Coronavirus | Sophie Lucas, Pr en immunologie: «Si ces vaccins étaient inefficaces, ils ne seraient jamais distribués»
La Belgique a défini son plan de vaccination. Mais du côté du citoyen, des craintes persistent.On fait le point avec Sophie Lucas, professeure en immunologie.
- Publié le 04-12-2020 à 08h57
Sophie Lucas, les vaccins contre le coronavirus ont été développés à une vitesse impressionnante. Aurait-on brûlé des étapes?
Je dirais d’abord que le fait que ces vaccins ne soient pas encore autorisés par l’Agence européenne des médicaments prouve, justement, que l’on n’a pas brûlé les étapes.
Ce qui est très clair, c’est qu’ils ont été développés beaucoup plus rapidement que ce que nous avons connu par le passé. C’est bien sûr lié à l’urgence de la situation, mais aussi à la collaboration de tous les acteurs impliqués sur le terrain: les scientifiques, les médecins, les agences de régulation, les firmes pharmaceutiques, etc.
Dans les étapes précoces de découvertes, nous avons notamment pu profiter des connaissances que nous avions des deux épidémies précédentes, de SARS et de MERS, qui ont permis de déterminer très rapidement les éléments importants pour le développement de vaccins.
La rapidité des tests cliniques a également joué un rôle primordial dans le développement des vaccins.
Je précise que les tests cliniques ont été réalisés dans l’ordre, de la phase 1 à la phase 3. Ce qui a fait la différence, c’est que ces phases se sont superposées. On entamait la phase suivante sans avoir terminé la précédente. Mais chacune des phases a bien été ou sera terminée.
Par ailleurs, les firmes pharmaceutiques ont commencé à produire leurs vaccins avant d’avoir les résultats de la phase 3. Ce qui constituait un risque. Car il est évident que si les vaccins, produits alors que les tests étaient toujours en cours, se révélaient finalement inefficaces ou toxiques, ils ne seraient pas distribués à la population .
Enfin, du côté des autorités régulatrices, les résultats des firmes ont été communiqués progressivement, ce qui a accéléré le processus d’autorisation des vaccins.
Oui. Tous ces éléments expliquent donc pourquoi le développement des vaccins a été aussi rapide. En soi, c’est une excellente nouvelle!
Le vaccin de Pfizer est, en principe, attendu pour le mois de janvier. Il permettra de vacciner 300 000 Belges faisant partie de groupes à risques, comme les résidents de maisons de repos. N’est-il pas problématique de «tester» ce vaccin sur des personnes fragiles?
L’objectif du vaccin est, tout de même, de limiter la mortalité associée à cette maladie. Il faut donc évidemment vacciner, en premier lieu, les gens qui en ont le plus besoin.
À l’inverse, décider de vacciner prioritairement les personnes les moins à risques n’aurait, tout simplement, aucun sens.
Pourquoi est-il nécessaire de vacciner 70% de la population?
Ce n’est pas un chiffre qui vient de nulle part. Il s’agit d’estimations sur base de ce que nous connaissons de la contagiosité du virus et des réponses immunitaires des personnes atteintes. Il indique la proportion de la population qui doit être protégée pour atteindre l’immunité collective. Ce nombre est propre au Covid-19.
Si on est jeune et en bonne santé, quel est l’intérêt de se faire vacciner?
Si le virus tue principalement des personnes âgées et des individus avec des comorbidités, il arrive aussi exceptionnellement qu’il tue des gens plus jeunes. Une personne jeune, en se faisant vacciner, va d’abord se protéger elle-même. Néanmoins, c’est aussi une question de responsabilité citoyenne, de désir de protéger les plus faibles, pour participer à l’établissement d’une immunité collective.