Une hausse des prix, pas si temporaire
La hausse des prix affecte le budget des Belges. Face à l’inflation, est-il possible de réagir?
Publié le 16-12-2021 à 06h00
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La hausse des prix que nous connaissons actuellement est le résultat d’une crise sanitaire tout à fait inédite. On fait le point.
D’où vient l’inflation?
Quand l’économie mondiale s’est mise sur pause en mars 2020, les entreprises ont également stoppé leurs activités et leurs investissements.
"Dès lors, au moment où l'on a découvert les vaccins, en octobre-novembre 2020, cela a relâché ce que j'appelle "les ressorts de l'économie", avance Mikael Petitjean, professeur de finance à l'UCLouvain (UCL Mons). On a eu un rebond rapide, tout à fait inattendu. Non seulement il y a eu cette reprise très vigoureuse, mais en plus, les États sont très fortement intervenus en mettant beaucoup d'argent sur la table."
L’aide des gouvernements a permis aux économies de redémarrer, et aux individus de consommer de nouveau. Mais l’offre n’a pas suivi la demande, causant des pénuries, des embouteillages sur les chaînes d’approvisionnement, etc. L’explosion de la demande mondiale post-Covid a mené à l’inflation, et donc à la hausse des prix qui pèse sur le portefeuille des Belges, notamment.
Qui peut inverser la tendance?
Pour limiter la flambée des prix, la Banque centrale européenne (BCE) a la possibilité de relever ses taux d’intérêt. Une option a priori intéressante, étant donné que l’inflation a atteint 5% dans la zone euro, alors que la BCE vise un objectif de 2%.
Sauf que la hausse des taux d'intérêt ne fait pas vraiment partie des plans de la Banque centrale. "Son argument consiste à dire qu'un certain nombre d'éléments qui expliquent cette hausse de prix sont temporaires, détaille Bernard Keppenne, chief economist chez CBC Banque et Assurance. Selon elle, la hausse des prix va se lisser et fin 2022, l'inflation en zone euro avoisinera de nouveau 2%. Relever les taux, c'est prendre le risque de provoquer un choc économique."
Accroître les taux d’intérêt permettrait d’éviter de laisser filer l’inflation et augmenterait de facto le pouvoir d’achat des populations.
Ça, c’est la théorie. Car cette piste présente aussi des effets pervers. Pour les ménages, une telle augmentation des taux entraînerait également une hausse des taux d’intérêt des banques. L’accès au crédit serait donc plus complexe pour les particuliers, mais aussi pour les entreprises qui brideraient leurs investissements.
"Le risque en augmentant les taux, c'est d'avoir un ralentissement de la consommation, des investissements, et de la croissance. C'est aussi pousser les gens à investir dans des produits défensifs, à mettre leur argent sur les carnets d'épargne, et à ne pas financer la prise de risque. Or, quand on achète des actions et que l'on investit dans les fonds propres d'une entreprise par exemple, on lui permet de se développer, on crée de la richesse. Relever les taux d'intérêt pourrait casser toute cette dynamique, craint Mikael Petitjean. Et contrairement à d'autres zones économiques comme la Chine et les États-Unis, l'Europe ne fait traditionnellement pas preuve d'un dynamisme très important. On était déjà en retard de ce point de vue-là avant la crise."
Contenir l’inflation pourrait donc clairement freiner la croissance, pourtant souhaitable.
Cette hausse des prix risque-t-elle de durer?
L’inflation est principalement tirée par le coût de l’énergie et des matières premières au sens large.
"En réalité, on observe déjà une accalmie, mais cela met du temps à se répercuter au niveau des prix pour le consommateur, poursuit le professeur de finance. Une matière première, par définition, vient en amont de la chaîne de production. Si vous avez acheté vos matières premières il y a trois mois, vous devez quand même encore en répercuter le coût."
La baisse des prix, pour le consommateur, intervient donc avec un certain décalage. "Cela peut prendre 5-6 mois." Mais la tendance devrait donc, en principe, évoluer dans le bon sens.
Plus fondamentalement, il faut rappeler que le taux d’inflation actuel en Europe est dû à un immense choc conjoncturel.
"Avant la crise, l’Europe faisait plutôt face à un risque de déflation: traditionnellement, en Europe, il y a plutôt une aversion au risque, une tendance à l’épargne, un manque d’initiative privée, etc. Cette tendance ne va pas disparaître du jour au lendemain. Si la situation épidémiologique reste stable, l’Europe pourrait progressivement retrouver ses niveaux d’inflation d’avant-crise. Il va y avoir une normalisation."