Déconfinement: «Changer un comportement, c’est facile. La difficulté c’est de maintenir ce changement»
Le confinement a poussé certains à revoir leur mode de vie. La difficulté, à l'heure du déconfinement, sera de préserver ces changements, prévient la pyschologue Anne-Marie Etienne (ULiège)
Publié le 29-04-2020 à 07h00
:fill(000000)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/YQCB73FOQRENVE7H6FELQE53RY.jpg)
Anne-Marie Étienne, vous êtes psychologue clinicienne de la santé au département de psychologie à l’Université de Liège. Ces réactions d’anxiété face au déconfinement vous étonnent-elles?
Non, car, aussi bien pour le confinement que le déconfinement, il s’agit de situations qui ne sont pas normales. Le confinement a demandé des stratégies d’adaptation, de régulation. Les gens ont activé certaines de leurs stratégies et on a le même mécanisme du côté du déconfinement. Ce qui peut surprendre, c’est que les gens n’activent pas spécialement dans le déconfinement ou le confinement le même système de pensées ou d’émotions. Ce qui a rassuré dans le confinement peut ne pas rassurer dans le déconfinement.
Ce qui surprend, c’est le profil de certaines de ces personnes, sans cesse en mouvement ou en relation avant mais qui prennent goût à cet arrêt forcé.
Comme on est dans une société plutôt à tendance hyperactive, le fait d’avoir été brutalement interrompu ouvre un espace virtuel de pause, où toute une série de questionnements arrivent, notamment sur les priorités, les principes importants qui nous guident ou les valeurs. Ça remet en perspective le boulier compteur.
On découvre qu’on peut mourir et, comme on peut mourir, on réajuste les valeurs.
Quand on a la santé par exemple, on la met en 6 ou 7ème priorité mais quand on découvre qu’on pourrait la perdre, cette priorité remonte très haut dans le système et d’autres éléments vont devenir moins importants. Chez les personnes qui ont un problème cardiaque, passées les 24 ou 48 premières heures, ce repositionnent s’opère assez naturellement, sans aide extérieure. Il s’agit d’une sorte d’autorégulation. Le déclencheur est l’instinct de survie. On découvre qu’on peut mourir et, comme on peut mourir, on réajuste les valeurs.
À l’inverse, le risque d’oublier les points positifs du confinement est bien réel?
Confinement et déconfinement ne sont pas des situations normales. On s’adapte avec le système de pensée. On pose un certain nombre de choix, on régule ses émotions, on change certains comportements. Ça s’accompagne aussi probablement de modifications physiologiques. On a été obligé de changer.
Il faut y aller peut à petit, en adoptant un discours motivationnel.
Trois sousbassements aident alors au changement: classement différent des priorités, changement des motivations et possession de ressources pour le faire. Si les personnes qui disent être en train de changer ont les ressources pour contrôler toute une série de choses, elles vont réguler leurs émotions différemment quand elles seront sous pression. Elles auront les moyens pour tenir leurs engagements. Mais j’insiste sur un élément: changer un comportement est extrêmement facile. La difficulté, c’est de maintenir ce changement, comme pour les résolutions du nouvel an. Il faut y aller peut à petit, en adoptant un discours motivationnel.
Certains choix impactent les autres, comme pour cette maman hyperactive angoissée à l’idée de blesser ses enfants.
Avec le confinement, cette maman vient d’observer que certains choix qu’elle avait posés pourraient être différents. La première étape, c’est de réorganiser ses priorités. La deuxième chose, c’est de ne pas raisonner dans le passé et le futur car ça génère des regrets ou de la culpabilité. Elle prenait avant des décisions sur base des informations qu’elle avait. Maintenant, elle a d’autres informations.
Plutôt que se sentir anxieuse et perdue, elle transforme ça en un bon stress.
Ce qui est compliqué, c’est de transmettre ces informations sans provoquer de remous. Mais c’est un idéal, c’est compliqué. En appliquant un principe de réalisme et de réalité, elle peut progressivement faire des propositions, un pas à la fois. Peser les avantages et les inconvénients, voir les propositions qui pourraient être mises en place sans demander beaucoup d’efforts mais qui vont générer beaucoup de résultats.Plutôt que se sentir anxieuse et perdue, elle transforme ça en un bon stress. Elle construit un projet positif.