Les entreprises prêtes à passer à l’électrique? (décryptage)
Les voitures électriques intéressent encore peu les particuliers. Les entreprises, par contre, les adoptent.
Publié le 17-01-2022 à 10h03
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/BHJMMZEDMRDJND4C7JDWAP6COQ.jpg)
À partir de 2026, les entreprises ne pourront plus déduire que les voitures électriques de leurs impôts. La réforme lancée par le ministre Van Peteghem a été comme un coup de semonce: si les ventes de voitures électriques décollent enfin en Belgique (+9,1% en 2021), c’est essentiellement du fait des sociétés.
Près de 9 voitures électriques sur 10 sont immatriculées par des entreprises ou des indépendants.
"C'est la priorité du moment dans les entreprises, suite à l'annonce du ministre. Et du coup, c'est un peu le branle-bas de combat, pour savoir comme elles vont gérer cela au niveau des commandes de voitures ou de l'installation de bornes de recharge", atteste Colette Pierard, responsable de la cellule mobilité de l'Union wallonne des entreprises, qui aide notamment à la formation de "mobility managers" au sein des sociétés en demande.
Des diesels après 2026
Contraints et forcés par la fiscalité? En 2026, toutes les voitures de société ne seront pas électriques, loin de là. Les contrats de leasing conclus avant l’échéance pourront se poursuivre. Des diesels continueront à circuler. Il est donc probable que, tenant compte de la prolongation d’un an des contrats actuels, de nombreuses sociétés calculeront pour en conclure un nouveau, juste au moment le plus opportun.
Néanmoins, quatre PME sur dix (39%) disposant d’un parc automobile prévoient que l’ensemble de leurs voitures de société seront zéro émission avant 2026, selon un récent sondage mené auprès de 560 PME par la société RH Acerta et des organisations patronales. Ces PME fourniront le plus gros de l’effort sur la fin, en 2025 et 2026, mais déjà près d’un quart affirment prévoir d’installer des bornes de recharge sur le lieu de travail avant le 31 décembre 2022.
La jeune génération le demande
Greenwashing ou réelle volonté de participer à un changement sociétal? "Au départ, il y a peut-être eu un peu de greenwashing, mais aujourd'hui c'est devenu une démarche importante et qui a du sens", estime Colette Pierard. "Les marches pour le climat ont amené à une prise de conscience dans les entreprises mais aussi chez leurs travailleurs."
De nombreuses entreprises ont des certifications, et la mobilité est un des critères à prendre en compte. Elles cherchent à avoir un meilleur bilan carbone, explique la spécialiste. En outre, les clauses environnementales interviennent dans de plus en plus de marchés publics.
Et puis, il y a la question de l'attractivité, quand il n'est pas toujours facile de recruter les bons profils. "En période de pénurie de main-d'œuvre, l'image de l'entreprise peut faire la différence, y compris parmi les PME. Investir dans la durabilité peut constituer un atout supplémentaire qui permet de recruter de nouveau collaborateurs et de conserver le personnel actuel", souligne notamment Acerta.
"La jeune génération regarde à cet aspect environnemental quand elle choisit un emploi, confirme Colette Pierard. Honnêtement, c'est quelque chose qui n'apparaissait pas il y a quelques années. Des entreprises sont venues nous trouver pour cette raison-là." Dans une société de services qui ne fait aucune fabrication, 80% du bilan carbone, ce sont les déplacements du personnel.
Pour mieux négocier le virage

Prendre le virage de l’électrification n’est pas si simple. Les entreprises peuvent se faire assister.
"Toutes les entreprises, si elles ne passent pas à l'électrique, vont avoir des surcoûts importants au niveau de leur flotte", estime Vincent Bellin, directeur technique de Mobilize Power Solutions, département qui regroupe désormais les activités "mobilité" de la société Enersol, à Battice. Ce département conçoit, installe et exploite des installations de recharge à destination des professionnels. Un service qui peut être global, de l'installation des bornes aux stratégies de gestion et à l'optimisation énergétique. " Au début de nos activités, on sentait encore beaucoup de réticences dans les entreprises, mais aujourd'hui tous les feux sont au vert", dit-il.
C'est en 2016 que Enersol, entreprise spécialisée dans les panneaux photovoltaïques et les énergies vertes, décide de faire passer son parc automobile à l'électrique. "Initialement, notre nouveau bâtiment produisait plus que nos besoins. Mais l'arrivée de nos véhicules électriques a multiplié par quatre notre consommation", explique Vincent Bellin. "Notre objectif était plus ambitieux. On voulait être zéro émissions, alors on a installé une éolienne l'an dernier. Notre production est désormais constante et des batteries de stockage vont venir s'ajouter."
Les voitures électriques peuvent aussi servir de "tampons" et stocker des surplus d'électricité. C'est ce qu'on appelle le vehicle-to-grid ou V2G, une charge bidirectionnelle. Aujourd'hui, seuls les trois Nissan Leaf de l'entreprise le permettent, via des bornes spéciales. Mais désormais Enersol compte près de 35 véhicules électriques (tous les employés en sont équipés) pour une trentaine de bornes sur les parkings. "Nous sommes vraiment satisfaits. Le coût est fortement réduit: avec notre production d'électricité qui nous revient à 10 cents, on est à un coût complet du véhicule, le TCO, de 2 à 3€ aux 100 kilomètres. C'est une économie de 100 à 150€ par mois, par véhicule."
La gestion des charges est optimisée. Chaque membre du personnel encode ses besoins. Si un commercial doit partir plus rapidement, la charge de sa voiture sera prioritaire et plus rapide. Un employé qui reste à son bureau aura droit à une charge plus lente, ou reportée dans l’après-midi plus ensoleillé. C’est ce type de gestion que Mobilize Power Solutions propose aux entreprises.
Les camionnettes des ouvriers, elles, ne sont pas encore passées à l'électrique "mais on l'étudie". Une question de manque d'autonomie, pour des véhicules qui roulent chargés. Le rayon d'action du véhicule électrique reste un point de questionnement pour beaucoup de clients, admet M. Bellin, comme le déficit criant d'infrastructures de recharge. Mais en 2026, tout cela aura encore beaucoup évolué.