Les trains de nuit de retour? Tout reste à faire
Voyager à nouveau en trains de nuit: la volonté du public et du politique existe. Mais l’offre pour les voyageurs reste bien marginale.
Publié le 20-06-2020 à 07h00
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C'est dans l'air du temps. Voyager en train de nuit, comme cela se faisait autrefois, pourrait redevenir une pratique courante dans les prochaines années. Une bonne part du monde politique belge s'inscrit dans le mouvement, comme il l'a démontré cette semaine au Parlement (lire ci-contre). En France, le pouvoir politique a lui aussi affirmé cette semaine vouloir redynamiser les trains de nuit, avec la SNCF. Dans le nord, le sud et l'est de l'Europe, une offre existe bel et bien.
En Belgique, des raisons économiques avaient eu raison des derniers trains de nuit de la SNCB, en 2003. Entre-temps, l’aviation low cost a supplanté le rail, au moyen notamment de tarifs imbattables. La concurrence ne s’exerce pas toujours à armes égales (il n’y a pas de taxe sur le kérosène).
Plus que le mythe de l’Orient-Express ou les périples sur le Transsibérien, ce sont en grande partie des raisons environnementales qui incitent à renouer avec le rail, pour délaisser de modes de transport plus polluants.
Bruxelles-Vienne
En janvier 2020, notre pays accueillait à nouveau un train de nuit, pour la première fois depuis une bonne quinzaine d’années. La compagnie de chemins de fer autrichienne ÖBB propose désormais deux trajets hebdomadaires depuis Bruxelles et Liège, en direction de Vienne et Innsbruck. Cette ligne s’insère dans le réseau de trains de nuit Nightjet, qui dessert l’Autriche, la Suisse, l’Allemagne et l’Italie.
Interruption estivale
C’est à ce stade le seul train de nuit accessible depuis la Belgique. Un projet de train reliant la Suède à la Belgique en passant par l’Allemagne et le Danemark est à l’étude, mais ne devrait de toute façon pas se concrétiser avant 2023.
Nous n’en sommes donc qu’aux prémices d’un redéploiement. Et rêver de rejoindre la capitale autrichienne en wagon-lit, cet été, au départ de la Belgique, reste un vœu pieux.
En raison de la pandémie, le Nightjet d’ÖBB ne circule pas jusqu’au 25 juin inclus. Et de toute façon, il ne dessert pas la Belgique durant les deux mois de vacances. Ce choix, sans lien avec le coronavirus, incombe bien de la compagnie autrichienne.
A-t-on loupé le coche? C'est en tout cas ce que pense la députée fédérale Sarah Schlitz (Écolo), qui milite pour le développement des trains de nuit. Tant du côté du gouvernement que de la SNCB, «la Belgique se contente d'attendre que les propositions arrivent de l'étranger. On manque de proactivité. Si on avait été se mettre autour de la table en Autriche, on n'aurait peut-être pas cette interruption. Il faut comprendre qu'ÖBB a créé cette ligne pour les travailleurs, de l'Union européenne notamment, qui veulent se rendre à Bruxelles» et pas prioritairement pour des touristes belges rêvant de marcher sur les traces de Sissi au château de Schönbrunn.

Au départ de la Belgique, seule la liaison vers l’Autriche existe aujourd’hui. Voici quelques suggestions de trains de nuit accessibles au départ de gares relativement proches.
Autriche
Les trains Nightjet au départ de Bruxelles-Midi, Bruxelles-Nord et Liège-Guillemins en direction de Vienne et Innsbruck. Deux départs (lundi et jeudi soirs) et deux retours (dimanche et mercredi soirs) hebdomadaires. Durée: environ 14 h – Prix: à partir de 29,90€ (places assises), 49,90€ (couchettes), 89,90€ (places-lits). Des correspondances sont possibles vers la Suisse, l'Allemagne, mais aussi l'Italie (Rome, Venise, Florence, Milan, etc.)
Italie
Un train de nuit Thello fait la liaison Paris-Venise (à l'arrêt jusqu'au 31/7 en raison du coronavirus). Durée: une petite quinzaine d'heures – Prix: partir de 29€ (compartiment de six couchettes) et de 85€ (cabine deux lits). Arrêts à Dijon, Milan, Brescia, Vérone, Vicence, Padoue et Venise.
Écosse
Interrail, service de vente de billets de trains internationaux, suggère aux Belges de prendre un Eurostar jusqu'à Londres et, depuis là, un des «tout nouveaux trains»Caledonian Sleeperqui s'en vont vers l'Écosse (à destination d'Abderdeen, Édimbourg, Glasgow, Fort William et Inverness).
Autres
Le réseau de trains de nuit EuroNight, très présent en Europe de l'Est, donne accès à de nombreuses destinations (jusqu'à Moscou) au départ de Paris, Berlin ou encore Munich. La Suède (Malmö) est accessible depuis l'Allemagne avec le Berlin Night Express. Le train monte sur un ferry pour la traversée de la mer Baltique.
Une liaison vers la Suède?
Une deuxième ligne de train de nuit accessible depuis la Belgique pourrait voir le jour, a priori pas avant 2023. Le gouvernement suédois souhaite en effet développer son offre et dans ses cartons figure un projet de liaison entre Malmö et Bruxelles.
Le ministre fédéral de la Mobilité, François Bellot (MR), a confirmé mercredi en commission de la Chambre que des contacts ont déjà eu lieu entre les deux pays. «Il s'agit d'une seconde possibilité de mettre Bruxelles et la Belgique sur la carte européenne des trains de nuit», se réjouit-il.
Le SPF Mobilité a participé à deux réunions d'un groupe de travail créé à ce sujet, «au même titre que les administrations des autres pays concernés. J'ai demandé à Infrabel et à l'administration de prendre toutes les mesures administratives et techniques» nécessaires à l'étude de faisabilité réalisée par la Suède.

«Symboliquement, c'est un signal fort que nous votions ce texte cette semaine, à l'heure où l'on a décidé de rouvrir les frontières, où les déplacements internationaux professionnels ou privés reprennent», ajoute Mélissa Hanus.
Cette résolution propose notamment l'instauration d'un soutien à l'échelle européenne du transport international ferroviaire. D'un point de vue financier par exemple, avec «une taxe européenne sur le carburant des avions». C'est ce point qui a poussé le MR à s'abstenir (avec la N-VA et le Vlaams Belang, tous les autres partis l'ayant approuvée). Les libéraux ne souhaitent pas enfoncer un secteur déjà en difficulté pour en soutenir un autre.
Un amendement des écologistes demande aussi à ce que la Belgique étudie les possibilités de développement de telles lignes ferroviaires, qui auraient du potentiel.
Une mesure encourageante
Mercredi, en commission, le ministre de la Mobilité, François Bellot (MR), rappelait l'impossibilité pour les pouvoirs publics de subventionner les initiatives ferroviaires, dans un marché libéralisé. Par contre, «on peut créer des conditions-cadres favorables: la subsidiation d'infrastructures performantes, tout d'abord». Et le Rochefortois d'annoncer une nouvelle mesure, plutôt une bonne nouvelle pour les défenseurs des trains de nuit: «Le gouvernement a décidé d'une réduction substantielle de la redevance d'infrastructure pour les trains voyageurs, en ce compris pour les internationaux conventionnels. Un tarif spécifique particulièrement incitatif sera en outre appliqué durant la nuit.»