Jeunes et «STEM»: casser l’effet repoussoir
D’où vient ce désamour insistant des jeunes envers les métiers scientifiques et techniques? Décryptage avec la directrice du Forem.
Publié le 03-02-2021 à 06h00
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Les métiers des sciences, des technologies, d’ingénierie et de mathématiques (STEM) manquent de bras, de cerveaux. Les filières qui mènent à ces métiers sont toujours plus désertées et l’impact se fait sentir sur le marché de l’emploi.
Tout ça est connu. Les premières actions pour faire bouger les lignes ont d'ailleurs été amorcées il y a 20 ans. Mais toujours pas plus de jeunes pour s'y frotter. Un éternel repoussoir. Pourquoi? «On s'est dit: et si on leur posait directement la question, aux jeunes?», avance Marie-Kristine Vanbockestal, administratrice générale du Forem.
Une enquête a donc été commandée à l’UCLouvain. Elle a permis d’avoir le retour de plus de 6 000 jeunes de 12 à 25 ans. On y voit plus clair?
Marie-Kristine Vanbockestal, qu’est-ce qu’on apprend dans cette enquête que vous ne saviez pas déjà?
Que rien ne change. En deux décennies, le problème des STEM existe toujours. Il a même pris de l’ampleur.
Quand vous dites que rien ne change, vous parlez des facteurs qui guident les choix que font les jeunes…
Oui, ils s’appuient encore trop souvent sur des idées reçues, des stéréotypes. Le monde du travail a fortement évolué. Le numérique a transformé la plupart des métiers. Et ces jeunes tellement branchés, connectés, méconnaissent l’état de ces professions.
Il y a la perception qu’en ont les jeunes, et il y a ce que les parents peuvent véhiculer aussi, rappelle l’étude.
Les stéréotypes prennent leur source chez les parents. Leur parcours scolaire et professionnel a une influence sur les enfants. Ce n’est pas neuf. Et puis, certaines idées ont la dent dure: depuis l’après-guerre, les parents considèrent toujours les métiers intellectuels comme un Graal pour avoir une vie meilleure. Enfin, les filles sont toujours très majoritairement attirées ou orientées vers les filières littéraires ou les sciences humaines.
La pénibilité du travail, le salaire, ça compte aussi dans les choix, non?
Les jeunes se renseignent sur les conditions de travail. Un travail réputé pénible et/ou mal rémunéré est boudé. Les sciences et les maths sont perçues comme conduisant à des métiers qui s’exercent en solo, où il faut faire preuve d’abstraction, où la concurrence est plus rude. Les maths sont ressenties comme étant plus difficiles, les sciences trop abstraites, sans élément concret auquel s’accrocher. Les stéréotypes sociétaux jouent aussi: la société valorise davantage les scientifiques qui ont réussi. On le voit bien aujourd’hui, avec les experts de la crise.
Mais la société change. Les jeunes aussi. Il y a quand même des éléments neufs qui surgissent.
Et là, c’est intéressant: aujourd’hui, on va choisir une filière et un métier pas seulement pour le revenu, mais aussi pour s’inscrire dans la société, voire pour la rendre meilleure. Cette notion de valeurs est neuve. Un métier doit aussi faire sens. C’est important. On doit tenir compte de cet élément neuf. Je précise que l’enquête a été réalisée avant la crise sanitaire. L’imprégnation des valeurs dans le monde du travail n’est pas près de changer, je crois.
Quoi qu’il en soit, l’étude révèle aussi que les choix sont plus ou moins définis assez tôt.
Les choix sont posés à 12 ou 13 ans. On doit le savoir. Il faut agir aussi très en amont si on veut que les perceptions changent.
Et le Forem, il fait quoi?
Nous sommes souvent interpellés à ce sujet. Les valeurs, ce n’est pas notre core business. C’est au milieu scolaire et au monde de l’entreprise, notamment, à les intégrer. De notre côté, on forme des adultes. Et 90% des métiers en pénurie sont couverts par nos 138 formations Forem. Encore faut-il y amener les jeunes.