32 h en 4 jours: «Les travailleurs sont plus efficaces»
Ce patron français a fait passer 800 salariés aux 32 heures, avec une semaine de 4 jours, sans perte de salaire.
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Publié le 08-10-2021 à 06h00
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Une semaine de 4 jours, mais avec réduction du temps de travail cette fois et sans perte de salaire. Est-ce possible? Les exemples belges sont rares. En France, quelques patrons se sont lancés, avec des scénarios multiples.
Laurent de la Clergerie est l'un d'entre eux. À la tête de LDLC, une société de vente de matériel informatique en pleine croissance, il a fait passer en 2021 ses salariés aux 32 heures, réparties sur une semaine de 4 jours, sans perte de salaire. Le patron en est convaincu: «des salariés épanouis font une entreprise épanouie».
À noter: en France, la durée du travail est de 35 h par semaine. «Il est plus facile de passer de 35 h à 32 h que chez vous en étant à 38 h», épingle d'emblée Laurent de la Clergerie.
800 collaborateurs LDLC sont ainsi passés de 5 jours de 7 h à 4 jours de 8 h. «L'idée était de libérer du temps aux gens. Les modes de vie ont changé. Aujourd'hui, tout le monde travaille. En rentrant, il faut faire à manger, s'occuper des enfants. Il n'y a pas de vie avant 20 h. Et le week-end, on fait ce qu'on n'a pas eu le temps de faire la semaine. Ce n'est pas un vrai week-end. En offrant un jour dans la semaine, je casse la dynamique. Les gens ont un vrai week-end et on sort de celui-ci en abordant une semaine de 4 jours.»
Au départ, Laurent de la Clergerie pense que la démarche va lui coûter. «Par exemple, je me suis dit que les personnes qui préparent les colis n'iraient pas plus vite et que je devrais engager pour maintenir les horaires du call center. Je me suis rendu compte que j'avais fait des erreurs de calcul. Je n'avais pas prévu qu'ils feraient autant de colis à l'heure. En fait, en passant à 4 jours, les gens ne baissent plus la cadence, ils sont moins fatigués. Et puis, on s'est rendu compte que les clients n'appellent pas autant tout le temps. On a donc adapté le travail à la demande.»
«Ils travaillent autant et ont le sourire»
S'il pensait devoir embaucher une trentaine de personnes, finalement, il n'a dû en engager que 4 ou 5, dans des services déjà sous tension. «Cela ne m'a rien coûté! C'est impressionnant! Les gens sont juste plus efficaces. Et ils ne s'en rendent pas compte. Les employés travaillent autant, en moins d'heures et en plus, ils ont le sourire!»
La bonne situation économique de l'entreprise ne joue-t-elle pas? «C'est plus rassurant de lancer ce genre de démarche dans une entreprise qui se porte bien. Je n'aurais pas pris le risque dans une année moins bonne. Maintenant, je sais que cela aurait été possible!»
Laurent de la Clergerie estime que cela peut marcher dans de nombreuses entreprises. «Après, quand on a une entreprise de transport de personnes, on ne peut pas dire au chauffeur de rouler à 100 km/h au lieu de 50!»
Le patron de LDLC ne reviendra pas en arrière. «97% des employés sont ravis de la mesure.»
Question organisation: si beaucoup de travailleurs désiraient prendre congé le vendredi, un système de binôme a été mis en place: un travailleur prend le vendredi la semaine paire, et l’autre la semaine impaire.
Générer de l’emploi
Le patron français prône la «relance par le temps libre»: «Passer aux 4 jours n'a pas forcément généré de l'emploi dans l'entreprise. Mais si d'autres sociétés s'y mettent, il faudra bien occuper tous ces travailleurs en temps libre, avec du sport, du shopping, des loisirs. Cela créera de l'emploi!»
Pour Laurent de la Clergerie, le débat n'est pas forcément le nombre d'heures. «Les 32 heures marchent parce que c'est en 4 jours!» En revanche, il estime que c'est une «très mauvaise idée de rajouter deux heures par jour aux travailleurs», en faisant référence à la disposition belge en discussion. «Cela va fatiguer les travailleurs et cela se traduira par une baisse de productivité.»
S'il n'existe aucun incitant à la réduction du temps de travail en France, Laurent de la Clergerie estime ne pas en avoir eu besoin. «Mais de petites sociétés pourraient en avoir besoin pour se lancer. Par contre un cadre légal est nécessaire! Si on a pu le faire, c'est en passant tout le monde à temps partiel (en augmentant le taux horaire, NDLR), pour maintenir les pensions…»