Des experts menacés: «Parfois, je réponds pour montrer que je ne suis pas un robot»
Certains experts scientifiques subissent insultes et menaces. C’est le cas, notamment, d’Erika Vlieghe. Yves Van Laethem, lui, dit ne jamais en avoir fait l’expérience.
Publié le 19-05-2021 à 20h14
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Ils sont sous les feux de la rampe, depuis le printemps 2020. Ceux qu’on appelle les experts, qu’ils soient épidémiologistes, virologues infectiologues, l’ont parfois appris à leurs dépens: être exposé implique aussi que l’on peut être moqué, critiqué, voire menacé, d’autant plus que l’on porte un message qui n’est guère populaire.
Le virologue Marc Van Ranst faisait donc partie des cibles de Jurgen Conings. Mais les experts très médiatisés vivent-ils tous dans un climat de menaces? «Je n'en ai personnellement pas fait l'expérience. D'ailleurs, j'ai l'impression que c'est moins le cas côté francophone que néerlandophone», remarque l'infectiologue Yves Van Laethem. Lui-même n'est pas actif sur les réseaux sociaux et y voit un moyen de se prémunir de ce type de désagréments. «Je sais qu'il y a des critiques et des insultes, mais je ne rentre pas dans ce jeu, poursuit-il. C'est vrai que Marc est actif sur les réseaux sociaux, il affiche des convictions tranchées, tant scientifiques que politiques. Et il ne plaît sans doute pas du tout à une certaine extrême droite, beaucoup plus ancrée en Flandre».
Plusieurs scientifiques de premier plan ont été placés ces derniers mois sous protection policière. C'est le cas de Marc Van Ranst, mais aussi de l'infectiologue anversoise Erika Vlieghe. «C'est notre réalité depuis plus d'un an», soupire-t-elle, lorsque nous l'interrogeons sur le sujet. «Ici, c'est un cas particulier: un extrémiste, dans un contexte militarisé. La situation se serait peut-être présentée de toute façon», poursuit Erika Vlieghe.
Appel au suicide
Mais en dehors de cette actualité, «il est vrai que nous recevons beaucoup messages. Je reçois pas mal de messages positifs, mais aussi des messages de mécontentement». Ils ne sont pas apparus dès le début de la crise sanitaire, mais lorsqu'elle s'est inscrite dans la durée. «Ça se calme, puis ça revient par vagues, selon le contexte. On a droit à tout: de l'irritation, des insultes sexistes, etc. Quand ce sont des menaces, je préviens la police, qui prend à chaque fois ça au sérieux. Quelqu'un m'a demandé de me suicider. Je lui ai répondu "est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous écrivez?" On peut ne pas être d'accord, mais pas en arriver à de tels extrêmes. Parfois, je réponds pour que les gens se rendent compte que ce n'est pas à un robot qu'ils s'adressent», raconte Erika Vlieghe.
Assurément, l'infectiologue ne s'était pas engagée dans sa carrière pour faire face à ces comportements. «Mais ça fait partie du package, tempère-t-elle. Depuis le début de la pandémie, on fait des choses pour lesquelles on n'a pas été formés. Il faut comprendre que nous sommes dans un contexte de grande frustration, pour beaucoup de gens. Donc il ne faut pas exagérer le phénomène. Mais il ne faut pas le sous-estimer non plus: il suffit d'un fou avec un fusil…»