, les pouvoirs spéciaux avaient fait l'objet d'un large débat public et nous avons pu voir de nombreux juristes s'y opposer", s'insurgeait le député Julien Liradelflo, qui s'abstiendra sur le vote du décret.
Ses inquiétudes concernant les deux articles glissés dans le décret (le 9 et le 11) étaient rejointes, dans l'opposition, par le cdH François Desquesnes, qui pointait du doigt le "culot" du gouvernement d'ainsi demander des pouvoirs spéciaux pour le futur en s'appuyant sur la catastrophe de juillet. Même la députée libérale Diana Nikolic était dubitative. "La question des pouvoirs spéciaux ne paraît pas hyperclaire", dit-elle.
Où est le problème?
Pour le ministre Henry, aucune raison de s'inquiéter. "Je ne comprends pas très bien en quoi l'objectif pose problème. Il ne s'agit que de mesures positives pour venir en aide aux victimes", tenait-il à souligner. Et du côté d'Écolo d'expliquer que ces soi-disant "pouvoirs spéciaux" ne pourront être pris que dans un cadre très circonscrit, et pour un temps limité à maximum un an. Il s'agit de pouvoir répondre dans l'urgence à une crise comme celles vécues sous cette législature, coronavirus ou inondations
"Ces pouvoirs spéciaux respectent les conditions rappelées par le Conseil d'État et sont strictement limités aux mesures destinées à garantir le droit à l'énergie des clients résidentiels impactés." Les circonstances de crise devront impacter la santé, la sécurité ou la situation financière des clients résidentiels, être constatées par le Gouvernement, être justifiées et proportionnées au regard des circonstances et être ratifiées par le Parlement dans les 6 mois.
François Desquesnes parlera encore de "délire démocratique", d'une proposition qui "vise à déconnecter le Parlement wallon de ses prérogatives". La brèche "mettra hors jeu le débat parlementaire", arguait également Julien Liradelfo. Elle est néanmoins ouverte. Le décret fut approuvé, tel quel, à une large majorité.