Pensions: des assurances-groupes défaillantes
Certaines assurances-groupes seraient insuffisamment financées pour garantir le paiement des pensions complémentaires. Quel impact concret sur les travailleurs? Analyse.
Publié le 22-02-2020 à 07h00
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«À l'âge de la pension, nous étions censés percevoir une somme importante, environ 100 000 euros hors taxes, grâce à notre assurance-groupe. Mais nous avons finalement appris, à notre grande surprise, que ce ne serait plus le cas.» Anne (prénom d'emprunt) travaille en milieu hospitalier depuis 25 ans. Dans son secteur d'activité, les pensions sont relativement basses: cette belle enveloppe lui aurait donc permis d'envisager la retraite plus sereinement. L'annonce de son employeur a, malheureusement, rebattu les cartes. «Cela dit, après pas mal de remue-ménage au sein de l'hôpital, nous avons finalement obtenu de percevoir une rente mensuelle, une fois pensionnés. On parle de quelques centaines d'euros supplémentaires par mois. C'est donc un soulagement, même si ce n'est pas comparable aux 100 000 euros prévus initialement !»
Un sous-financement interpellant
La quinquagénaire n’est pas un cas isolé. La FSMA, l’autorité belge des marchés financiers, a d’ailleurs récemment tiré la sonnette d’alarme quant au sous-financement d’un certain nombre d’assurances-groupes à prestations définies. Mais de quoi parle-t-on, précisément? En Belgique, plus de trois millions de salariés bénéficient d’un plan de pension complémentaire – «un deuxième pilier» – par l’intermédiaire d’un fonds de pension ou d’une assurance-groupe instaurée par leur employeur. Précision importante: il existe deux types d’assurances-groupes. Les plus courantes étant les assurances-groupes à contributions définies: l’employeur ne promet pas de résultat déterminé, mais uniquement le paiement de contributions. Dans le cadre d’assurances-groupes à prestations définies, l’engagement est plus contraignant, car l’employeur promet à ses travailleurs un capital unique ou une rente périodique au moment du départ à la retraite. C’est ce type d’engagement de pension qui a fait l’objet d’une étude de la FSMA.
Déroute législative
Cette analyse dévoile qu’environ deux tiers de ces régimes d’assurances-groupes à prestations définies présentent un niveau de financement insuffisant, à long terme. Cela signifie que le paiement des prestations promises au moment du départ à la retraite n’est pas garanti. Aujourd’hui, 150 000 Belges sont concernés par ce type de régime, principalement des travailleurs âgés.
« Cela représente environ 5% du nombre total d'affiliés à un plan de pension complémentaire», indique Mathieu Saudoyer, porte-parole adjoint de la FSMA. Ce type de régime de pension représente toutefois encore des montants importants: on parle de 11 milliards d'euros pour la somme totale de ces engagements. À mettre en balance avec les 55 milliards d'euros, tous régimes de retraite complémentaire confondus. Le trou à combler, pour apurer ce sous-financement, se situerait entre 448 et 776 millions d'euros, en fonction des hypothèses de calcul utilisées.
Selon l'autorité de contrôle, cette lacune proviendrait d'une différence au niveau du cadre réglementaire. «En matière de pensions complémentaires, [...] la loi prévoit un cadre juridique moins élaboré pour les assurances de groupe que pour les IRP (NDLR: fonds de pension), tant en termes d'exigences de financement que de suivi et de contrôle du financement. » Outre la question du cadre réglementaire, le message de la FSMA consiste à inviter les assureurs à tenir compte d'hypothèses plus prudentes pour arriver à financer correctement ce type d'engagements de pension complémentaire. Quid des travailleurs lésés? Si l'assureur n'est pas en mesure de payer ce qu'il est censé payer en tant que promesse de pension, c'est l'employeur qui doit combler la différence.