Numérisation: «Les travailleurs sociaux ne seront pas les sous-traitants des autres services»
Des travailleurs sociaux ont dénoncé ce jeudi la numérisation de nombreux services aux personnes, facteur d’exclusion mais aussi de saturation du secteur social. Les travailleurs sociaux sont en effet de plus en plus sollicités pour pallier l’absence de ces «guichets» physiques.
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- Publié le 28-10-2021 à 17h03
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C’est une expression de ras-le-bol qu’une petite centaine de travailleurs sociaux a voulu faire passer ce jeudi. Ils se sont réunis vers 13 h devant les bureaux de la Direction des Allocations d’études de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), qui a fermé son service d’introduction des demandes de bourses (lire ci-contre). Avec, comme conséquence, des travailleurs sociaux débordés par la constitution de ces dossiers et qui doivent laisser de côté leur mission première: l’accompagnement social.
Plus globalement, «nous dénonçons le fait que tout un tas de services qui permettaient d'ouvrir certains droits ou d'y avoir accès sont devenus inaccessibles ou difficilement accessibles car numérisés», pointe Magali Gillard, travailleuse sociale et membre du Collectif «Travail social en lutte».
Un phénomène accéléré par les confinements. Si la numérisation est apparue comme la solution évidente pour poursuivre certaines démarches durant l’épidémie, elle est devenue pour d’autres un facteur d’exclusion, laissant de côté toute une partie de la population, qui n’a pas accès à internet, ne maîtrise pas l’écrit, etc.
«C'est extrêmement violent ce qui se passe pour ces personnes, dénonce Magali Gillard. Il n'est pas acceptable que l'exercice de droits fondamentaux soit conditionné à l'utilisation d'un ordinateur et que l'exclusion numérique exacerbe l'exclusion sociale.»
Selon le Collectif, les conséquences sont le non-recours aux droits et un transfert des démarches vers les travailleurs sociaux, déjà débordés.
«Sous-traitants»
Inscrire les enfants à l'école, ouvrir le droit au chômage, obtenir un Covid Safe ticket, payer les factures,… «on se retrouve avec tout un public qui ne sait plus avoir accès à ces services, ces droits et qui sollicite notre aide, dénonce Magali Gillard. On en vient à faire un travail aliénant, purement administratif. Et cela nous empêche d'effectuer notre mission d'accompagnement social, visant l'autonomisation. Là, on fait tout le contraire: on rend les gens dépendants de nos services!»
Pression, surplus de travail, burn-out, pour les travailleurs sociaux, la coupe est pleine. «Nous ne serons pas les sous-traitants des services qui se déchargent de leurs missions sur le secteur social», tempête le Collectif. «Au début, on s'est dit, c'est le Covid. On va parer au plus pressé. Et puis aujourd'hui tout rouvre, sauf ces services qui continuent en ligne, indique Magali Gillard. N'oublions pas que la fermeture de guichets physiques permet de faire des économies…»
Le Collectif «Travail social en lutte», qui menait ce jeudi la première d'une série d'actions devant des services «dématérialisés» – la suivante concernera les banques qui ferment leurs agences -, demande qu'on «maintienne un accès physique et humain dans les services de base et un refinancement du secteur social».

Les travailleurs sociaux ont réclamé jeudi la réouverture d'un service d'introduction des demandes de bourses d'études et interpellé la Fédération Wallonie-Bruxelles: «Nous ne sommes pas un guichet destiné à vous remplacer».«Depuis trois mois, les permanences sociales sont débordées, sollicitées pour aider des personnes à faire leur demande d'allocations d'études, dit Magali Gillard. On n'arrive pas à suivre, avec le risque que certains ne reçoivent pas leur bourse!»
Une assistante sociale ajoute: «la complexité de la constitution des dossiers nous demande un temps énorme et les délais d'introduction sont impossibles à tenir.» Or, toutes les demandes doivent être rentrées pour fin octobre…
Dans l'urgence, les travailleurs sociaux demandent la prolongation du délai. Et plus globalement, une simplification de la procédure, comme en Flandre «où l'allocation d'étude est un droit automatique», note Gaëtan Mons, travailleur social.
Une délégation a été reçue par Frédéric Delcor, secrétaire général de la Fédération Wallonie-Bruxelles.