Les nouveaux OGM avancent masqués
Les multinationales de la semence et des pesticides veulent échapper à la directive OGM. Des organisations veillent au grain.
Publié le 26-10-2021 à 18h01
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«Il y a 30 ans, on nous annonçait que les OGM allaient tout révolutionner. C'était la panacée, se souvient Marc Fichers, secrétaire général de Nature & Progrès. Mais en fin de compte, c'est 30 ans de mensonges. Et ça recommence aujourd'hui.»
L’industrie semencière et chimique met en effet les petits plats dans les grands pour convaincre l’Europe d’exonérer la nouvelle génération d’OGM de la législation actuelle. Motif: la directive n’est plus adaptée, ce qui sort de leurs éprouvettes n’a plus rien à voir avec des OGM.
« Mais rien n'a changé: il s'agit toujours de modifier les plantes dans l'intérêt des firmes», résume Nature & Progrèsqui, avec Inter-Environnement Wallonieet Corporate Observatory Europe, veut alerter le grand public.
1.L'ancien et le nouveau
La première génération d’OGM est née de la transgenèse: la technique consiste à insérer «n’importe où» dans un génome un (ou plusieurs) gène étranger pour modifier ses caractéristiques. Avec les nouveaux OGM, on passe à des mutations ciblées: on insère dans le génome des «ciseaux moléculaires», qui vont couper un endroit précis de la séquence.
2.Les promesses
Il y a 30 ans, l’enjeu était notamment celui de la survie alimentaire mondiale. Les firmes promettaient aussi un usage réduit des pesticides, de meilleurs rendements, une qualité nutritionnelle améliorée et un remède contre la sécheresse. Aujourd’hui, l’argumentaire s’est adapté à l’air du temps: on ajoute le dérèglement climatique et le soutien à la biodiversité.
3.Le constat
On voulait réduire l'usage des pesticides? «Il s'est passé le contraire. Les OGM importés en Europe pour nourrir les animaux d'élevage sont à 95% des plantes gorgées de pesticides», avance Catherine Wattiez, chargée de mission OGM chez Nature & Progrès. Pourquoi? Les cultures sont envahies par des adventices («mauvaises herbes») qui sont devenues tolérantes à l'herbicide. Il a fallu recourir à d'autres herbicides pour en venir à bout. Même chose pour les insectes. Ce qui pousse à développer d'autres insecticides. «C'est, du reste, la même industrie: Bayer, BASF… », rappelle l'association. «On a des OGM bourrés de glyphosate, qui se retrouve dans la chair des animaux d'élevage. Et ces nouveaux OGM vont encore augmenter la dépendance aux pesticides», poursuit Catherine Wattiez.
4.Les risques potentiels
Selon l'industrie semencière et chimique, il n'y avait déjà aucun risque pour la première génération. Il n'y en aurait pas davantage, bien au contraire, pour la nouvelle vague. «Pourtant, les anciens OGM sont générateurs d'erreurs génétiques. Les techniques nouvelles aussi, d'autant plus que c'est maintenant tout le génome qui est rendu accessible au changement, même dans les zones naturellement protégées des mutations. Mais les firmes qui les produisent en minimisent largement les effets potentiels, poursuit Catherine Wattiez. Production de toxines, d'allergènes, modification du métabolisme, impact sur la valeur nutritionnelle et sur l'écosystème, etc. »
5.Le lobbying
L’industrie ne veut pas de l’étiquette «OGM» pour les produits issus des dernières technologies. Mais l’arrêt rendu en juillet 2018 par la Cour européenne de Justice dit le contraire: les nouveaux OGM sont bien des OGM et la réglementation européenne doit s’appliquer. Depuis, le lobbying industriel s’intensifie.