Assouplissements: le Luxembourg, l’exemple à suivre?
Alors que la Belgique se penche ce vendredi sur certains assouplissements, focus sur le Luxembourg, qui, début janvier, décidait de lâcher du lest. Avec quel impact?
Publié le 05-02-2021 à 07h56
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C’est un peu l’histoire de ce village qui résiste encore et toujours… Alors que la tendance n’était pas au relâchement aux alentours, le gouvernement d’un petit pays de 626 000 habitants en avait décidé autrement.
Aller au cinéma, au théâtre ou voir un concert est désormais possible pour nos voisins luxembourgeois. Après avoir fermé ses magasins durant les fêtes et retardé la rentrée scolaire, le Luxembourg a décidé début janvier de rouvrir ses commerces mais aussi ses lieux culturels et ses salles de sport. Objectif annoncé: préserver la santé mentale de ses citoyens. Des réouvertures toutefois très encadrées, avec port du masque obligatoire, respect des distances, etc.
«Cela paraît un peu surnaturel, réagit une maman belge, résidant au Luxembourg. Mais au moins on peut se donner l'impression d'une parenthèse dans un monde devenu monotone.»
À contre-courant
Une stratégie à contre-courant des pays voisins qui, ces dernières semaines, ont davantage eu tendance à resserrer la vis: couvre-feu en France, confinement prolongé aux Pays-Bas, en Allemagne…
Le Luxembourg s’en sort-il mieux face au Covid pour se permettre de lâcher du lest? Ou fait-il là un pari pour offrir une bulle d’oxygène face à une épidémie qui pèse lourd sur le moral de ses habitants?
Le premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, s’appuyait début janvier sur une baisse des contaminations et un taux d’occupation réduit de 50% dans les hôpitaux.
Pour Paul Wilmes, porte-parole de la task force Covid au Luxembourg, ces réouvertures ne représentaient pas un «très grand risque», au vu des indicateurs: «les Luxembourgeois ont été très disciplinés pendant les fêtes». Des réouvertures jugées également «contrôlables».
Pas de bonds spectaculaires
À ce jour, ces réouvertures ont-elles eu un impact? Les contaminations ne semblent pas avoir fait de bonds spectaculaires au Luxembourg (en moyenne, 148 cas quotidiens cette dernière semaine contre 168 la première semaine de janvier). Même si, ces derniers jours, on assiste à un regain de l’épidémie (203 cas en 24 h), avec un taux de reproduction de 1,15 (0,99 en Belgique).
«La situation dans notre pays est stable, assure Paul Wilmes. Compte tenu de l'influence du variant britannique, il est trop tôt pour faire un lien causal entre ces réouvertures et la légère augmentation constatée aujourd'hui.»
Pour Vincent Laborderie, politologue à l'UCLouvain qui étudie la gestion de la crise en Europe, les chiffres «n'ont pas vraiment bougé. Vu les normes strictes imposées à ces réouvertures, vous avez peu de chance de vous faire contaminer.»
Des situations différentes
Alors que la situation semble aujourd’hui sous contrôle en Belgique, garder cinémas ou théâtres fermés est-il justifié?
«Plus on rouvre d'endroits, plus la mobilité est grande et le risque de contaminations aussi, pointe d'emblée Catherine Linard, géographe de la santé (UNamur). Par ailleurs, le Luxembourg a une situation plus favorable que la Belgique. Il y a environ 1,5 fois plus de lits occupés dans les hôpitaux belges (par million d'habitants)».
Si le Luxembourg peut se permettre de lâcher du lest, c'est peut-être aussi parce qu'il a «des moyens hospitaliers que nous n'avons pas», prévient Vincent Laborderie.
Enfin, et c'est son point fort, le Luxembourg teste beaucoup plus: 4,25 tests pour 1000 habitants par jour en Belgique contre 12,2 au Luxembourg. «Le testing massif permet de compenser ces réouvertures», confirme Paul Wilmes.
Incertitude du variant
«La Belgique pourrait commencer à envisager ce genre de réouvertures – avec des protocoles stricts – si on utilisait pleinement nos capacités de testing. Ce n'est pas le cas pour le moment», regrette Catherine Linard. Mais, selon cette dernière, le moment n'est peut-être pas idéal: «nous sommes sur un fil. Vu l'incertitude par rapport aux variants, le danger est de perdre le contrôle».
Le variant britannique pourrait-il pousser le Luxembourg à faire demi-tour? «Certaines mesures pourraient ne plus fonctionner si la transmission du virus augmente», reconnaît Paul Wilmes.